Sarkozy : Damas rendra compte des ses crimes devant les juridictions pénales internationales

PARIS, d’Élie MASBOUNGI, avec agences

L’aéroport de Villacoublay, au sud de Paris, pourtant habitué à des rapatriements de Français en difficulté à l’étranger, a battu hier son propre record d’affluence de journalistes, cameramen et parents de rescapés.
Dès 16 heures, tout était en place, et une centaine de journalistes accrédités en dernière minute par l’Élysée se pressaient à distance respectable du lieu d’atterrissage de l’avion spécial envoyé à Beyrouth pour ramener les journalistes Édith Bouvier et William Daniels exfiltrés la veille de Homs dans le plus pur style des romans de Gérard de Villiers.
Attendu d’un moment à l’autre, Nicolas Sarkozy était la troisième vedette de l’événement, mais le premier en matière de commentaires des journalistes présents. Campagne électorale oblige.
17h50 : atterrissage de l’avion qui roule sur la piste et vient s’immobiliser à 18h00 précises devant le bâtiment de l’aérogare où étaient rassemblés des parents des deux journalistes et des personnalités dont Serge Dassault et Étienne Mougeotte, respectivement président et directeur général du Figaro.
Nicolas Sarkozy prend la parole avant de monter à bord de l’appareil. Il rend hommage à la journaliste et à l’attitude chevaleresque de son compagnon, ajoutant qu’en même temps qu’il se réjouit de cette arrivée en France des rescapés de Homs, il a une pensée pour les autres journalistes tués dans la ville martyre syrienne. M. Sarkozy martèle en outre que les « autorités syriennes auront à rendre compte de leurs crimes devant les juridictions pénales internationales » et que ces crimes « ne resteront pas impunis ». Il a ajouté qu’il avait pris avec le ministre des AE Alain Juppé la décision de la fermeture de l’ambassade de France à Damas. Le président français a également remercié la Russie qui a tenté sans succès de sauver les journalistes ainsi que les autorités libanaises, et rendu hommage aux « démocrates » syriens qui ont accompli la tâche héroïque de sauver Édith Bouvier et son confrère et compagnon d’infortune William Daniels.
Après une vingtaine de minutes à l’intérieur de l’appareil où étaient également montés les parents des deux journalistes, M. Sarkozy redescend la passerelle en compagnie de William Daniels et bavarde avec les personnalités présentes sur le tarmac alors qu’une ambulance des pompiers de Paris arrive et entreprend de placer un chariot-brancard juste au pied de l’avion. M. Daniels, les larmes aux yeux, a rendu hommage aux habitants de Homs qui les ont protégés, « des héros qui se font massacrer », et les ont traités « comme des rois » durant « neuf jours de cauchemar. On était dans une des maisons les plus protégées. Je suis profondément choqué par ce qui se passe là-bas. Ceux qui nous ont sauvés la vie sont sûrement morts, enfin je ne sais pas... »
L’émotion monte crescendo jusqu’à l’apparition d’Édith Bouvier, portée sur une civière gonflable rouge. Elle salue d’une main les nombreux journalistes tenus à distance et étreint ses parents et proches avant d’être embarquée au bord de l’ambulance qui, précédée de motards de la gendarmerie, la conduit à l’hôpital Percy de Clamart.

« Un massacre aveugle »
Par ailleurs, le photographe britannique Paul Conroy, évacué plus tôt cette semaine, a affirmé que Homs était le théâtre non d’ « une guerre », mais d’ « un massacre aveugle d’hommes, de femmes, d’enfants », dans une interview diffusée hier sur Sky News, depuis son lit d’hôpital au Royaume-Uni, où il est soigné pour des blessures notamment à la jambe.
Le photographe indépendant, qui travaillait en Syrie pour le journal britannique Sunday Times, a expliqué qu’il se sentait « remarquablement bien compte tenu des circonstances. J’ai quelques gros trous dans ma jambe et (...) ils ont enlevé un morceau d’éclat d’obus de 7,6 cm dans mon dos ».
Tous les matins, vers 06h30, les « bombardements commençaient. C’était presque une attaque psychologique (...). J’ai travaillé dans plusieurs zones de guerre. Je n’ai jamais vu ou vécu des bombardements comme ceux-là. C’était systématique ». L’armée syrienne « se déplaçait systématiquement dans les quartiers avec des munitions qui sont utilisées sur les champs de bataille », a poursuivi Paul Conroy, 47 ans, ajoutant qu’il « n’y avait pas de cibles (...). Au cours de la dernière semaine, l’intensité des bombardements a augmenté tous les jours. (...) Une fois que les caméras seront parties, Dieu seul sait ce qu’il va se passer. (...) Les habitants de Homs venaient à moi et me demandaient : “Où est l’aide ? ” Et je n’avais pas de réponse. Il y a des milliers de personnes à Homs (...). Des pièces pleines de gens attendant de mourir. Ils ne voient pas d’aide, rien, ils ne font qu’attendre le moment où les soldats vont entrer ou un obus va défoncer la porte ».
Notons que les dépouilles de la journaliste américaine Marie Colvin et du photographe français Rémi Ochlick ont été identifiées hier soir à l’hôpital universitaire Assad à Damas par l’ambassadeur de France à Damas, Éric Chevallier, et celui de Pologne, Michal Murkocinski, qui représente les intérêts des États-Unis en Syrie depuis la fermeture de l’ambassade américaine, étape indispensable pour permettre le transfert vers leurs pays respectifs pour y être enterrés. Les dépouilles étaient arrivées de Homs à bord d’ambulances du Croissant-Rouge syrien.
Signalons enfin que le gouvernement syrien a fait part de sa « tristesse » et de ses « regrets » après la mort de Marie Colvin. Dans un communiqué diffusé par l’ambassade de Syrie à Londres, le ministère syrien des Affaires étrangères présente ses « sincères condoléances » à la suite de ce décès.