Ce ne sera, à l’évidence, une surprise pour personne (sauf revirement, inattendu, de dernière heure). Au cours de la séance du Conseil des ministres qui se tiendra cet après-midi, le gouvernement Mikati devrait tirer un trait, sous l’impulsion et sur insistance du Hezbollah, au débat portant sur la restitution aux chrétiens du poste de directeur général de la Sûreté générale qui était traditionnellement détenu pendant des décennies par un maronite, jusqu’à ce que l’ancien président Émile Lahoud décide en 1998 de l’attribuer à un officier chiite (en la personne de Jamil el-Sayyed). Depuis, cette fonction sécuritaire particulièrement sensible – puisqu’elle a la haute main sur le contrôle de toutes les frontières ainsi sur l’octroi de passeports – est assumée par un officier proche du Hezbollah. Ce nouveau fait accompli imposé par le parti chiite devrait être encore une fois confirmé aujourd’hui lorsque le Conseil des ministres désignera, en toute vraisemblance, l’actuel « numéro deux » des services de renseignements de l’armée, le brigadier Abbas Ibrahim, à la tête de la Sûreté générale. Le brigadier Ibrahim sera au préalable promu au rang de général.
Plusieurs voix s’étaient élevées depuis quelque temps, notamment dans les rangs du 14 Mars, pour réclamer que le brigadier Raymond Khattar, qui assure l’intérim à la direction de la SG, soit confirmé dans ce poste, d’autant que de l’avis de toutes les parties il a fait preuve de compétence, d’intégrité et de droiture dans l’exercice de ses fonctions, sans compter qu’en termes de hiérarchie et d’ancienneté, ce poste devrait lui revenir de droit. Le général Michel Aoun avait d’ailleurs insisté pour que le brigadier Khattar soit nommé à la tête de la SG lorsque l’ancien directeur Wafic Jezzini avait pris sa retraite il y a plus d’un an. Mais le Hezbollah s’opposant à la désignation d’un officier chrétien, le brigadier Khattar avait été chargé uniquement de l’intérim.
La question s’est posée à nouveau avec la formation du gouvernement Mikati. Plusieurs pôles du 14 Mars sont revenus à la charge pour que le brigadier Khattar soit confirmé à son poste. Le tandem Hezbollah-Amal a toutefois opposé une fin de non-recevoir à une telle désignation. Face à l’intransigeance du parti chiite, le général Aoun a fini par faire marche arrière sur ce plan et a renoncé à sa revendication initiale, allant même jusqu’à souligner, lors de son dernier point de presse, mardi dernier, que « ce n’est pas la fin du monde » si les chrétiens perdent la direction de la SG, affirmant en substance que peu importe si le directeur de la Sûreté est maronite ou chiite.
Le fait que le Hezbollah ait ainsi réussi à imposer encore une fois sa volonté au sujet de ce point précis pourrait placer le général Aoun quelque peu dans l’embarras du fait que le chef du CPL se pose en porte-étendard de la récupération des droits des chrétiens dans les administrations publiques, notamment au niveau des postes de première catégorie. Les milieux du 14 Mars ne manqueront certes pas de relever l’incapacité dans laquelle s’est trouvé le général Aoun d’obtenir de son allié chiite la récupération par les chrétiens de l’une des principales fonctions sécuritaires du pays. Le député Hady Hobeiche, du bloc du Futur, a d’ailleurs souligné hier sans détour que la question de la direction de la SG constituait un premier pas et, en quelque sorte, un passage obligé pour la récupération des droits chrétiens dans l’administration publique, relevant que « ce premier test » a été un échec pour le général Aoun. Pour court-circuiter une telle argumentation, le député Ziad Assouad, du bloc parlementaire aouniste, a trouvé la parade en affirmant que ce sont les médias qui ont évoqué le problème de la récupération par les chrétiens de la direction de la SG et que le bloc du Changement et de la Réforme n’a jamais soulevé cette question...
Raymond Khattar à la Défense civile
En tout état de cause, la polémique sur ce plan ne changera rien dans la réalité et, sauf coup de théâtre de dernière heure, le gouvernement devrait avaliser aujourd’hui le choix du Hezbollah. Par la même occasion, le brigadier Raymond Khattar serait nommé, au cours de la même séance de cet après-midi, directeur général de la Défense civile...
En dehors de ces deux nominations, le Conseil des ministres est saisi d’un ordre du jour de 45 points, portant pour l’essentiel sur des questions d’ordre socio-économique. Le cabinet se propose en effet d’initier un chantier de travail axé sur des projets de développement et de redressement dans divers domaines d’activité. Le ministre de la Santé, Ali Hassan Khalil, a apporté des précisions à ce propos, au cours d’une tournée au Liban-Sud, indiquant que le gouvernement s’emploiera à définir pour chaque ministère un plan d’action axé sur « deux volets », ou calendrier de travail, l’un s’étalant sur « cent jours » et le second sur « les deux prochaines années », de manière à « donner une nouvelle impulsion à l’action gouvernementale » dans le pays.
Sleiman, Mikati, et le scepticisme du 14 Mars
Parallèlement aux dossiers socio-économiques, l’exécutif cherche également à promouvoir deux lignes directrices politiques dont les contours ont été évoqués dans les discours prononcés durant le week-end écoulé par le président Michel Sleiman, lors d’agapes à Amchit, et le Premier ministre Nagib Mikati, à la faveur d’une visite au Liban-Sud. Le chef de l’État a ainsi annoncé qu’il a l’intention d’entreprendre sous peu une série de contacts avec les leaders du pays afin de définir un « mécanisme » susceptible de relancer le dialogue national. Quant au chef du gouvernement, il a tenu à réaffirmer son engagement envers les résolutions internationales, dont notamment la 1701.
Ces deux prises de position ont toutefois été accueillies avec un net scepticisme par les pôles du 14 Mars. Le leader des Kataëb, le président Amine Gemayel, a ainsi affirmé à la MTV que le chef de l’État a tenu « de belles paroles qu’il n’est pas en mesure de traduire dans les faits ». Estimant que « la faction qui contrôle le gouvernement est réfractaire à tout dialogue », le président Gemayel a souligné dans ce cadre que le Hezbollah s’emploie à imposer son contrôle sur tous les points névralgiques de l’État.
Abondant dans le même sens, le député Ammar Houry (courant du Futur) s’est demandé, fort à propos, à quoi pourrait bien servir le dialogue si les résolutions adoptées restent lettre morte, comme ce fut le cas au cours des dernières années lorsque les décisions prises dans le cadre de la conférence de dialogue parrainée par le chef de l’État n’ont eu aucun effet dans la pratique.
Quant à l’engagement du Premier ministre à se conformer à la 1701, il a suscité un commentaire bien ciblé du « numéro deux » des Forces libanaises, le député Georges Adwan, qui a rappelé à qui voudrait bien l’entendre que la résolution onusienne stipule en termes très clairs que toute présence d’armes illégales est prohibée au sud du Litani. Ce qui semble loin d’être le cas, comme l’ont illustré les explosions qui se sont produites à plusieurs reprises dans des dépôts de munitions relevant du Hezbollah dans diverses localités de la région méridionale du pays.
On se moque du fait que ce monsieur Ibrahim soit chiite, ce qui fait peur par contre c'est sa proximité avec le Hezbollah, qui est soit dit en passant le parti le plus confessionnaliste du Liban.
12 h 51, le 18 juillet 2011