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Liban - Photographies

Alep imprimée avant son agonie

« 5 jours à Alep » est une balade photo au cœur d’une des plus vieilles cités du monde, dont le centre a été inscrit au patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco en 1986. Un album plein de tendresse, d’humour et de poésie à l’heure où la ville se noie dans le sang et la fureur, et où son patrimoine est plus que jamais menacé.

Une échoppe de chaussures.

C’était avant que la Syrie ne devienne le théâtre de violents affrontements entre soldats de l’armée régulière et rebelles. Avant que la ville d’Alep ne soit plongée dans l’horreur quotidienne, ne subisse de sévères dégâts, ne s’inquiète pour son patrimoine historique. De jeunes illustrateurs et photographes de l’Académie libanaise des beaux-arts (ALBA) avaient alors décidé de s’en aller capturer des instantanés de cet Alep, de cette cité légendaire chargée d’histoire et de gloires depuis le IIIe millénaire avant l’ère chrétienne. À travers 191 clichés et dessins, ils livrent le récit de ce séjour pédagogique chapeauté par Gilbert Hage.


Ainsi, dressant le portrait de la vieille ville et de sa population, Clara Abi Nader, Stéphanie Achkouti, Yara Afram Boustany, Jinane Chaaya, Pascale Christoforidès, Kassim Dabaji, Sandra Fayad, Paul Ghorra, Melissa Jabbour, Tarek Mouqaddam, Maya Nohra et Rami Tannous déroulent sur 120 pages des paysages, des hommes et des monuments dont une majeure partie remonte aux périodes islamiques. Bloc-notes et fusain en main, appareil photo en bandoulière, ils ont fixé pour l’éternité, d’abord sur leur rétine et ensuite pour les yeux du monde, les mosquées et les madrassas, les souks (marchés couverts) et l’impressionnante citadelle bâtie par Ali Sayf el-Dawla. Ils ont imprimé sur leur pellicule voûtes, arcades, portails ou fenêtres ouvertes sur un dédale de ruelles pavées, mais aussi d’anciennes façades dont celle de l’hôtel Kasr al-Andaloss à Bab el-Faraj, et surtout ces fameux tags (l’indispensable pouls underground de n’importe quelle ville au monde) et un nombre ahurissant de ces photos de Bachar el-Assad qui tapissent les murs. Autant de clichés, autant d’histoires... C’était avant la révolution.

 



Poésies
Vue, ouïe, odorat, goût, toucher... Tout est là. Mais ce sont toutefois les souks et leur population qui tiennent une place particulière dans cet album, entre les étalages de chaussures, de tissus, de lingerie ; les zones parfumées consacrées aux savons, aux épices et saveurs orientales, ou encore les petits métiers, absolument nécessaires pour la protection globale de tout patrimoine : le barbier, le boulanger, le pâtissier ou le tripier... Toute la fantaisie et la poésie de ce quotidien coloré s’est prêtée aux objectifs des photographes. Étudiante en photo en troisième année, Clara Abi Nader semble avoir saisi l’essence aleppine : « C’était ça Alep : on y est sans y être. C’est ce qui fascinait. On peut se perdre dans ses rues, entre les vagues de gens qui vont et viennent, entre ses taxis jaunes qui s’entassent aux feux rouges (...) Mais là, il y avait toujours un instant à saisir, où l’être le plus banal donnait à voir son identité secrète. »

 


Réalités
Mouvement, flou, gros plan, paysage, portrait d’enfants ou de vieillards qui offrent une part d’eux-mêmes, de ce qu’ils sont, angles de vue multiples, pose ou saisie rapide, ces « 5 jours à Alep » rassemblent tout un kaléidoscope d’images belles et variées ; des documents qui appartiennent à l’histoire... Parce que les reporters de guerre racontent que désormais, les échoppes sont abandonnées, détruites. Que des souks ivres de l’odeur du savon et des épices n’offrent plus aujourd’hui que la puanteur âcre des détritus en combustion. Que la mosquée al-Mahmandar, un joyau vieux de sept siècles, présente un trou béant à la base de son minaret. Que l’église maronite à Sahat Farhat (XVIIIe siècle) a aussi été bombardée. Et même cette fameuse citadelle a été touchée et son entrée, qui date de l’ère des Mamelouks, a été endommagée.

 


Les combats à Alep dans le nord de la Syrie font tous les jours de nombreux morts parmi les civils. Un drame humain qui s’accompagne d’une catastrophe culturelle. Et comme toutes les autres ONG, l’Unesco a elle aussi tiré la sonnette d’alarme. Mais personne, nulle part, n’entend.

 

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