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Culture - Vient de paraître

Au pays des chimères de Vénus Khoury-Ghata

Publié aux éditions Mercure de France, « Le facteur des Abruzzes », dernier roman de Vénus Khoury-Ghata, reste fidèle à l’univers fantasmagorique de cette romancière et poétesse.

Vénus Khoury-Ghata, une voix originale de la littérature française.

Malaterra, village perdu des Abruzzes, à l’atmosphère hors du temps, avec ses maisons creusées dans la falaise, ponctuant la vallée, et où ses habitants pratiquant la transhumance descendent passer l’été.
C’est dans cette contrée abrupte, où son mari a trouvé la mort dix ans plus tôt, que Laure est venue faire son deuil. Généticien, Luc, son époux, y faisait de fréquents séjours pour étudier, à partir de prélèvements de sang, de salive et d’urine, les caractéristiques de ces descendants d’Albanais, tous dotés des mêmes groupe et rhésus sanguins: O négatif.
D’abord considérée comme une intruse, la femme du «medico» va peu à peu se faire adopter par cette population composée de personnages étranges et émouvants. À commencer par Yussuf, le facteur qui fait sa tournée même s’il n’a pas de courrier à distribuer, et Helena qui a pendu sa fille déshonorée au figuier de son jardin et qui, depuis trois décennies, attend le retour du violeur pour lui faire payer sa dette de sang. Mais il y a aussi Mourad, le boulanger qui propose à Laure de l’épouser; le bouquiniste Kosovar dans sa boutique poussiéreuse dont personne ne franchit le seuil; «l’Australien» revenu, des décennies plus tard, au pays pour y reconstruire la maison de son enfance; Nono, l’ours végétarien qui vient gratter la nuit à sa porte, ainsi que toute une brochette de femmes échevelées et en babouches, inquiètes de ce que leur sang prélevé, dix ans plus tôt, par le medico a pu révéler de l’avenir qui les attend!
Une assemblée d’hommes et de femmes aux destins singuliers, somme de rêves brisés et de songes éveillés que la présence de Laure va ranimer. Face à cette femme «ni célibataire, ni mariée, ni jeune, ni vieille», les langues vont se délier, les secrets vont jaillir et les rancœurs du passé vont retourner les tombes des
mémoires.
Dans ce dernier roman, comme dans les précédents, Vénus Khoury-Ghata* mêle quotidien et fantastique, entrelace vocable français et métaphores d’Orient, et recouvre d’images surréalistes et invraisemblables les êtres et les situations puisés dans le réel.
Dans Le facteur des Abruzzes, on devine entre les mots les lignes, sous la caricature des personnages des accents du vécu personnel. Dans les paysages à pic de montagne de ce village des Abruzzes, on retrouve ceux, escarpés, de son Becharré natal. Dans la noirceur désespérée de ses héros de fiction se profilent les figures fantomatiques d’un drame fondateur de son écriture.
Tout cela est jeté d’une écriture impulsive, singulière, aux confins de la poésie et du langage quotidien, dans ce mince roman (145 pages) à la fantaisie habitée d’une petite musique nostalgique. Celle d’un pays de chimères où n’a de cesse de se réfugier Vénus Khoury-Ghata, cette voix originale de la littérature française.

* Récompensée par de nombreux prix, Vénus Khoury-Ghata a obtenu le Prix Goncourt 2011 de la poésie pour l’ensemble de son œuvre. Deux ans plus tôt, elle recevait également le Grand prix de la poésie de l’Académie française.
Malaterra, village perdu des Abruzzes, à l’atmosphère hors du temps, avec ses maisons creusées dans la falaise, ponctuant la vallée, et où ses habitants pratiquant la transhumance descendent passer l’été. C’est dans cette contrée abrupte, où son mari a trouvé la mort dix ans plus tôt, que Laure est venue faire son deuil. Généticien, Luc, son époux, y faisait de...

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