L’effusion de sang en Syrie a presque atteint les proportions d’un génocide. Depuis le printemps 2011, les massacres perpétrés par le régime d’Assad ont emporté des dizaines de milliers de civils, dont des enfants, des femmes et des personnes âgées. S’il est un fait que des milices jihadistes ont émergé, et dans certains cas ont effectivement perpétré des abus, la grande majorité des Syriens qui manifestent contre le régime baassiste ne cherche pas à édifier un émirat du style taliban. Cette réalité politique, clairement comprise par les observateurs chevronnés et les experts compétents, continue d’échapper à une bonne partie de l’opinion publique internationale. Le conflit en Syrie est interne, régional et international, et il est maintenant sur le point de provoquer une catastrophe humaine, obligeant la communauté internationale à agir pour la défense d’une population en voie de disparition. Non seulement le droit international mais également la Charte de l’ONU exigent un plan de sauvetage pour des millions de civils innocents, pris au piège dans une guerre qui n’a cessé d’élargir son spectre.
Comme je l’avais prédit dans mon livre The Coming Revolution : Struggle for Freedom in the Middle East, publié quelques mois avant le printemps arabe et six mois avant la révolution syrienne, la société civile en Syrie a atteint un niveau critique de rejet du régime répressif et sécuritaire des Assad. Dans ma projection, j’avais soigneusement fait valoir que les Syriens finiraient par se soulever contre le régime baassiste, certains en raison de la répression passée, comme les sunnites, d’autres en raison du traitement à l’égard des minorités ethniques, comme les Kurdes... mais une majorité populaire finirait par imiter le soulèvement de la révolution du Cèdre au Liban en 2005 contre l’occupation syrienne, ainsi que la révolution Verte à Téhéran contre le régime khomeyniste, principal allié d’Assad dans la région. Les Syriens ont finalement brisé le mur de la peur et ont déferlé dans les rues à partir du printemps 2011. Les insurgés de Deraa, dans le Sud, et de Homs, au centre, ont suivi l’exemple des Égyptiens, qui venaient de renverser Moubarak, et des Tunisiens, qui avaient poussé Ben Ali à l’exil. Beaucoup pensaient à l’époque qu’il suffirait que des manifestations de masse prennent les rues d’assaut pour que la communauté internationale, emmenée par les États-Unis, force Assad à démissionner. Les Syriens et les Arabes avaient été témoins de l’escalade des pressions diplomatiques menée par le président Obama contre Le Caire et Tunis, et pensaient qu’il en serait de même avec Damas. Et lorsque Kadhafi a lancé ses chars sur Benghazi et les quartiers de Tripoli en 2011, Washington a mené, à partir d’une position d’arrière-garde il est vrai, la campagne aérienne et maritime de l’OTAN visant à épuiser l’armement stratégique du dictateur, donnant à l’opposition l’occasion de livrer sa bataille au sol, ce qui a ultimement conduit à la chute de l’homme fou, comme Sadate avait l’habitude de l’appeler.
Entre-temps, les manifestants syriens avaient été brutalisés, les enfants torturés et des centaines de citoyens tués par semaine. L’administration Obama n’a pas été à la mesure du niveau d’espoir et de la tragédie qui se déroulent dans toute la Syrie. Des mois se sont écoulés avant que les pressions diplomatiques américaines ne soient devenues suffisamment sérieuses et les sanctions économiques appliquées. Le temps que les pressions à l’égyptienne, et plus, aient été adoptées en Syrie, la situation était déjà devenue similaire à celle de la Libye. Washington était en retard, très en retard. Les troupes de Bachar el-Assad massacraient déjà des milliers de civils dans les villes et villages et une « Armée syrienne libre » avait déjà vu le jour et défié le régime.
Au moment où la révolution était devenue une quasi-guerre civile, les États-Unis saisirent le Conseil de sécurité pour une initiative sur la Syrie. Mais parce que les dirigeants russes ont prétendu avoir été dupés sur la Libye avec la résolution 1973, le veto de Moscou – soutenu par la Chine – bloqua toute référence à une résolution fondée sur le chapitre 7, condition sine qua non pour une action militaire contre le régime. Encore une fois, malheureusement, l’administration Obama était en retard pour obtenir un mandat en faveur de l’établissement d’une zone d’exclusion aérienne ou même de couloirs humanitaires pour aider les civils. Et pour cause : toute enclave de sauvetage doit être protégée par les forces de l’ONU, en vertu d’une décision autorisée sous l’égide du chapitre 7, désormais rendue impossible.
Au printemps dernier, l’équation sur le terrain s’est modifiée avec des conséquences dramatiques. Les rebelles ont remporté des victoires plus tactiques, pénétrant dans nombre de villes et de villages, saisissant des points de contrôle aux frontières et, comme nous l’avons vu dernièrement, portant des coups durs au directoire d’Assad. Ainsi, l’opposition progressa, grâce à sa propre force et avec un soutien minimal des acteurs régionaux. Mais sans une initiative internationale ou arabo-occidentale stratégique, l’opposition interne risque le massacre aux mains d’une armée puissante qui, en dépit des défections multiples, continue d’écraser les enclaves rebelles émergentes et d’élargir le spectre de la violence contre les civils.
Pourquoi l’administration Obama n’a-t-elle pas agi fermement et de façon stratégique sur la question syrienne, quand bien même elle aurait pu profiter d’un soutien européen – surtout français –, turc et arabe ? La raison principale qui a freiné une telle action – raison non déclarée, mais généralement admise – réside dans les craintes de la Maison-Blanche de ce qu’elle appelle une escalade régionale. En fait, Assad est un allié du régime iranien et du Hezbollah au Liban, et beaucoup au sein du gouvernement irakien soutiennent discrètement cet axe. Washington craint qu’une action militaire contre la Syrie, sous quelque forme que ce soit, provoque une contre-offensive non pas d’un seul, mais de quatre régimes. Dans le cadre d’une année électorale, comme il apparaît dans l’esprit des stratèges d’Obama, un président en exercice pourrait ne pas vouloir risquer une campagne militaire contre un pays dont le régime fait partie d’une alliance régionale menée par l’Iran. Et comme l’administration n’a aucun plan d’endiguement pour l’Iran, elle se trouve par conséquent incapable de commencer, en Syrie, une série d’actions qui pourraient déboucher sur une confrontation dans le Golfe, en Irak et au Liban, sans compter qu’elle pourrait impliquer Israël à une plus grande échelle.
Malheureusement, l’incapacité à déboulonner Assad est due à un manque de décision stratégique US concernant l’Iran et le Hezbollah, attitude qui a envoyé un message clair au dictateur syrien : il peut agir en toute impunité au moins jusqu’au 6 novembre, ce qu’il est en train de faire, sans pitié. L’un des résultats majeurs de cet échec est la croissance spectaculaire du nombre de victimes civiles à l’intérieur de la Syrie : l’on peut voir la mort et le chaos via Internet et YouTube au quotidien. Un autre effet de l’incapacité étatsunienne est l’inquiétante pénétration par des réseaux jihadistes armés de l’opposition en Syrie. Bien qu’à une échelle réduite, les partisans d’el-Qaëda ont revendiqué des victoires tactiques contre le régime, convainquant un plus grand nombre d’islamistes de rejoindre leurs rangs. À l’origine libéral et laïque, le directoire de l’opposition est désorienté entre l’absence de décision de l’Ouest et la brutalité du régime. Pendant ce temps, les pro-Iraniens se renforcent en Irak et les partisans du régime syrien passent à l’action contre la coalition pro-occidentale du 14 Mars au Liban.
En bref, l’administration Obama a malheureusement échoué à venir à la rescousse d’une population menacée par un allié de l’Iran. Certains font remarquer que cela pourrait être une politique, plutôt qu’une absence de politique, qui évoque en nous l’attitude envers les manifestants iraniens en juin 2009. Des observateurs suggèrent ainsi qu’une doctrine Obama non déclarée pour le Moyen-Orient souhaite laisser l’Afrique du Nord aux Frères musulmans et le Levant à l’influence iranienne.
On peut espérer que Washington change rapidement d’orientation dans sa politique au Moyen-Orient, en improvisant une stratégie qui produirait un affaiblissement d’Assad et un renforcement progressif de l’opposition, tout en s’assurant que le camp laïque et libéral dans les rangs des rebelles reçoive la plus grande partie du soutien. L’élaboration d’une telle stratégie est-elle aujourd’hui envisagée ? Les plans d’urgence existent toujours à Washington, mais la question qui se pose est celle de la décision politique. Existe-t-elle ? Si nous ne voulons pas voir les Syriens souffrir de manière irréversible jusqu’à ce que les élections soient terminées aux États-Unis, des pressions réelles doivent être exercées en Amérique et dans le monde entier sur l’administration afin d’initier au moins une campagne alternative pour la protection de la société civile en Syrie. En résumé, pour que la Syrie soit libérée, Washington doit changer d’orientation. Sinon, il faudra attendre un changement d’administration pour bénéficier de l’alternative Romney à la réticence d’Obama à défier l’Iran, principal soutien de Bachar el-Assad.
Lire Walid Phares a été une pure perte de temps, il ne dit rien sinon que des contre vérités. obama ou romney c'est du kif kif, aucun d'eux ne pourra s'y avanturer, l'amerique est malade de sa politique d'alignement a l'injustice de la présence du régime le plus détestable au monde, israel, et si on veut intervenir pour cause humanitaire mon oeil, dirigez vous vers l'Afrique de l'est et du centre on en est rendu à plus de 7 millions de morts, femmes et enfants inclus.
05 h 27, le 29 août 2012