Et si on s'amusait un peu ? Et si on détournait, par exemple, le « Si j'étais président » de Gérard Lenorman (Mickey Premier ministre, Picsou aux Finances et Minnie à la Danse avec Coluche ministre de la Rigolade...) en l'adaptant à la sauce libanaise, maintenant que le 8 Mars est presque sûr de gouverner tout seul ?
Le passionario Gebran Bassil n'en revient justement pas. Former un gouvernement sans les gars du 14 Mars, mais aussi sans le Hezbollah qui préfère tirer les ficelles de l'ombre, est un rêve ultime devenu réalité. Une promesse de pur bonheur. Des propositions follement raisonnables sont avancées afin d'apporter à la République un projet gouvernemental viable. Il serait prêt à prendre ses responsabilités à la tête du ministère de l'Intérieur, promettant que le couvre-feu sera instauré, les manifestations interdites pour raisons esthétiques, la police antiémeute renforcée de matraques orange fluo, de canons à eau vert pistaches et de grenades lacrymogène : « Il y a urgence à sauver la démocratie », assure-t-on.
Mais senior Nabih B. n'applaudit pas à ces mesures qu'il qualifie de « virus dans le système ». La rue existe pour être occupée, tonne-t-il. Cela dit, l'homme s'est vite calmé avec la promesse de deux gros joujoux : les Affaires étrangères et la Justice. Nous allons travailler durement, assidûment et systématiquement à démêler les nœuds du Proche-Orient et à respecter les engagements internationaux, en particulier la question du Tribunal spécial pour le Liban, a-t-il déclaré.
Entre-temps, Georges Corm, Damien Kattar et Charbel Nahas implorent Jésus, Marie, Joseph et tous les apôtres, les supplient et réclament leur bonté pour les guider vers le ministère des Finances, jurant qu'ils feront du Liban le pays le plus riche et le plus prospère... Plus besoin de ces Affaires sociales anti-glam. L'ange Gabriel va planer sur le pays.
Wi'am Wahab, lui, fait fi de la foi divine... C'est son panache qui en impose. Tout le monde est tombé sous le charme de ses gestes et de ses mots, on lui confiera alors l'Information. Les soirs, il sera baladé sur petits écrans et les matins, couché sur papier. Cela fait trop longtemps qu'il ne s'est pas offert une bamboula médiatique. Ce qui n'est pas pour plaire à Walid Joumblatt qui tape du pied, exigeant qu'on rende à Ghazi Aridi les Travaux publics. Promis, craché, croix de bois, croix de fer, si je mens, je vais en enfer, Aridi s'en ira goudronner toutes les routes... en plein juillet ! Et na ! Le pays va se noyer dans les embouteillages monstres, les klaxons intempestifs et les cris de colère, mais qu'importe. Festivaliers et vacanciers, s'il y en aura, seraient avertis. Et le leader druze n'a pas fini. Il veut offrir les feux des projecteurs à son ami Bahige Abou Hamza. L'idéal serait l'Électricité. Sauf que Michel Aoun a piqué une grosse colère. Il réclame le portefeuille pour son neveu, Alain, qui bénéficie d'un a priori favorable du Hezb pour collecter les factures dans la banlieue sud... Taratatata, c'est le sésame qui remettra les pendules à l'heure.
Et pour ne pas faire de jaloux, le PSNS et le Baas auront leur part du gâteau : les Télécoms, qu'ils se partageront tous les six mois. Qui mieux qu'eux peuvent effectivement assurer la sécurité du pays, blinder la paix civile, les institutions démocratiques et les valeurs fondamentales de notre société ? Ils laisseront leurs traces dans l'histoire.
Quant à la Culture, elle reste ce méga-trouble-fête qui met dos à dos politiques et amis-investisseurs immobiliers ! Personne n'en veut. Et puis on ne risque aucun frisson avec les os des Phéniciens, les sarcophages des Romains et les vétustes Ottomans, alors à quoi bon ? Allez, ouste le patrimoine ! Laissez construire les gratte-ciel. Les touristes pourront découvrir un nouveau Dubaï-Eldorado... Mais il faut pourvoir ce portefeuille et le Premier ministre désigné Nagib Mikati pense le confier à Ibrahim Jamil.
Enfin, Nicolas Fattouche le poète se délecte. Il sera intronisé ministre de l'Environnement. Le festin antinature qu'il concocte sera gargantuesque. Les surfaces des carrières, les plaies géantes et les massifs en forme de gruyère vont quintupler. La faune, la flore et l'écosystème passeront à la moulinette. Le paysage s'annonce spectaculaire !
Mais il ne faut pas que le 14 Mars boude le tout, ni qu'il offre le pays sur un plateau d'argent. À la tête de la Jeunesse et des Sports, il pourra marquer des points... Ouvrons les paris !
ditavonbliss@hotmail.com
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