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À La Une - Beyrouth

Nous irons tous au bois (de Beyrouth) ...

S’il n’a pas abouti à l’annonce d’une date précise, le forum public pour l’ouverture de la forêt des Pins de Beyrouth a marqué une volonté réelle de faire avancer le dossier.

Une vue satellite du Bois des Pins de Beyrouth, poumon vert de la capitale libanaise.

Le président de la municipalité de Beyrouth, Bilal Hamad, est venu traiter publiquement du dossier de la forêt des Pins au théâtre al-Madina, mercredi 8 février, répondant à l’appel des associations qui militent en faveur de son ouverture. Dans son Voyage en Orient, Lamartine décrit le parc de son époque avec emphase : « C’est le site de mes rêves, j’y reviendrais tous les jours. »


S’il est possible au Beyrouthin du XXIe siècle de le croire, il lui est difficile de l’imiter. En effet, la forêt des Pins est aujourd’hui fermée pour sa majeure partie au grand public, réservant ses allées à quelques dérogations particulières (comme celle réservée aux étrangers, par exemple). Sévèrement endommagés lors de l’intervention militaire israélienne de 1982, les 30 hectares du parc ont fait l’objet d’une réhabilitation salutaire dans les années 1990, grâce à l’appui de la Région Île-de-France. Les travaux ont été achevés en 2001, mais ses portes sont restées closes depuis pour l’immense majorité des Beyrouthins.

 

Le bois des pins est aujourd'hui fermé au public.


Le jour du forum, dans une déclaration à la presse, Bilal Hamad avait suscité l’espoir des associations en évoquant une ouverture temporaire du parc. Ainsi, Waël Hmaïdan, directeur de l’association IndyAct, annonçait de fortes ambitions peu avant le lancement de la discussion : « Nous avons organisé ce forum pour que soient clarifiées les positions de la municipalité devant le public. Ce soir, le président du conseil municipal est là, nous lui demanderons donc pourquoi le parc est encore fermé. » Mohammad Ayoub, directeur de l’association Nahnoo, était lui aussi très clair : « Nous sommes ici pour fixer une date d’ouverture. C’est l’objet de la discussion ce soir. Pour différentes raisons : premièrement, nous pensons qu’il n’y a pas assez de lieux de rencontre pour les jeunes de notre pays, qui vivent dans des espaces séparés et cloisonnés. Or, précisément, le parc est au milieu de Beyrouth. Il pourrait être un point de croisement essentiel. De plus, c’est un problème général. Par exemple, si les jeunes se droguent au Liban, c’est parce qu’ils traînent dans les rues. Nous pensons que l’ouverture du parc pourrait promouvoir le sentiment d’appartenance à la société. Enfin, c’est notre droit, car le parc est illégalement fermé. »

 

Le bois des pins, il y a bien des années...


Sur ce point, selon l’avocat Nizar Saghié invité à participer au débat, l’approche juridique est effectivement catégorique : « La forêt des Pins est une propriété publique, c’est-à-dire une propriété à laquelle chacun peut avoir accès, à la condition qu’elle soit aménagée pour cela. Je pense que c’est le cas de la forêt des Pins aujourd’hui. (...) L’entrée dans le parc des Pins répond donc à un droit fondamental et constant ayant trait à tous les lieux publics. »

Un problème épineux
Face à cet argument absolu, Bilal Hamad a tenu à rappeler les problèmes pratiques que pourrait poser une ouverture trop rapide : « Si on ouvre immédiatement le parc, il risque d’y avoir des abus : incendies, barbecues... On craint aussi que cet espace se transforme en un lieu où l’on fume le narguilé, par exemple. De plus, il peut y avoir un risque de disputes ou de différends plus ou moins politiques dans le parc, pour être franc. »
Pour répondre à ces dangers, le président de la municipalité a décrit un projet passant par le secteur privé : « Nous allons lancer un appel d’offres aux compagnies privées pour que soient organisées la sécurité du parc et une garde efficace contre les abus potentiels. Nous allons également engager une entreprise pour assurer la maintenance de la forêt des Pins. De plus, nous suivrons les travaux de près pour qu’aucune erreur ne soit commise. » Cela étant, il a assuré que l’entrée sera gratuite : « Je ne permettrai pas que l’on paie l’entrée au bois. »
Dans les faits, une ouverture nécessite des aménagements préalables, comme l’installation de sanitaires ou de poubelles, que Bilal Hamad s’est engagé à effectuer, en coopération avec la Région Île-de-France et les associations.


Si tout le monde s’est donc accordé sur le principe d’une ouverture, c’est l’aspect temporel du dossier, à savoir sa durée et sa date de commencement, qui pose problème. Mohammad Ayoub rappelle son but initial : « Si nous ne spécifions pas une date, c’est comme si nous n’avions rien fait, nous savons qu’avec une volonté politique forte, le parc peut être ouvert dans trois ou quatre mois. Il serait bien d’ouvrir le bois pour cet été. »


En revanche, pour le président du conseil municipal, il s’agit seulement d’une période-test, dont le jour d’ouverture n’est pas encore spécifié. « Le conseil compte ouvrir la forêt des Pins, d’abord pour une période d’essai pour la municipalité, mais aussi pour les citoyens. Si la période réussit, nous continuerons le projet. Dans le cas inverse, le parc sera fermé de nouveau. Ce projet doit être prêt d’ici à la fin de l’année. »


Au sujet du calendrier, Éric Bouvard, représentant de la Région Île-de France, rappelle à juste titre que les institutions de la municipalité de Beyrouth présentent une inertie propre à toute administration publique : « On ne peut pas exiger du président de la municipalité qu’il s’engage pour un délai qu’il ne maîtrise pas lui-même, car doivent survenir un vote du conseil municipal et une mise en action de l’administration du mohafazat. »


Ainsi, le débat n’a pas abouti à une date ferme d’ouverture attendue par les associations. Mais chacun reconnaîtra qu’il a favorisé une rencontre directe assez rare entre des citoyens et leur représentant. Bilal Hamad, non sans une certaine témérité, s’est en effet livré à un exercice de démocratie frontale peu courante. Cela aura par ailleurs révélé les lourdeurs de l’action publique, qui ne peut être le résultat instantané d’une décision ponctuelle, aussi importante soit-elle. Quoi qu’il en soit, une discussion ouverte de toutes les parties a permis de clarifier les positions de chacun, pour que les Beyrouthins puissent un jour respirer à la source l’oxygène émanant du poumon vert de leur ville, sans risquer d’être contaminés par le cancer de l’indélicatesse.


Le président de la municipalité de Beyrouth, Bilal Hamad, est venu traiter publiquement du dossier de la forêt des Pins au théâtre al-Madina, mercredi 8 février, répondant à l’appel des associations qui militent en faveur de son ouverture. Dans son Voyage en Orient, Lamartine décrit le parc de son époque avec emphase : « C’est le site de mes rêves, j’y reviendrais...

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