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Le printemps arabe, une dynamique nouvelle pour le processus de paix israélo-palestinien ? - Conférence

Le printemps arabe, une dynamique nouvelle pour le processus de paix israélo-palestinien ?

Depuis le début de l’année, le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord sont en pleine ébullition. Éprise de démocratie et de
changements, la région se transforme. Cependant, le processus de paix israélo-palestinien est toujours au point mort. Dans ce contexte, les Nations unies ont organisé un séminaire à Budapest pour tenter de comprendre les défis et surmonter les obstacles.

Le 15 juillet, des Palestiniens et des Israéliens ont manifesté à Jérusalem-Est pour soutenir la création d’un État palestinien. Gali Tibbon/AFP

BUDAPEST, Karine JAMMAL

Les développements spectaculaires qui ont eu lieu à travers le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord ainsi que l’aspiration pour plus de libertés dans cette région ont créé une nouvelle toile de fond au processus de paix israélo-palestinien. Lors d’un séminaire de deux jours organisé par les Nations unies en collaboration avec le ministère des Affaires étrangères hongrois, Palestiniens et Israéliens se sont penchés sur les différentes implications que peut avoir le « printemps arabe » sur la résolution du conflit entre ces deux protagonistes au Proche-Orient.
Afif Safieh, ancien ambassadeur palestinien aux États-Unis et en Russie, ainsi qu’auteur du livre The Peace Process from Breakthrough to Breakdown, a estimé, en ouvrant la discussion, que la première intifada a été un modèle pour certains mouvements de la région qui aspirent à la démocratie. Selon lui, « ce qui se passe aujourd’hui est une troisième intifada pacifique, elle devrait donc être plus efficace ». « L’histoire est en marche et même si l’avenir est incertain, il y a une émergence évidente d’une opinion publique arabe sur la scène internationale, estime M. Safieh. Les relations entre les différents régimes de la région et leurs oppositions respectives ont toujours été problématiques, notamment avec des forces libérales qui ne se sont jamais affirmées. »
Pour le diplomate, la réconciliation interpalestinienne ainsi que le passage entre la bande de Gaza et l’Égypte ont été facilités par les changements survenus au Caire et en Syrie. En outre, « le processus de paix israélo-palestinien a constamment souffert de sa dépendance des belligérants régionaux et de la politique intérieure israélienne. Aujourd’hui cette approche est désuète, martèle M. Safieh.
Pour le diplomate, le « printemps arabe » a donc un impact positif sur le Proche-Orient. Un point de vue partagé par Ron Pundak, l’ancien directeur général du Centre Peres pour la paix, pour qui les mouvements de révolte dans le monde arabe sont d’excellentes nouvelles pour n’importe quel penseur démocratique progressiste. « Pour la première fois, des milliers de personnes sont descendues dans la rue sans avoir Israël en ligne de mire. La cause palestinienne restait toutefois leur centre d’intérêt, en tant que peuple opprimé. »
Malgré cette euphorie quant à la demande de démocratie, M. Pundak est inquiet pour l’avenir de l’Égypte. « Je pense que peu de changements surviendront sur le terrain à cause de nombreux problèmes structuraux et cela aurait malheureusement des conséquences négatives. » M. Pundak est encore plus inquiet qu’un mouvement, semblable à celui de Tahrir, en Cisjordanie ne se retourne contre l’autorité palestinienne et Israël.
Joe Lauria, correspondant pour le Wall Street Journal, à New York, a de son côté pointé du doigt un tout autre point négatif survenant de ces révolutions. « Le printemps arabe a permis de montrer l’écart entre les valeurs que prônent les États-Unis et leurs intérêts, notamment en soutenant des régimes autoritaires dans la région, comme Moubarak et Assad. » Pour le journaliste, il est par ailleurs étrange que l’Iran et le Hamas aient appuyé les protestataires égyptiens.

