Rechercher
Rechercher

Culture - Exposition

« Voir » Gertrude Stein dans l’œil de Picasso, Matisse et les autres

Écrivaine, poétesse, librettiste, mais avant tout grande amatrice d’art moderne et reine du « networking » avant l’heure. Ou, Gertrude Stein dans sa diversité à la National Portrait Gallery.

L’un de ses portraits par Picasso.

WASHINGTON, d’Irène MOSSALI

 

Ce musée de Washington donne à voir une exposition intitulée «Voir Gertrude Stein en cinq histoires», en référence aux cinq existences qu’a vécues cette Américaine (née en Pennsylvanie en 1874 et décédée en 1946 à Neuilly-sur-Seine). Il s’agit-là d’un portrait brossé en profondeur à travers les visions respectives qu’en ont donné plus d’une centaine d’artistes de son temps. À commencer par Picasso qui l’a immortalisée avant de se lancer dans l’art cubique qu’elle avait contribué à diffuser. Pour ce portrait, où sont mis en relief sa stature massive et un visage sciemment inexpressif, à la manière de l’art ibérique ancien, elle avait dû poser 90 fois. À ceux qui doutaient de la ressemblance avec le modèle original, Picasso avait rétorqué: «Vous verrez, elle finira par lui ressembler.»
Gertrude Stein avait vécu à Paris de 1903 jusqu’à son décès. Elle était arrivée dans la capitale française avec son frère Léo et tous deux avaient constitué une importante collection d’art contemporain. Gertrude se liera de suite d’amitié avec les grands artistes de l’époque (Picasso, Matisse, Braque, Francis Picabia, les dadaïstes, Tristan Tzara, qu’elle considère comme un cousin, et Hemingway) et sera leur promotrice et également leur muse. Bien qu’homosexuelle (elle a vécu avec l’écrivaine Alice B. Toklas), elle préférait frayer avec la gent masculine. De stature massive et les cheveux coupés très court, elle n’en fascinait pas moins ses amis. Une mécène américaine, Mabel Dodge Luhan, l’a décrite ainsi: «Elle était toujours vêtue d’un grand manteau en velours et ses cheveux, brossés vers l’arrière, dégageaient un visage intelligent. Elle intellectualisait sa grosseur, et son corps semblait être la robuste machine nécessaire à porter la force de la nature qu’elle était. » Il n’en demeure pas moins que certaines de ses tenues portaient la griffe de Balmain.

Avant-gardiste et reine du « networking »
Gertrude Stein a été la femme la plus photographiée, la plus peinte et la plus sculptée du XXe siècle et, pour elle, «voir était plus important qu’écouter». Dans cet esprit, la National Portrait Gallery propose donc de la «voir» à travers cinq séries de portraits: «Représentation de Gertrude», qui avait posé sans se faire payer pour différents artistes; «Stein chez elle», où on la voit avec sa compagne Alice B. Toklas, en train de lire, de travailler, de recevoir; «L’art de l’amitié » explore ses relations, après la Première Guerre mondiale, avec les néoromantiques, un cercle de jeunes artistes internationaux et interlopes; Stein célèbre son retour triomphant aux États-Unis en 1934.
Pour tous, Gertrude Stein était un personnage fascinant et contradictoire. Ainsi, si ses innovations littéraires étaient révolutionnaires, elle était politiquement du côté des conservateurs. Consciente de sa célébrité, elle préférait parler à l’homme de la rue plutôt qu’à ceux du pouvoir. Mais personne ne pouvait contester qu’elle incarnait l’avant-gardisme par excellence. Issue d’une famille américaine moyenne, elle s’est transformée en «nouvelle femme américaine» et en grande prêtresse de la vie de bohème parisienne, lançant des artistes par son sens inné de l’art et de ce que l’on appelle aujourd’hui le «networking». Elle réunissait dans son salon légendaire les esprits créateurs. Ce créneau a surplombé celui de son écriture littéraire variée (des romans et poèmes aux livres pour enfants, en passant par des livrets de ballets et d’opéras). Une approche artistique multidisciplinaire qui résonne encore.
À noter que Gertrude Stein est l’une des étoiles des années 20 que cherchait dans la capitale française le héros américain du film de Woody Allen, Minuit à Paris.

WASHINGTON, d’Irène MOSSALI
 
Ce musée de Washington donne à voir une exposition intitulée «Voir Gertrude Stein en cinq histoires», en référence aux cinq existences qu’a vécues cette Américaine (née en Pennsylvanie en 1874 et décédée en 1946 à Neuilly-sur-Seine). Il s’agit-là d’un portrait brossé en profondeur à travers les visions respectives qu’en ont...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut