«L’ancienneté du vernis, quelques écaillements et des années de déplacement d’un lieu à l’autre risquaient d’endommager la structure du canevas et son apparence. Et en restituant le lustre de sa palette bleue, blanche et noire, sur fond d’orange flamme, on a retrouvé une inscription indiquant que l’exécution de cette toile avait été amorcée en 1884.» Autre révélation, par rayons X: Degas avait repositionné les jambes et les bras des danseuses pour accentuer leur gestuelle, et il avait ainsi travaillé et retravaillé cette toile durant deux décades. Ces différentes phases de sa composition, résultant de cet examen récent, ont été photographiées et sont exposées dans une salle adjacente.
À la manière
d’un chorégraphe
Souvent, Degas exécutait des études sur des danseuses individuelles ou en petits groupes, puis combinait leurs attitudes dans de nouvelles compositions. Comme le ferait un chorégraphe. Occasionnellement, il faisait abstraction des costumes pour mieux comprendre l’anatomie et les postures des membres. Pour la première fois, la toile restaurée, Danseuses à la barre, est accompagnée de planches préparatoires : pastels et croquis au charbon des deux danseuses, de chacune seule, des deux ensembles, dénudées et en tutu. Tout en travaillant sur le papier et la toile, l’artiste modelait, parallèlement, la cire pour jauger avec rigueur la justesse du mouvement, à l’exemple des interprètes qui font et refont les mêmes séquences pour les parfaire. Une fois coulées dans le bronze, ses ballerines restent de chair et de sang, déployant leur dynamique, leur souplesse, leur agilité, leur grâce et leur expression. Elles sont faites de manière à ce que ces multiples facettes de leur art apparaissent sous les différents angles de vision. D’ailleurs, au musée, on les a disposées dans des espaces dégagés pour permettre aux visiteurs d’en faire le tour.
Degas a voulu restituer avec fidélité l’univers de la danse dans ses moindres spécificités. Il passait des heures à l’opéra pour connaître les interprètes et leur environnement, depuis les salles de classe, de répétition, jusqu’à la scène, en passant par les couloirs et les coulisses. Lorsque la célèbre collectionneuse d’art américaine Louisine Havemeyer, qui avait une passion pour les impressionnistes, lui avait demandé: «Pourquoi, monsieur, vous ne faites que des danseuses de ballet?», il avait répondu: «Parce que, madame, c’est tout ce qui nous est resté des mouvements combinés des Grecs.»
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