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Santé - Santé

Suivre le diabète

Par Martin TOBIAS
Notre société est en proie à une « épidémie » de diabète. Une récente étude d’ampleur, menée par Majid Ezzati et ses collègues de l’Imperial College de Londres et de l’Université de Harvard, a révélé que le nombre d’adultes diabétiques de type 2 était passé de 153 millions en 1980 à 347 millions en 2008, selon les estimations. Aujourd’hui, 370 millions de personnes seraient atteintes de diabète.
Chaque région du monde est touchée, même si le diabète se propage plus rapidement en Océanie, et plus lentement en Asie de l’Est. Globalement, l’épidémie de diabète de type 2 a augmenté au même rythme que la croissance du taux d’obésité.
Cela n’est guère surprenant. L’augmentation de l’adiposité et la diminution de l’activité physique sont les causes directes du diabète de type 2 (par opposition au type 1). L’impact de l’obésité et de la sédentarité sur la santé se traduit en grande partie par la croissance du taux de diabète.
Les conséquences du diabète sont dévastatrices. La maladie est la principale cause d’insuffisance rénale. Elle provoque la cécité et rend l’amputation des membres inférieurs nécessaire dans de nombreux pays, et c’est aussi une cause majeure d’attaques cardiaques et cérébrales.
Malgré cela, la surveillance du diabète reste relativement peu développée à l’échelle globale, même dans les pays à revenu élevé. La surveillance de la santé publique consiste à « collecter des données sanitaires d’une manière systématique et continue à les analyser, les interpréter et les diffuser dans le but de prévenir et de contrôler la maladie ». En bref, il s’agit d’informer et d’agir.
En théorie, cette définition ne restreint en aucun cas la surveillance des maladies transmissibles, mais, en pratique, c’est généralement le cas. Les raisons ne sont pas difficiles à saisir ; les flambées de maladies transmissibles surviennent soit en quelques jours, soit en quelques semaines (ou, tout au plus, un mois), le danger est donc « évident et réel ». La prévention et le contrôle nécessitent généralement l’intervention de l’État – la mise en quarantaine des victimes, le traçage et la vaccination des proches des personnes infectées, ou l’élimination des sources environnementales de l’agent infectieux.
Concernant les maladies chroniques comme le diabète, la situation n’est pas vraiment la même. L’épidémie se propage silencieusement, sur plusieurs années ou décennies, le danger n’est pas reconnu ou bien pas jugé évitable, et l’action est fréquemment considérée comme relevant de la responsabilité de l’individu (modification de mode de vie) ou du système de santé (prescription pharmaceutique), plutôt que de l’État.
Pourtant, une surveillance efficace des maladies chroniques permettrait de sauver des vies. Si les tendances des maladies étaient suivies, ainsi que les réactions des patients aux traitements et l’exposition de la population aux facteurs de risque, le succès ou l’échec des politiques visant à prévenir ou à contrôler les maladies chroniques pourraient être évalués, la répartition des ressources pourrait être hiérarchisée de manière rationnelle, et le public pourrait être réellement informé des risques auxquels il est confronté.
Conscient de cela, en décembre 2005, le bureau de santé de la ville de New York a mandaté le rapport sur les résultats des tests de laboratoire portant sur l’hémoglobine glycolisée (HbA1c) – un biomarqueur du diabète et un indicateur clé de contrôle de la glycémie –, créant ainsi le premier registre des diabétiques établi d’après la population d’une ville. La publication des résultats de tests sur le HbA1c est devenue obligatoire (ainsi que pour les données démographiques de base) pour une population donnée (les habitants de New York), ce qui a permis au département de la Santé de New York de surveiller les tendances de la prévalence du diabète, d’évaluer la couverture des tests, et d’examiner l’utilisation des soins de santé et le contrôle glycémique des New-Yorkais diabétiques.
Au-delà de ces fonctions de surveillance de la population, le registre a permis de favoriser les soins aux patients en faisant en sorte que le personnel soignant et les patients soient tenus au courant de l’élévation ou de la hausse des taux de HbA1c. La fonction de soutien au patient et la fonction de surveillance requièrent toutes deux l’utilisation d’un identifiant unique pour le patient, de manière à envoyer les lettres aux patients et à corréler les tests d’un même patient au fil du temps.
En 2009, Thomas Frieden et ses collègues du bureau de santé de la ville de New York ont tout d’abord étudié les quatre premières années enregistrées dans le registre, pour conclure que le programme portait ses fruits. Cependant, amener les laboratoires à établir des rapports réguliers et complets s’est avéré difficile. De plus, les fournisseurs de soins de santé et les patients n’étaient pas tous prêts à participer.
L’initiative du bureau de la santé a été saluée comme illustrant l’application de la surveillance des maladies transmissibles classiques et des outils de surveillance et de contrôle d’une maladie chronique. Toutefois, d’autres commentateurs ont critiqué ce registre, lequel, selon eux, compromettrait potentiellement la confidentialité et la protection de la vie privée du patient, et perturberait de plus la relation patient-médecin.
Que ces critiques soient justifiées ou non, le registre des diabétiques de la ville de New York, quoique très novateur, est selon toute vraisemblance une solution provisoire, au mieux. Plutôt que de s’appuyer sur les rapports de laboratoire portant sur un biomarqueur unique, le système idéal de surveillance des maladies chroniques devrait permettre d’extraire toutes les données nécessaires à partir du dossier du patient.
Tout diagnostic de diabète, ou le suivi ultérieur de la progression de la maladie, nécessite une consultation médicale, et donc une entrée dans le dossier du patient – et aussi dans le système d’information pour la gestion du patient au sein du cabinet. En toute logique, le système de surveillance devrait fonctionner en extrayant l’intégralité du sous-ensemble de données nécessaires pour suivre le système d’information pour la gestion du patient de chaque fournisseur de soins médicaux (« capture initiale »).
Ces données seraient ensuite transférées en toute sécurité (par voie électronique) à un entrepôt de données approprié. Une fois que le nettoyage adéquat (vérification des données manquantes, correction des erreurs de codage) et l’anonymisation des données ont été effectués, il est possible d’accéder et d’interroger la base de données. En se basant sur les analyses statistiques appropriées et sur leur interprétation minutieuse, des rapports très utiles pourraient être établis à des fins de surveillance et, sur demande, également à des fins de soutien et de soins prodigués aux patients (en utilisant les identifiants cryptés uniques du patient pour mieux préserver la confidentialité des renseignements personnels).
Compte tenu de la charge de morbidité croissante liée au diabète et aux autres maladies chroniques de par le monde, une attention toute particulière devra être portée sur le renforcement des systèmes de surveillance des maladies non transmissibles, et ce à tous les niveaux – depuis les cabinets locaux jusqu’aux institutions internationales.

Martin Tobias est un spécialiste de la santé publique à Wellington, en Nouvelle-Zélande.

© Project Syndicate 2011. Traduit de l’anglais par Élodie Chatelais.
Notre société est en proie à une « épidémie » de diabète. Une récente étude d’ampleur, menée par Majid Ezzati et ses collègues de l’Imperial College de Londres et de l’Université de Harvard, a révélé que le nombre d’adultes diabétiques de type 2 était passé de 153 millions en 1980 à 347 millions en 2008, selon les estimations. Aujourd’hui, 370 millions...

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