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Technologies

« 3615 code recyclage », la dernière demeure des Minitels

Des Minitels attendant d’être désossés dans les locaux de la société de recyclage Envie 2E à Toulouse.

Sans ménagement, Mehdi empoigne le Minitel et le fracasse d’un coup de marteau, fendant sa coque de plastique d’un geste à faire hurler les nostalgiques.
Une fois les vis retirées, cet ouvrier de l’entreprise toulousaine Envie 2E jette sur un tapis roulant circuits imprimés, tubes cathodiques, parties plastiques et fils de cuivre en vue de leur recyclage, un destin que s’apprêtent à connaître les 600 000 à 700 000 Minitels encore en circulation en France.
Le service de terminaux grand public, qui a permis à des millions de Français de consulter l’annuaire, d’obtenir leurs résultats d’examen ou encore de flirter sur des messageries « roses », vient en effet de tirer sa révérence, après trois décennies de fonctionnement.
Quant aux appareils eux-mêmes, France Télécom a mis en place une collecte dans toute la France pour qu’ils soient démantelés chez Envie 2E à Portet-sur-Garonne, dans la banlieue toulousaine, puis recyclés.
Un crève-cœur pour bon nombre des 420 000 clients actifs que comptait encore le terminal, commercialisé en 1982 par France Télécom et qui a connu son apogée dans les années 1990, avant qu’Internet ne s’impose dans les foyers de l’Hexagone. En 1994, on dénombrait 6 millions d’exemplaires de ces boîtiers beiges, bruns ou marrons en France et 25 millions d’utilisateurs.
«Le Minitel a 30 ans de vie commune avec les Français », résume Hélène Viot-Poirier, directrice des portails chez Orange France et responsable des activités digitales, dont le Minitel.
« C’était un produit fédérateur pour France Télécom, un élément de fierté. Ce produit va laisser une trace, au même titre que le Concorde ou le TGV. »

129 tonnes
d’appareils recyclés
Preuve de son importance dans la culture populaire française de la fin du XXe siècle: en 1981, le visage de François Mitterrand, vainqueur de la présidentielle, s’était affiché à la télévision à la façon d’un écran de Minitel, pixel par pixel.
Mais malgré sa popularité et son statut de success story à la française, le Minitel est rattrapé par la limite d’âge. À Portet-sur-Garonne, plusieurs milliers de Minitels s’entassent dans de grands conteneurs grillagés, en attendant de passer sous la masse de Mehdi.
«Tous les Minitels de France sont démantelés ici», explique Cindy Héronville, directrice ajdointe d’Envie 2E, entreprise de démantèlement d’appareils électroménagers qui accueille des employés en difficulté d’insertion.
En 2011, 129 tonnes de terminaux ont été désossés sur le site et ce chiffre a atteint 100 tonnes sur la période janvier-avril 2012.
Jacques Chirac et la boulangère d’Aubervilliers
Sur chaque appareil, 89% des matériaux sont recyclés: le verre du tube cathodique est refondu, les coques en plastique deviennent par exemple des pare-chocs de voiture et les circuits imprimés sont broyés pour en récupérer les métaux.
«La loi nous oblige à recycler et retraiter nos déchets », indique Hélène Viot-Poirier. «Alors, via un sous-traitant, on récupère, on désosse, on recycle et on retraite les composants chimiques et électroniques. »
Symbole de la conversion des Français aux activités connectées, le Minitel a parfois été accusé d’avoir retardé l’implantation d’Internet en France. Mais pour Hélène Viot-Poirier, c’est le contraire, étant donné le «long chevauchement» entre les deux technologies. «Le Minitel a coexisté longtemps avec Internet (...) Il a préparé les Français aux usages online.»
Ce que Jacques Chirac, alors président de la République, avait résumé en 1997 par cette phrase : «La boulangère d’Aubervilliers sait parfaitement interroger sa banque par Minitel, alors que la boulangère de New York en est incapable.»
En outre, les services en «3615» ont notamment permis à de futurs grands noms des nouvelles technologies, dont Xavier Niel, fondateur d’Iliad, de faire leurs premières armes.
«Le Minitel a permis l’émergence de nouveaux entrepreneurs en France, en les confrontant à la prise de risque», explique-t-elle. «Ces acteurs-là étaient présents pour la première génération des start-up et ont permis leur essor. »
Reste enfin le souvenir des services de «Minitel rose», messageries de rencontre en ligne qui, malgré leur interface austère, ont pimenté les nuits de milliers de Français à la fin du siècle dernier.
«Les messageries roses ont connu un succès réel», confirme Hélène Viot-Poirier. «Je me souviens que mes parents nous interdisaient l’accès au Minitel... ».
Sans ménagement, Mehdi empoigne le Minitel et le fracasse d’un coup de marteau, fendant sa coque de plastique d’un geste à faire hurler les nostalgiques.Une fois les vis retirées, cet ouvrier de l’entreprise toulousaine Envie 2E jette sur un tapis roulant circuits imprimés, tubes cathodiques, parties plastiques et fils de cuivre en vue de leur recyclage, un destin que...

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