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Liban - La situation

Parlement jour II : violence verbale et empoignades évitées de justesse


Certes, la courtoisie avait somme toute régné mardi sur la première séance de débat parlementaire à la Chambre, et ce malgré les frondes de certains députés du 14 Mars, de Marwan Hamadé à Samir el-Jisr. Les deux monologues des loyalistes et des opposants s’étaient à peine heurtés, dans une architecture savamment élaborée par le 8 Mars, Nabih Berry jouant le rôle du Jacques Chancel notoire, pour ne pas offrir au 14 Mars ce qu’il souhaitait de tout son être : l’établissement d’un climat fiévreux et tendu de bras de fer au sein de l’hémicycle, évoquant d’une certaine manière celui qui avait pavé grand la voie à la chute du cabinet Karamé en février 2005.
Mais il n’en a pas été de même hier. La courtoisie s’est en effet éclipsée sur la pointe des pieds, et c’est un certain craquèlement qui est venu fissurer lentement mais sûrement la structure étanche d’insensibilité mise en place par les loyalistes – comme l’a prouvé le retrait, en début de soirée, des députés du Hezbollah, à la suite de l’allocution cinglante du député Nohad Machnouk, systématiquement houspillé durant son allocution – mais en vain – par les députés du parti « divin » et par le ministre amaliste Ali Hassan Khalil.
C’est donc un climat de tension latente qui s’est d’abord instauré dans l’hémicycle, et qui petit à petit a cédé la place à de la violence verbale, puis carrément à des tentatives d’empoignades, rattrapées à chaque fois in extremis par un Nabih Berry plus que jamais équilibriste. Le président de la Chambre n’a pas hésité, pour la forme, à se montrer à dessein plus dur encore avec les siens, afin de restaurer le calme et de pouvoir faire régner la loi dans son jardin.
Pourtant, l’on avait commencé par s’imaginer, dans la journée, que l’on assisterait à une reproduction du pattern développé la veille – sans toutefois le panache et la majesté manifestés par Marwan Hamadé. D’autant qu’armé d’une fleur de gardénia pour revenir à des senteurs plus vivifiantes et oublier les coups de boutoirs systématiques des Hajjar, Oghassabian ou encore Marouni, le Premier ministre Nagib Mikati demeurait silencieux, voire presque absent.
Ce ne sont pas non plus les discours de Hassan Fadlallah – similaire dans son lyrisme à celui tenu la veille par Ali Ammar –, de Alain Aoun ou du très docte Ali Fayyad qui ont soudain mis la Chambre en ébullition, mais bien celui du député Khaled Daher. Ce dernier a en effet brisé un tabou en proclamant, de la Chambre des députés, son « soutien au peuple syrien dans sa lutte contre la dictature ». La réaction ne s’est pas fait attendre de la part de celui-là même qui avait lancé des menaces au député Walid Joumblatt en l’an 2000 et l’avait traité « d’agent israélien », lorsque ce dernier avait défendu le communiqué de Bkerké réclamant le retrait des forces syriennes du Liban – l’inénarrable Assem Kanso. Dans un brouhaha général – Kanso n’a pas été le seul parlementaire à protester contre « l’affront » fait à « l’État sœur », mais certainement le moins distingué –, le député baassiste de Baalbeck a lancé : « Mais qui est donc ce chien qui ose défier la Syrie ? » De la tribune, Khaled Daher n’a d’abord entendu, lui, que les protestations de Kanso. Il s’en est plaint à M. Berry, lequel s’est empressé de faire taire le député baassiste et de calmer le jeu. Mais, ayant regagné son strapontin, Khaled Daher a compris, grâce à l’aimable diligence d’un de ses confrères du Nord, qu’il a été traité de « chien ». Interrompant le député Ali Fayyad, il proteste alors auprès de M. Berry, lâchant, au sujet de Kanso : « C’est lui le chien. » Le député prosyrien bondit de son siège, furieux, dans un geste bagarreur, mais il est immédiatement contenu par deux de ses confrères, tandis que Daher se met à son tour en position de boxeur irlandais. Nabih Berry trouve la parade pour apaiser quelque peu les esprits. Mais il en profite aussi pour rappeler « l’interdit » syrien, en disant à Daher que c’est de bonne grâce qu’il n’a pas « éliminé ses propos du procès-verbal », puisqu’il y a « des mots désobligeants envers un pays frère ».
Si les interventions très offensives des députés du CPL Simon Abiramia et Zyad Assouad – qui ont procédé tous les deux à un règlement de comptes en bonne et due forme avec 20 ans de haririsme et cinq ans de règne du 14 Mars – ont réussi à pousser le doyen des députés FL, Farid Habib, excédé, à quitter l’hémicycle, la séance matinale s’est toutefois terminée dans un climat relativement stable, Nagib Mikati, lui, a paru bien las, ayant « subi » en même temps le feu nourri des députés du 14 Mars, mais aussi une défense acharnée et surprotectrice du Hezbollah et du CPL.

