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À La Une - Syrie

Le lent réveil de Damas

Au moins 27 morts hier ; les sanctions commencent à se faire sentir.

Ce n’était pas « les manifestations monstres » que l’opposition syrienne attendait, mais les Damascènes ont tout de même investi quelques quartiers de la capitale (photo Facebook), pendant qu’un membre de l’Armée syrienne libre faisait une pause prière à Idleb. Bulent Kilic/AFP

Les forces de sécurité syriennes ont été déployées hier à Damas pour contrer toute contestation après l’appel à la désobéissance civile lancé aux habitants de la capitale.

 

À Damas, théâtre vendredi et samedi des plus importantes manifestations depuis le début de la contestation, il y a onze mois, les forces syriennes quadrillaient ainsi le quartier de Mazzé dans le centre-ouest, a affirmé Mohammad Chami, porte-parole des « comités » de Damas et de sa région, précisant que les magasins étaient fermés notamment à Barzé, Qaboune et Joubar, des quartiers se touchant au nord-est de la ville, et à Kafar Soussé situé au sud de la capitale, des zones traditionnellement opposées au régime. Selon un membre des comités de coordination, Amer Sadek, la manifestation des habitants de Mazzé est un signe clair : « Damas est effectivement entrée dans la danse. »

En revanche, la vie était normale dans le centre-ville, ont indiqué des témoins. Seules de petites manifestations d’écoliers ont eu lieu dans « quatre quartiers rebelles de la ville », toujours selon M. Chami, alors que les militants avaient dit s’attendre à des « manifestations monstres ».

 

Samedi, entre « 15 000 et 20 000 personnes » selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) avaient participé aux funérailles de quatre manifestants abattus la veille par les troupes du régime dans le quartier de Mazzé, les premiers tués au cœur de la capitale. Au cours de ces funérailles, un cinquième manifestant a péri lorsque les troupes ont tiré sur les participants à la cérémonie, transformée en une manifestation antirégime. Rappelons que sur leur page Facebook, « Syrian Revolution 2011 », les militants ont placé la journée d’hier sous la bannière de la « désobéissance civile de Damas ».

 

En dehors de la capitale, au moins 27 personnes ont été tuées hier, selon la chaîne al-Arabiya, citant les comités locaux de coordination. Ainsi, trois personnes – dont un procureur général et un juge – ont péri à Idleb par « des tireurs non identifiés », une à Chahné dans la province de Homs, une à Alep et une à Deir ez-Zor, a précisé l’OSDH. L’organisation a en outre indiqué que les forces de sécurité ont tué un soldat rebelle à Bab Sebaa dans la ville de Homs, trois soldats de l’armée régulière ont par ailleurs péri à Dael, dans le sud. L’agence officielle SANA a pour sa part mis en cause des « bandes terroristes armées » dans les morts d’Idleb tout comme dans le tir d’une roquette sur un réservoir de carburant de la raffinerie de Homs.

 

À Homs, cible d’une offensive massive depuis le 4 février, les militants redoutaient l’arrivée de nouveaux renforts du régime. « Les bombardements intenses ont repris en début d’après-midi sur Baba Amro avec quatre roquettes à la minute, mais ce qui nous inquiète ce sont les nouveaux renforts militaires dépêchés en ville », a affirmé Hadi Abdallah, un membre du Conseil général de révolution syrien à Homs.

 

L’offensive de Davutoglu

Sur le front diplomatique, l’Égypte a rappelé son ambassadeur en Syrie « jusqu’à nouvel ordre », après avoir réclamé mercredi « un changement pacifique et réel », tout en rejetant une intervention militaire. L’Irak a de son côté souhaité que la Syrie, suspendue de la Ligue arabe, participe néanmoins au sommet prévu fin mars à Bagdad, estimant que « cela ouvrira une page de dialogue, loin des ingérences ».

 

Le ministre turc des Affaires étrangères Ahmet Davutoglu a de son côté réaffirmé la détermination de son pays à « remplir le vide » né du veto russo-chinois au Conseil de sécurité. Selon l’agence Anatolie, citant le chef de la diplomatie dans une conversation à bâtons rompus avec des journalistes au Mexique où il se trouve, « la conférence des amis de la Syrie à Tunis constituera un tremplin international pour régler la crise et décuplera la pression sur Damas et ses alliés. Nous allons appeler à Tunis encore plus fort à l’arrêt de la violence en Syrie », a-t-il lancé, souhaitant que « ces SOS ne restent pas lettre morte. Nous pensons à prendre, à l’ONU ou à Tunis, des mesures de la plus haute importance concernant les aides humanitaires », a-t-il encore déclaré.

 

À Alger, le ministre d’État et secrétaire général du Front de libération nationale (FLN – parti présidentiel), Abdelaziz Belkhadem, a pour sa part critiqué l’action de la Ligue arabe sur la situation en Syrie à la radio nationale. « La Ligue n’est pas une Ligue et (...) encore moins arabe. C’est une Ligue qui fait appel au Conseil de sécurité contre un de ses membres fondateurs ou à l’OTAN pour détruire les capacités de pays arabes. Elle a besoin d’être profondément revue », a-t-il ainsi martelé. Le secrétaire de la Ligue, Nabil el-Arabi, a néanmoins évoqué lors d’une rencontre avec une délégation de l’opposition syrienne les efforts de l’organisation pour trouver une solution à la crise, selon l’agence KUNA.

 

Parallèlement, l’agence Chine nouvelle a estimé qu’il reste un espoir que la crise syrienne puisse se résoudre pacifiquement par le dialogue. Samedi, un émissaire chinois avait été reçu à Damas par le chef de l’État syrien, à qui il a apporté le soutien de Pékin à son projet de référendum constitutionnel du 26 février.

 

« Prématuré »

Le plus haut gradé de l’armée américaine, le général Martin Dempsey, a par ailleurs jugé qu’une intervention en Syrie serait « très difficile », lors d’un entretien sur CNN, ajoutant que « le chemin emprunté actuellement, qui consiste à essayer de façonner un consensus international, est le bon chemin, plutôt que de prendre la décision d’intervenir unilatéralement ». Il a en outre estimé qu’il était « prématuré de prendre la décision d’armer l’opposition en Syrie car je mets au défi quiconque d’identifier clairement ce qu’est le mouvement d’opposition actuellement », ajoutant qu’ « il y a des informations selon lesquelles des membres d’el-Qaëda sont impliqués et qu’ils cherchent à soutenir l’opposition. Je veux dire qu’il y a plusieurs intervenants et que chacun essaye de jouer sa partition propre pour renforcer sa position ».

 

Le président du comité de coordination Haytham Manaa a de son côté jugé que « certaines personnes souillent l’image de la révolte en prétendant que c’est une guerre de communautés et de fondamentalistes ».

 

Par ailleurs, un important homme d’affaires syrien, Fayçal el-Qudsi, a déclaré à la BBC que le gouvernement Assad était en voie de désintégration lente et que les sanctions internationales ruinaient l’économie. Pour lui, les affrontements ne dureront pas plus de six mois mais le pouvoir luttera jusqu’au bout. « L’armée est lasse et n’ira nulle part. Il faudra bien se parler ou, tout au moins, cesser de tuer. Dès que les militaires cesseront les tueries, des millions de Syriens descendront dans la rue. C’est une situation sans issue (pour le pouvoir) », a-t-il dit.

 

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