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Lifestyle - Société

L’ESMA, centre de torture sous la dictature argentine, accueille des musiciens

L’école propose une formation solide et totalement gratuite qui se fait en un cursus de trois ans.

Miguel Angel Estrella s’adressant à ses élèves à l’ESMA. (Daniel Garcia/AFP)

C’est une expérience de vie dans un lieu de mort : l’ESMA, centre de torture emblématique de la dictature argentine (1976-1983), accueille désormais dans sa chapelle une école de musique populaire. «Nous sommes en train d’exorciser un lieu où régnait la mort et la torture et ce travail nous le faisons à travers la musique», a expliqué le pianiste argentin de renommée internationale Miguel Angel Estrella.
Enlevé en 1977 en Uruguay, torturé et libéré en 1980 grâce à une grande mobilisation internationale, il se dit revigoré par «le bonheur» des jeunes, âgés de 18 à 25 ans, à qui il vient de donner une leçon dans les murs de la tristement célèbre École de mécanique de la marine (ESMA). «On fait du jazz, du rock, de la musique latino-américaine», raconte le pianiste, en soulignant que l’école compte déjà une centaine d’élèves d’origine très humble. «C’est un cursus de trois ans totalement gratuit, une formation très solide.»
Cet homme, ambassadeur de bonne volonté de l’Unesco et créateur de la fondation Musique-Espérance, est toujours aussi engagé politiquement. C’est un fidèle soutien en France de la socialiste Martine Aubry, qu’il a connue à Lille pendant son exil, et en Argentine de la présidente Cristina Kirchner. «C’est l’année des femmes», s’exclame-t-il, dans une allusion à la primaire du Parti socialiste en France, à laquelle participe Mme Aubry, et à la présidentielle en Argentine, où Mme Kirchner, qui brigue un deuxième mandat, est en position de favorite.
Miguel Angel Estrella est toujours hanté par ces lieux de souffrance. «Quand je suis rentré d’exil, j’ai fait une tournée dans toutes les prisons et tous les bidonvilles où j’avais milité dans les années 70 avant d’être enlevé», dit-il. Dans ce travail de mémoire, il a trouvé le soutien de Mariano Berroeta, 35 ans, devenu le responsable de cette nouvelle école de musique, fils d’un disparu torturé à l’ESMA, Enrique Berroeta. «La musique peut donner du sens à un lieu où régnait l’horreur», dit Mariano Berroeta. Il avait un an à peine quand son père a été enlevé, en 1977 – l’année de l’enlèvement de Miguel Angel Estrella en Uruguay – et conduit à l’École de mécanique de la marine.
Une vingtaine de jeunes suivent, autour de lui, un cours d’Introduction à la musique populaire dans l’ancienne chapelle. Une plaque rappelle que pendant la dictature les responsables de cette chapelle étaient des prêtres «impliqués dans le terrorisme d’État». «Mon père a été vu pour la dernière fois ici, à l’ESMA», dit Mariano Berroeta. Nous sommes ici à 100 m à peine des salles de torture par lesquelles sont passées quelque 5000 personnes. Une centaine à peine en est ressortie vivante. Les disparus avaient appelé les pièces de torture «Cagoule» et «Petite Cagoule» («Capuchita») car ils étaient toujours cagoulés, même lorsqu’ils étaient torturés. De temps en temps, ils entendaient des cris: une prisonnière venait d’accoucher. Le plus souvent le bébé était remis à un militaire ou à un proche d’un militaire, tandis que sa mère était peu de temps après jetée à la mer, nue et vivante, d’un avion militaire en plein vol.
Lesly Molina, une Bolivienne de 22 ans qui vit comme beaucoup de ses compatriotes dans le «Bas Flores», un quartier pauvre de Buenos Aires, songe déjà à y créer une école comme celle-ci. «J’aimerais apprendre la musique aux enfants de l’église du Bas Flores», assure Lesly, qui se dit très émue par l’histoire de souffrances de l’ESMA.
À ses côtés, le guitariste Martin Pellizeri, 36 ans, membre du groupe «Budabardop Orquesta» souligne qu’il a été séduit par l’idée d’associer «musique et droits de l’homme». «C’est frappant, dit-il, de voir comment la musique peut remplir de vie un lieu si dur.»

(Source : AFP)
C’est une expérience de vie dans un lieu de mort : l’ESMA, centre de torture emblématique de la dictature argentine (1976-1983), accueille désormais dans sa chapelle une école de musique populaire. «Nous sommes en train d’exorciser un lieu où régnait la mort et la torture et ce travail nous le faisons à travers la musique», a expliqué le pianiste argentin de renommée...

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