L’apothéose Machnouk
Mais les nerfs se sont de nouveau échaudés en soirée, au bout de six interventions, dont celle d’un Farid Habib revenu à de meilleurs sentiments, et malgré une attaque au vitriol du député du Hezbollah Kamel Rifaï contre le 14 Mars. Ils commencent à lâcher lorsque le député Kataëb Samer Saadé brise un autre interdit, celui de dire que « le sayyed et ses armes ne font peur à personne », propos qui ont déclenché un nouvel esclandre entre les députés du Hezbollah, outrés par ce sacrilège, et Samy Gemayel, contestant le « droit » que les députés du Hezb se sont auto-octroyé de fixer des lignes rouges au Parlement.
Mais c’est surtout Nohad Machnouk qui achève de faire monter la fièvre dans l’hémicycle. Il se heurte à une attaque en règle de la part des députés du Hezb et de Ali Hassan Khalil, puisqu’il vient de nouveau de bousculer « l’interdit » portant sur le régime syrien. Puis, cela devient mécanique, et Machnouk est interrompu à chaque bout de phrase par les hurlements des députés du Hezbollah, puisqu’il s’attaque autant aux armes du Hezbollah qu’au « déficit de légitimité » de Nagib Mikati dans la rue sunnite, en usant de formules particulièrement corrosives. S’il paraît savamment orchestré dans un premier temps par le Hezbollah pour gêner Machnouk, le stratagème se retourne bien vite contre ses artisans. Car non seulement Machnouk ne se taira pas, mais il continuera à marteler ses mots avec contenance et assurance, jusqu’à l’attaque paroxystique de Moussaoui (voir plus bas). « Je sais qu’en répondant à ces propos, je suis en train de leur rendre service (au 14 Mars). Nous avons décidé de nous taire, et nous ne pouvons pas partir, mais nous ne pouvons non plus écouter ce genre de propos, pour notre public », dira-t-il, furieux, avant de quitter l’hémicycle, puis de revenir pour inciter l’ensemble de son bloc à le suivre, après une estocade supplémentaire des députés du parti divin avec Nadim Gemayel, qui vient de qualifier ce dernier de « milice ».
Mais ce n’est pas fini, malgré le départ du Hezbollah, puisque le débat manque de déraper une fois de plus durant l’intervention d’un Ibrahim Kanaan lui aussi interrompu à plusieurs reprises et chahuté. Farid Habib et le député aouniste de Hadeth, Hikmat Dib, manquent presque d’en venir aux mains après avoir puisé abondamment dans le bestiaire, et la séance est levée par Nabih Berry dans un chaos généralisé, après une ultime révolte de Samy Gemayel contre Kanaan, qui accuse le 14 Mars « d’exploiter et de marchander le sang des martyrs ».
Les images peu glorieuses et reluisantes de la Chambre reflètent sans doute l’abîme insondable qui sépare aujourd’hui les Libanais, entre partisans de la justice et pourfendeurs du « complot », et il y a fort à parier que les huit interventions restantes aujourd’hui avant la réponse de Nagib Mikati – Fouad el-Saad, Bahia Hariri, Georges Adwan, Samy Gemayel, Ahmad Fatfat, Nawwaf Moussaoui, Akram Chéhayeb, Boutros Harb, Kassem Hachem, Fouad Siniora et Michel Aoun – n’arrangeront pas les choses. Pari bien difficile pour Nagib Mikati, contraint de se tenir debout alors que la terre, y compris la sienne, bien tripolitaine, n’en finit plus de trembler et de se fissurer sous ses pieds.
Certes, la courtoisie avait somme toute régné mardi sur la première séance de débat parlementaire à la Chambre, et ce malgré les frondes de certains députés du 14 Mars, de Marwan Hamadé à Samir el-Jisr. Les deux monologues des loyalistes et des opposants s’étaient à peine heurtés, dans une architecture savamment élaborée par le 8 Mars, Nabih Berry jouant le rôle du Jacques...
commentaires (10)

Et qui c'est qui est content de voir tout çà?Mais qui c'est?Ce sont nos joyeux lurons Iraniens,Syriens,et Israëliens!Oh combien...çà marche bien leur petite entente pour faire du Liban un pays qui n'est pas un pays...pendant que le Golan reste calme( pour le reste ,je ne sais pas),que les affaires roulent entre Israêl et l'Iran(mais le pétrole n'a pas d'odeur,n'est ce pas?),et que l'économie Israëlienne est en plein boum(ouf,out pour ce foutu concurrent qu'est le Liban!)...c'est chez nous que tout se passe...une espèce de fiesta morbide,à en pleurer!Ho,Libanais,réveillez vous à la fin!Vous êtes en train de vous faire empapaouter pour des gens qui n'en ont rien à foutre de vous...sauf comme exutoire à leurs sales petites affaires!

GEDEON Christian

06 h 51, le 07 juillet 2011

Tous les commentaires

Commentaires (10)

  • Et qui c'est qui est content de voir tout çà?Mais qui c'est?Ce sont nos joyeux lurons Iraniens,Syriens,et Israëliens!Oh combien...çà marche bien leur petite entente pour faire du Liban un pays qui n'est pas un pays...pendant que le Golan reste calme( pour le reste ,je ne sais pas),que les affaires roulent entre Israêl et l'Iran(mais le pétrole n'a pas d'odeur,n'est ce pas?),et que l'économie Israëlienne est en plein boum(ouf,out pour ce foutu concurrent qu'est le Liban!)...c'est chez nous que tout se passe...une espèce de fiesta morbide,à en pleurer!Ho,Libanais,réveillez vous à la fin!Vous êtes en train de vous faire empapaouter pour des gens qui n'en ont rien à foutre de vous...sauf comme exutoire à leurs sales petites affaires!

    GEDEON Christian

    06 h 51, le 07 juillet 2011

  • - J'ai oublié de signé mon commentaire : LA SCHIZOPHRENIE. Je le fais ici : Tasso Tsiris

    Tasso Tsiris

    06 h 13, le 07 juillet 2011

  • - C'est mon commentaire. Mon avis. J'espère que l'OLJ en prendra cas, même si c'est écrit en vers. LA SCHIZOPHRENIE Au pays d'Adonis une affection maligne Frappe indistinctement les leaders de tous bords ; Elle s'empare d'eux et, maléfique signe, Elle infecte leurs nerfs, leur esprit et leur corps. Sérail et Parlement, et chaque Ministère, Le mal frappe partout ; chacun en est atteint ; On s'entre-accuse que, du fléau prolifère, On est, le promoteur ! ou du moins, le parrain ! De table ronde ? On parle ! Et on promet l'entente. Mais on veut imposer sa logique aberrante, Et sa médication pour extirper le mal ! Le pays se débat dans les conflits sectaires De ses chefs, érigés en juges arbitraires, Et d'une résistance au but paradoxal ! On s'épuise en débats, en vaines controverses, Et on accable autrui de calomnies diverses, Puis, on l'accuse d'être indigne et déloyal ! On le classe parmi les agents et les traîtres Vendus outre-atlantique ; ou les suppôts des maîtres, Despotes criminels du pacte régional ! On lui prête exaction, corruption, préjudice, Agressions, attentats et crimes ; et l'on glisse Inévitablement vers le gouffre fatal. L'on dirait un asile où les surexités S'exaltent en affronts et en obscénités ; Ou plutôt l'antichambre, en une infirmerie, Où règnent la névrose et la schizophrénie. Ecrit le 19 Février 2007, mais réflète toujours l'actualité.

    Tasso Tsiris

    06 h 00, le 07 juillet 2011

  • Continuation 2 - fin inattendue et choquante, revient à la scandaleuse et maudite phrase, entendue même quand un Gebran Tuéni et un Pierre Gemayel ont été abattus, "vous exploitez et marchandez le sang des martyrs" ? Messieurs les députés du CPL, on ne voyait pas l'heure où vous arriveriez au pouvoir, même par les déploiements des "chemises noires", pour voir si vous allez faire mieux. Extirpez, "changez et réformez" ce que vous désirez. Mais en arriver à obéir à l'ordre de renier le TSL, donc renier la vérité et la justice pour les matryrs, notamment les martyrs chrétiens, c'est une TRAHISON au sang de ces derniers, donc une TRAHISON au Liban. Malheureusement il n'y a pas un autre mot.

    Halim Abouchakra

    04 h 37, le 07 juillet 2011

  • Continuation super armée dans la banlieue de Beyrouth, ses quartiers, ses rues, ses alentours, et, en plus, dans chaque coin de la Békaa, sur le mont Sannine, au Akkar, à Tripoli etc. Et si vous leur dîtes, comme tant de députés, notamment le député Nadim Gemayel hier à la tribune "mais, messieurs, ça, ça n'a rien à voir avec de la résistance, mais avec une "milice", et l'ennemi est à la frontière Sud, alors les "députés divins" s'indignent et se retirent de l'hémicycle. Alors que la logique d'une "résistance" serait que le Hezbollah se retire de la politique intérieure, les deux ne combinant pas ensemble. Et que dire des discours des députés du CPL Simon Abi Ramia et Ziyad Assouad, obsédés, comme ils pensent devoir l'être pour plaire au chef, par "vingt ans de haririsme" à extirper comme un cancer ? Que dire surtout de celui du député Ibrahim Kanaan qui, de manière Continue

