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Liban - En dents de scie

Tsunami

Treizième semaine de 2011.
On se demande réellement, toutes proportions gardées, ce qui est pire pour le peuple syrien : la répression barbare exercée jour après jour contre toutes celles et tous ceux que la dictature baassiste révulse depuis des décennies ou le discours qu'un Bachar el-Assad, mi-Staline de pacotille, mi-Kadhafi, a asséné en gloussant comme une retentissante gifle à l'intelligence de millions de ses compatriotes dans un horrible, un horripilant simulacre de démocratie.
Il n'est pas possible, il n'est pas concevable que les Syriens aient pu voter à ce point pour des représentants à l'image de celles et ceux qui ont servi ce mercredi de carpette à un président élu à la mort de son père et sans le moindre rival à 97 % des voix ; des représentants qui ont ramené le concept de praxis politique à ses balbutiements de l'âge de bronze. Comme il est ahurissant de voir à quel point un apprenti dictateur, fils de dictateur mais que rien, sinon le décès accidentel de son frère aîné, ne prédestinait à prendre les rênes de l'entreprise familiale, a su devenir l'übercaricature de lui-même : une pathétique, monstrueuse mais pathétique marionnette. Dont il tire lui-même pour l'instant les ficelles, n'en déplaise aux fantaisistes qui accréditent tous azimuts la thèse de la vampirique surpuissance, psychologique et physique, du frère Maher, du beau-frère Chawkat et des cousins Makhlouf.
Les puissances occidentales, les États-Unis d'Obama et ce qui reste de la France de Sarkozy en tête, et naturellement Israël, protecteur ultime de la famille Assad, doivent nécessairement comprendre que rien, plus rien ne peut arrêter la marche du peuple de Syrie.
Rien. Ni le meurtre ou la torture élevés par le régime au rang d'art de (sur)vivre. Ni les chars autour de la vaillante Deraa et bientôt sans doute ailleurs, en attendant les avions. Ni les téléphones mobiles appréhendés par les SA du Barada comme autant d'armes de destruction massive. Ni l'Internet verrouillé. Ni la minorité sunnito-alaouito-chrétienne protégée par les Assad et qui en tire de substantifiques dividendes. Ni l'épouvantail de l'islamisme déchaîné qui prendrait la relève en cas de victoire de l'opposition. Ni les statistiques répétées au quotidien et qui expliquent que de tous les (ex-)pouvoirs en place dans la région, le régime baassiste sera le plus difficile à déraciner. Ni ces ahuris qui s'agenouillent à Beyrouth pour embrasser la photo du bon docteur Bachar. Ni ces Libanais, Émile Lahoud en tête, qui ont tragiquement transcendé la notion du ridicule et qui ont applaudi à tout rompre le discours du Duce moustachu. Ni cette stupide certitude qui dit que les Syriens n'ont pas suffisamment faim pour aller jusqu'au bout, comme les Tunisiens ou les Égyptiens. Ni même un renoncement par Damas de toute promiscuité avec Téhéran ou le Hezbollah, comme quelques roitelets vacillants du Golfe l'ont recommandé à cet ancien ophtalmologue qui ne voit décidément plus grand-chose. Ni même, enfin, des réformes, fussent-elles à la louche ou aboutiraient-elles, ironie suprême, à des élections dignes de ce nom, organisées et surveillées par l'Union européenne itself.

Rien.
Rien ne peut arrêter les Syriens parce que les Syriens n'en peuvent plus. Parce que les Syriens ont compris que s'ils n'arrachent pas aujourd'hui, en 2011, leurs libertés, leur dignité et leur droit à la démocratie, jamais ils ne le feront. Parce que les Syriens, ils le disent dès qu'ils en ont l'occasion, ne veulent plus être gouvernés par l'Iran. Et parce que les Syriens sont un peuple fier. Furieusement, férocement et forcément fier, incapable d'envisager le moins du monde d'échouer là où ses cousins arabes ont réussi ou sont en train de... Rien en réalité ne peut arrêter les Syriens à part les Syriens eux-mêmes.
Et c'est exactement cela que le monde en général et les Libanais en particulier seraient bien inspirés de garder en tête. Sacrés Libanais : les uns, forts de leur magnifique et visiblement éternelle révolution du Cèdre, seraient prêts à tout abandonner pour aller aider le voisin ; les autres, décidément toujours plus royalistes que le roi, ne parlent que de complots et offrent sang et âme aux Assad en faisant comprendre aux Syriens que contrairement aux Bahreïnis, par exemple, ils sont un sous-peuple qui n'a droit à rien : ils payeront probablement cette infamie au prix lourd. Et puis il y a l'Iran. C'est-à-dire le Hezbollah. Dont il faudra attendre le pire dans les deux cas : si la révolution syrienne est assassinée, cela décuplera son arrogance milicienne à tous les niveaux ; si elle triomphe, il sera chargé d'embraser le Sud, avec tout ce qui s'ensuivra.
Une fois n'est pas coutume, Hassan Nasrallah a fait le bon choix : se taire. Cela ne durera évidemment pas, mais c'est déjà cela de gagné.

Treizième semaine de 2011.On se demande réellement, toutes proportions gardées, ce qui est pire pour le peuple syrien : la répression barbare exercée jour après jour contre toutes celles et tous ceux que la dictature baassiste révulse depuis des décennies ou le discours qu'un Bachar el-Assad, mi-Staline de pacotille, mi-Kadhafi, a asséné en gloussant comme une retentissante gifle à...
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