La paralysie...
Dans ce contexte de changements, il y a une donne qui reste malheureusement inchangée dans la région : le processus de paix. Un des buts de la conférence des Nations unies sur la paix au Proche-Orient était justement de vaincre la paralysie des discussions de paix, ce qui n’a pas été chose facile, les deux parties campant sur leurs positions.
Les propos de Yossi Beilin, homme politique israélien de gauche et ancien ministre de la Justice, ont été assez fracassants : « Vous voulez la paix ? Vous ne l’aurez pas. Vous voulez un État ? Vous ne l’aurez pas. » Du moins pas tant que Benjamin Netanyahu est au pouvoir. Pour M. Beilin, c’est une impasse. « Le gouvernement israélien actuel ne fera aucune concession sur les frontières et Jérusalem. Côté palestinien, un accord n’a pu se faire à Gaza. » Pour l’ancien ministre, il n’y a pas de réconciliation palestinienne, malgré les efforts. « Même si le monde accepte un État palestinien, il ne sera pas établi si Israël n’est pas disposé à se retirer des territoires occupés. Aujourd’hui on fait du surplace en attendant que les politiques changent des deux côtés afin d’aboutir à un accord permanent ou au moins aboutir à un changement progressif sur le terrain », ajoute-t-il.
« Le monde ne sait absolument pas quoi faire de nous », martèle-t-il, ajoutant que la dernière réunion du quartette était une catastrophe, les participants n’ayant abouti à rien. Riad Mansour, observateur permanent pour la Palestine aux Nations unies, est d’accord avec M. Beilin sur l’échec du quartette. « Ne pas publier un communiqué dans lequel seraient fixés les paramètres pour des négociations entre les deux parties résulte encore une fois de la récalcitrance d’Israël. » M. Safieh critique la lâcheté durant la dernière réunion du quartette, tout en espérant qu’en septembre aura lieu aux Nations unies un « rendez-vous avec le courage ».
Ron Pundak appuie le point de vue de M. Beilin sur plusieurs points, mais se dit être plus pessimiste. « Le gouvernement israélien actuel de Benjamin Netanyahu ne veut pas résoudre le problème, mais le gérer. S’il n’y a pas de progrès, l’Autorité palestinienne actuelle – qu’il appelle le camp de la paix – ne survivra pas. Le mouvement démocratique et celui qui pousse à la création d’un État aident au maintien de l’Autorité. La plupart des Israéliens ont accepté l’instauration de deux États, mais ne sont pas pour autant disposés à agir pour atteindre cet objectif. » C’est pour cela qu’il aimerait voir les Israéliens descendre dans la rue.
Concernant les négociations entre Palestiniens et Israéliens, M. Pundak est partisan d’une solution assez radicale. Selon lui, la communauté internationale devrait imposer 10 points de principes aux deux parties, qui devront accepter préalablement ces principes pour débuter les négociations. Joe Lauria s’est, quant à lui, demandé qui va appuyer ce plan, appelant à une pression populaire sur les dirigeants des deux parties.
Pour Afif Safieh, les Palestiniens ont déjà rempli leurs obligations. « C’est maintenant le devoir d’Israël et de la communauté internationale de soutenir la naissance d’un État souverain. » Selon lui, la communauté internationale doit prendre une décision historique, surtout les États-Unis qui n’ont aucun intérêt à soutenir la colonisation.
De son côté, M. Mansour a déclaré que les Palestiniens ont tenté en vain de surmonter certaines défaillances, notamment les pratiques illégales d’occupation et de colonisation, « ce qui n’a plus donné envie à Israël de négocier ». Il a donc appelé la communauté internationale à prendre position contre ces implantations. « Avec plus de 580 000 colons, la colonisation constitue une menace pour une solution à deux États », assure-t-il. Alors que le processus est bloqué, « les Palestiniens sont venus avec une nouvelle idée pour mettre fin à cette impasse. Une idée qui regroupe la non-violence et l’indépendance : la mise en place d’un État palestinien, indique M. Mansour. Comme le plan de l’édification de cet État a été approuvé par la communauté internationale, les Palestiniens ont préféré entamer le processus à travers les Nations unies (passer devant l’Assemblée générale en septembre) plutôt que d’attendre des négociations concernant ce point précis », précise-t-il.
M. Mansour concède qu’une action unilatérale est inutile, il souligne néanmoins que ce processus de l’avènement d’un État palestinien est une action multilatérale, puisqu’il est en marche grâce à des tractations diplomatiques multilatérales, au sein même d’une institution internationale, à savoir l’ONU. « Les Palestiniens restent prêts à négocier sur les autres points, mais pas sur l’indépendance, martèle M. Mansour. Les Palestiniens ont apporté leur contribution pour sortir de l’impasse en proposant la création d’un État palestinien. C’est le dernier combat pour la survie d’une solution à deux États. »
BUDAPEST, Karine JAMMALLes développements spectaculaires qui ont eu lieu à travers le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord ainsi que l’aspiration pour plus de libertés dans cette région ont créé une nouvelle toile de fond au processus de paix israélo-palestinien. Lors d’un séminaire de deux jours organisé par les Nations unies en collaboration avec le ministère des Affaires...