    Halim Abouchakra

    04 h 25, le 07 juillet 2011

  • Si "la courtoisie s'est éclipsée sur la pointe des pieds" de l'enceinte du Parlement, elle a été attrapée par le bras par M Hajji Georgiou pour donner aux lecteurs ce brillant aperçu de la situation. Les lecteurs, eux, ne sont pas censés être aussi courtois. Derrière les mots soigneusement choisis, ils voient bien les aberrations avec lesquelles ce pays et ses citoyens sont scandaleusement torturés tous les jours, et tout "l'équilibrisme" du roi de leur Parlement non seulement n'allège point leurs tortures mais souvent y contribue. Ainsi derrière les "inénarrables" et "prosyriens" Ali Kanso, comment leur est-il possible de ne pas voir qu'ils ont des députés plus loyaux à des pays étrangers qu'au Liban ? Une aberration exclusive à ce pays et dont il n'y a aucune semblable dans n'importe quel pays du monde. Vient l'aberration encore plus grave de la "résistance" Continue

    Halim Abouchakra

    04 h 04, le 07 juillet 2011

  • Ces debats houleux sont salutaires. La langue de bois, les interdits, les tabous, C'est termine ! En denoncant l'armement et le coup d'Etat legal du Hezbollah traite pour la premiere fois de milice, les deputes du 14 mars ont renforce l'etau qui se resserre autour de la soit-disant "resistance" avec le TSL et le soulevement du peuple syrien. Esperons que cette liberation de la parole soit un premier pas vers le jour ou les Libanais seront liberes du chantage des armes du Hezbollah. Et que le TSL devoilera sa veritable nature terroriste. Celle du regime syrien n'etant plus a prouver.

    ibrahim Tabet

    01 h 39, le 07 juillet 2011

  • La violence verbale tant redoutée entre sunnites et chiites est devenue hier une réalité au parlement . Plus insidieuse que de simples insultes, elle a bien laissé des blessures, même si elles sont invisibles entre diverses fractions libanaises .Vraiment triste Nazira.A.Sabbagha

    Sabbagha.A.Nazira

    01 h 30, le 07 juillet 2011

  • Messieurs les opposants...Donnez lui sa chance à ce gouvernement! Laissez-le donner le meilleur de lui-meme! Hier vous nous rabattiez les oreilles avec "La Syrie-Soeur"...Aujourd'hui vous traitez Assad de dictateur et vous vous auto-proclamez defenseurs des valeurs et des droits de l'homme en Syrie...C'est simple mais j'ai du mal à vous croire! Tout ce que vous voulez, c'est reprendre le pouvoir!...quitte à vous allier à nouveau avec le Hezbollah...Ca s'appelle de la politique!

    Carine Fares

    22 h 50, le 06 juillet 2011

  • Il est clair que le Sain et le "Malsain" représentent bien deux catégories complètement dissemblables. Pour preuve leurs attitudes respectives totalement opposées face aux derniers événements. Si pour les Sains réclamer leurs droits est tout à fait envisageable malgré le Rapport de Forces qui leur est complètement défavorable ; preuve en est leur descente dans les rues défiant les obus et les balles à mains nues ; pour les "Malsains" par contre, tout ceci est tout à fait impensable tant qu’ils ne détiendront pas dans leurs mains la même quantité d’armes et de munitions qu’ont leurs Adversaires ! "Logique Malsaine Pure" ! Ceci prouve bien leur non-homogénéité et non-harmonie historiquement dues à leurs multiples Communautés "Recroquevillées", ainsi qu’à leur mentalité de peuple de "Minoritaires", semblable en cela à celle de ces "Peuplades" méditerranéennes à tradition "de Vendettas et de Clans". Ils "courberont toujours l’échine" tant qu’ils ne seront pas assurés de leur supériorité en hommes, armes et munitions. Citons-les : "Embrasse la main qui te contraint en souhaitant qu’elle casse". Tout simplement ! Les Sains, plus homogènes et plus harmonieux entre eux ; malgré quelques minoritaires sectaires à l’image des "Malsains", qui se comportent comme eux, leur ressemblent et font manifestement tout le temps problème ; ont donc Un Véritable Sentiment National, et sont prêts à l’exercer pour défendre une Patrie à laquelle ils croient et adhèrent intrinsèquement. Pour Preuve, le Comportement du Peuple Syrien Sain actuellement, comparé à celui du "Sniper Malsain".

    KARAMAOUN Antoine-Serge

    19 h 40, le 06 juillet 2011

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