Les grottes du Liban, richesse d’un patrimoine à redécouvrir

Plongée en profondeur aux lumineuses zones d’ombre du Liban où les grottes fleurissent à travers ce livre qui fait la part belle aux photographies et à un texte qui, tout en soulignant la magnificence des lieux répertoriés, ne manque pas de rigueur scientifique. Malgré une façade de force, d’obscurité et de puissance, fragile beauté vouée à l’humidité et aux fraîcheurs piquantes de ce monde souvent difficile à atteindre et à l’alchimie secrète.
Grottes aussi habitées par des mythes coriaces, dont les légendes traversent avec crainte et déférence les esprits à l’imagination féconde. Grottes où l’on jette les jeunes filles récalcitrantes à un mariage arrangé, grottes où disparaissent chèvres et moutons, grottes où se réfugient des moines persécutés, grottes hantées par des djinns, grottes où hibernent des serpents monstrueux, grottes qui relient vallée et montagne et d’où surgissent poulets et chèvres qui s’y sont aventurés, comme un monde creusé et souterrain dont les tunnels en vases communicants sont des embranchements
interminables.
Tout cela ce sont les paroles et les histoires populaires. Autant de rumeurs et de ragots pour alimenter la mythologie de ce que l’on ignore ou craint d’aborder. Mais ce livre, loin de tous ces dires, est conçu pour préserver et conserver la part d’héritage naturel du pays du Cèdre. Une richesse, un patrimoine, un historique et une ressource uniques.
Un livre qui ne montre pas seulement, par le biais de superbes photos, l’état des lieux des grottes libanaises, mais jette aussi un éclairage sur leur part et leur signification historique et géologique.
Un pays bordé par la Méditerranée, cerné par des montagnes. Au milieu des vallées, des plateaux et des plaines. Sa végétation se nourrit de lumière, de pluie et de neige. Le paysage est éclatant de beauté. Mais sous les pieds, on foule une zone inconnue, méconnue, ignorée: celle des grottes à la beauté non moins éclatante.
Une beauté du ventre de la terre libanaise que ce livre apporte jusqu’au lecteur, où images choisies et textes au plus près de la réalité forment un ensemble compact et uni. Nomenclature et repérage des grottes qui vont de Jeïta à Kfar Chaka, en passant par les villages de Knat, Dahr el-Aïn, Hrajel, Sefrine, Sir el-Dennieh, la région de Tannourine, du Chouf, de la Békaa, de Tarchiche, du Akkar, les vallées de Brahim, d’el-Fouar, d’el-Kalb, de Kadisha, les grottes, comme un chapelet de souterrains, se multiplient et ne se ressemblent pas.
Des plus longues grottes (Jeïta, Roueiss, Afqua, el-Kassarat, Aïn el-Libneh, el-Chawkié, Rahoué) aux plus profondes (Fouara Dara, Kattine Aazar, Baatara, el-Abed, al-Badawiyeh, Osman Rmeïlé, Arkoub, Balaa, Tarchiche), du plateau du haut Mont-Liban à celui du centre, en passant par l’anti Mont-Liban, les paysages se diversifient et changent comme les aspérités, l’aridité ou l’exubérance des paysages qui les couvrent.
Du travail de l’érosion à celui des combinaisons inattendues (ou attendues) des éléments naturels (acidité, dioxyde de carbone, calcaire), les aspects des grottes peuvent avoir des allures de saisissante translucidité ou de pierres sombres, brunes, roses, rouges et parfois même oranges, dont la belle et séduisante coloration reste l’apanage de la nature, mais que la science dépiste, analyse et dont elle perce, sans faille, le mystère.
Sculptures magnifiques, forêt figée de stalactites ou de stalagmites, saillies impressionnantes, aspérités tendres ou rugueuses, ces rochers béants aux arêtes veloutées ou acérées, ces caves et ces excavations aux formes les plus extravagantes et les plus fantaisistes, taillées par le temps, l’alchimie des composantes naturelles ou offertes en cadeau de Dieu restent une source de connaissance, de révélation de la nature du sol et un lieu où la beauté a quelque chose de singulier, d’extraordinaire.
La documentation sur les grottes, entamée depuis 1836 par des pionniers français, anglais et américains, groupe aujourd’hui plus de quatre organisations qui explorent les grottes au Liban, dont le nombre s’élèverait à 700. Un chiffre en croissance.
Un livre important, alliant témoignage, documentation et révélation pour des lecteurs de tous crins et non seulement pour les mordus de spéléologie ou les adeptes des randonnées où l’on se désaltère auprès d’une source fraîche après une marche épuisante tout en se demandant à quel niveau est située sa nappe phréatique.

* Livre en vente à la librairie al-Bourj.