Samar Mogharbel est, à l’évidence, une artiste engagée. Une céramiste qui, à travers sa créativité et son indéniable habilité technique, fait échos aux bouleversements de son temps et de son environnement.
Dans cette terre glaise, qu’elle pétrit, modèle, cuit et oxyde, elle traduit son intérêt, voire son implication dans les mouvements sociétaux qui régissent l’espace-temps dans lequel elle vit. Elle y inscrit sa vision du destin des hommes et des villes qui l’entourent. Et donne, ainsi, une dimension de témoignage à ses céramiques artistiques.
À la fin des années 90, elle avait, par exemple, protesté contre le rasage systématique de la ville ancienne de Beyrouth en façonnant des effigies d’hommes et de femmes, figurant symboliquement ses habitants originels.
En 2006, son installation de véhicules en terre cuite, aux carrosseries cabossées, carbonisées, compressées et déformées de manière hyperréaliste, rendait hommage aux martyrs de la révolution du Cèdre. Une œuvre éloquente qui lui avait valu - après la mention spéciale en 1998 pour son précédent travail sur Beyrouth - le premier Prix du Salon d’automne du Musée Sursock.
Dans la présente exposition, qui se tient jusqu’au 19 novembre à la galerie Agial*, Samar Mogharbel s’est inspirée du printemps arabe pour exprimer son point de vue sur les «Interceptions» culturelles, politiques et religieuses qui finissent toujours par freiner, saper et rediriger les cartes des revendications sociétales. Un commentaire artistique élaboré en trois parties.
Il y a, d’abord, une impressionnante installation formée d’une trentaine de casques en terre cuite évoquant ceux de l’armée islamique de Saladin, disposés en rangs sur une estrade basse de manière à donner une troublante impression de mouvement et d’avancée des troupes...
Lui fait face, trois silhouettes fantomatiques et intemporelles de gendarmes, ces éternels intercepteurs de toute velléité de liberté.
Puis, en deuxième partie, ce sont deux admirables séries d’«empreintes de têtes» reproduites sur de la céramique incurvée qui, éclairées à la flamme d’une bougie ou au moyen de plaques lumineuses, s’animent de manière extraordinaire au point de donner au visiteur l’illusion qu’elles le suivent du regard. Seraient-ce là les figures, spectrales, des martyrs des répressions
arabes?
Enfin, en troisième partie, disposées dans des bacs et actionnées par des systèmes de pompage, des représentations en argile...et jets d’eau de jeux de gamins. Des pièces que l’on pourrait prendre pour des illustrations de l’immaturité, comme «interception directe» du développement des conditions d’existence des peuples arabes. Sauf qu’il s’agit là d’une interprétation purement personnelle. Un conseil, allez vous faire votre propre opinion sur place. Le travail présenté, quelle que soit son interprétation, est d’une formidable qualité expressive et vaut largement le détour !
* Hamra, rue Abdel-Aziz. Tél. : 01/345213.
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