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À La Une - Recherche scientifique

Liban : Quand la terre bouge sans avertissement...

Le Liban est un pays à risques en ce qui concerne les mouvements de terrain – soulèvements, glissements, séismes, érosion, etc. – en raison de son paysage accidenté et des nombreuses failles qui le traversent. Or ce risque est largement méconnu et sous-estimé.

Fissures dans les routes à cause des mouvements de terrain au Mont-Liban.

Les mouvements de terrain (MT) sont très répandus au Liban et sont considérés, par leur ampleur, comme de véritables catastrophes. La plupart emportent sur leur passage des volumes assez importants de matériaux et se produisent avec une fréquence élevée, pesant ainsi lourdement sur l’activité humaine et économique du pays, avec des pertes annuelles variant entre 10 et 15 millions de dollars américains. Cette fréquence est fortement liée à l’occurrence d’événements tels que des soulèvements, des failles et des tremblements de terre, mais aussi aux conditions climatiques extrêmes (pluies abondantes de forte intensité) et à l’expansion des activités humaines néfastes (recharge artificielle des eaux souterraines, constructions d’habitations, déviation des systèmes de drainage, déboisement des montagnes, carrières, etc.).


Des mouvements majeurs se sont ainsi produits en 1860, 1914, 1924, 1948, 1954, 1960 et 1983. Des mouvements mineurs se produisent toutes les autres années. Les mouvements grandioses se sont corrélés avec des séismes majeurs, surtout ceux des années 1924 et 1956. Quelques exemples illustrent le danger qu’ils peuvent représenter. En 1978, la région de Chiha-Zahlé (dans la vallée de la Békaa) a fait l’objet d’un large glissement de terrain dû à la présence de grandes quantités d’eau causées par la cassure de certains tuyaux. Ce phénomène a abouti à des fissures dans les maisons et les routes, une destruction des paysages. Il a causé plusieurs morts.
La même année, le village de Baalchmay dans la région du Chouf (Mont-Liban) a été le théâtre d’un large glissement de terrain désastreux, sur une longueur de 600 mètres et une largeur maximale de 250 mètres, faisant de nombreuses victimes et d’importantes destructions.


Le 9 janvier 1996, les précipitations intenses ont provoqué un large glissement de terrain menaçant plusieurs maisons et coupant complètement la route entre Laqlouq et Tannourine. Le 16 février 2000, un glissement de terrain a eu lieu à Biakout au Mont-Liban, provoquant la destruction totale de deux bâtiments. De même, un mouvement de terrain dit « actif » (quand le mouvement est continu et le risque omniprésent), bien connu des géologues, qui caractérise la région de Aqoura (au nord du Liban), a bougé le 25 mars 2000. Plusieurs terrains agricoles ont été dévastés.
À l’heure actuelle, plusieurs mouvements de terrain, bien que dormants, peuvent devenir actifs sous l’effet des précipitations intenses et diverses actions anthropiques.

 

Les exemples précités des mouvements de terrain au Liban montrent que le grand public ignore ou sous-estime son exposition aux mouvements, par mauvaise compréhension ou manque d’informations sur les phénomènes. Plus généralement, il adopte un comportement à court terme lié à un intérêt immédiat, tel celui de s’implanter dans une zone sujette aux érosions. Il prend conscience du danger uniquement lors des orages exceptionnels, des coulées boueuses et des inondations.


Les plans de gestion appropriés manquent encore dans le pays. Alors que les changements climatiques globaux et les pressions anthropiques (de l’homme) sur les milieux s’accentuent, les concepts de gestion, de protection et de durabilité des écosystèmes se développent dans une large mesure actuellement dans le monde, bien moins au Liban malheureusement.


C’est dans ce cadre général que se situe l’ensemble de mon travail de recherche, avec la finalité d’une meilleure connaissance de la gestion de certains risques naturels (y compris les mouvements de terrain) à l’échelle régionale, qui sont largement répandus dans la région méditerranéenne (le Liban inclus). Je m’intéresse aussi à la valorisation des ressources environnementales variées (sols, eaux, végétation).


Dans le cadre de mon activité de professeur, je me suis lancée, dès l’an 2000, dans la supervision des thèses de doctorat. À travers ces thèses, nous avons développé des modèles sur la situation au Liban et des cartographies de mouvements de terrain. Nous nous sommes focalisés aussi sur le choix de types de satellites et de techniques de traitements différentes pour la détection des mouvements de terrain. La méthode choisie s’appuie sur les images satellitaires et non plus sur les photographies aériennes comme c’était le cas précédemment.

Où construire et comment se prémunir du risque ?
Notre objectif était de détecter les mouvements de terrain et d’explorer les facteurs qui influent sur l’occurrence de ces mouvements au Liban, par ordre de priorité. Le facteur le plus important sur cette liste nous a paru être la composition des roches (lithologie). En effet, si la roche a tendance à infiltrer l’eau et si elle est assez tendre, elle favorise les mouvements de terrain. Le deuxième facteur en terme d’importance est le type du sol et la distance aux sources, qui agissent de manière similaire. Les troisièmes sont, sans surprise, la proximité des carrières et les constructions anarchiques sans étude préalable du sol. La proximité aux failles fragilise les terrains qui deviennent sensibles aux moindres secousses. La proximité aux routes en l’absence de murs de soutien ou les constructions sur une pente très escarpée représentent un risque similaire. Les événements sismiques sont un risque évident, bien qu’ils aient lieu à une fréquence moindre. Ce que beaucoup ignorent, c’est que la construction en altitude est un risque accru, un facteur lié à la topographie des terrains. Enfin, les incendies de forêts détruisent la couverture végétale et favorisent les érosions.


Quel que soit le type d’action appliquée, la prévention contre les mouvements de terrain représente une priorité dans toute politique environnementale et économique durable, car de tels mouvements revêtent un caractère d’irréversibilité. L’État devrait réaliser une cartographie de tous les mouvements de terrain sur l’intégralité du territoire. Il devrait détecter le niveau de risque et conseiller à la population des mesures adaptées à ce risque : où on peut construire, où il faut installer des canaux de drainage... Après tout, ce sont les activités humaines qui servent de déclencheurs aux mouvements de terrain destructeurs !

* Rania Bou Kheir est professeur à l’Université libanaise en télédétection et environnement, lauréate du prix de la Francophonie pour jeunes chercheurs en 2011, habilitée à diriger des recherches par l’Université Pierre et Marie Curie, Paris XI, qualifiée professeur par le ministère français de l’Enseignement supérieur et de la recherche.

Les mouvements de terrain (MT) sont très répandus au Liban et sont considérés, par leur ampleur, comme de véritables catastrophes. La plupart emportent sur leur passage des volumes assez importants de matériaux et se produisent avec une fréquence élevée, pesant ainsi lourdement sur l’activité humaine et économique du pays, avec des pertes annuelles variant entre 10 et 15 millions de...

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