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Culture - Littérature

Alexandre Jardin : un livre « irréversible » contre son grand-père vichyste

« Je n'écrirai plus jamais comme avant », confie Alexandre Jardin, qui se livre dans « Des gens très bien » (Grasset) à un acte de contrition familial, « irréversible » selon lui, en fouillant le passé de son grand-père, directeur de cabinet de Pierre Laval lors de la rafle du Vél d'Hiv.
«Ce qui est fou, c'est que mon grand-père Jean Jardin était un homme bien, pétri de morale. C'est pourquoi mon livre n'est pas manichéen mais tend à démontrer que la mobilisation extrême de la morale, comme à Vichy, va permettre le pire», assure l'auteur du Zèbre et de Fanfan dans un entretien à l'AFP.
«Dans ma famille, et sans doute au-delà, mon livre va être considéré comme un blasphème, une transgression majeure à l'égard de la fidélité et de l'honneur familial», poursuit-il, s'attendant aussi à «se faire taper dessus par la critique».
Ce qui n'a pas manqué. Un de ses amis d'enfance le traite dans un quotidien de «Pinocchio de notre temps», entre autres gracieusetés. «Mais, se défend Alexandre Jardin, cette violence des médias, en particulier de droite, je l'avais prévue. La sortie de la cécité ne peut être paisible», s'exclame l'écrivain de 45 ans, avouant souffrir depuis des années du poids de cet héritage. Après l'avoir occulté puis tu.
Jean Jardin, dit «Le Nain jaune», fut directeur de cabinet de Pierre Laval du 20 avril 1942 au 30 octobre 1943 - la rafle du Vél d'Hiv eut lieu à la mi-juillet 1942 - et conserva jusqu'à sa mort en 1976 les portraits du maréchal Pétain et de son chef du gouvernement dans son bureau, selon son petit-fils. Il s'était exilé en Suisse de 1943 à 1947 et n'a jamais été inquiété.
Ce qui accable Alexandre Jardin, explique-t-il dans son livre, c'est qu'au poste occupé par son grand-père, il avait tous les moyens de savoir ce que signifiait cette grande rafle pour les milliers de juifs arrêtés. Et qu'il n'a pas démissionné. «Peut-être l'a-t-il su, ou peut-être pas. Mais il n'y a rien de pire que ce que vous ne voulez pas savoir. Comme dans les histoires de cocu...», relève-t-il.
Son réquisitoire contre Jean Jardin est sans appel. Pour l'auteur, il était l'éminence grise de Laval, «ses yeux, son flair, sa main, pour ne pas dire sa conscience», écrit-il d'entrée de jeu.
Pour l'historien Jean-Pierre Azéma, il n'y a pas de documents attestant que Jean Jardin connaissait le déroulement des rafles de juillet 1942 mais il est improbable selon lui qu'il n'en ait pas connu les préparatifs. L'écrivain Pierre Assouline a par ailleurs consacré une biographie au Nain jaune en 1986.
Alexandre Jardin se montre aussi très sévère avec son propre père, l'écrivain et scénariste Pascal Jardin, qui n'a pas «su ouvrir les yeux, aveuglé par son amour filial». Dans ses livres, «mon père a défendu le sien avec le plus fabuleux des boucliers, son regard d'enfant de 9 ans».
«J'éprouve une grande compassion pour lui. C'était terrible d'être le fils de Jean Jardin. Mais si l'on n'est pas responsable des actes de ceux qui nous ont précédés, on est responsable du regard que l'on porte sur eux», s'offusque-t-il. «Mon père a passé son temps dans un déni de la réalité. Il en est mort», assène son fils.
«Moi-même, j'ai longtemps été frappé de cécité», reconnaît-il.
Aujourd'hui, affirme l'auteur, «ce que j'ai compris sur Jean Jardin rend impossible pour moi d'être enterré auprès de mon père et de mon grand-père».
(Des gens très bien - Alexandre Jardin - Grasset - 295 p. - 18 euros)
«Ce qui est fou, c'est que mon grand-père Jean Jardin était un homme bien, pétri de morale. C'est pourquoi mon livre n'est pas manichéen mais tend à démontrer que la mobilisation extrême de la morale, comme à Vichy, va permettre le pire», assure l'auteur du Zèbre et de Fanfan dans un entretien à l'AFP.«Dans ma famille, et sans doute au-delà, mon livre va être considéré comme un...

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