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Culture - Livres

« Dans la peau de Patrick Modiano » : une œuvre et une vie

Pour se glisser Dans la peau de Patrick Modiano (Fayard), le journaliste Denis Cosnard a mené une enquête minutieuse afin de démêler réalité et fiction entre les lignes d'un auteur complexe qui s'est construit une famille de papier, nourrie de ses obsessions.
L'image de Modiano relève du mythe : un grand écrivain, incapable d'aligner trois mots en public, aspiré par les années noires de l'Occupation et qui écrirait toujours le même
livre.
« C'est faux », rétorque Denis Cosnard. « L'Occupation, et le rôle équivoque de son père pendant cette période l'ont obsédé, mais il y a une évolution constante dans son œuvre. Il a changé de regard et son style est devenu plus épuré, minimaliste », souligne à l'AFP l'auteur de 45 ans, journaliste aux Échos.
Son père était la cible de ses premiers livres. Avec le temps, il a compris qu'il n'était pas forcément un salaud et que ce père absent avait droit à de la compassion et de l'amour. Et dans son dernier roman L'Horizon, il règle ses comptes avec la figure de sa mère, qui l'a
délaissé.
Tout commence en 1968... par un mensonge. Délibéré.
Paraît alors chez Gallimard La Place de l'étoile, premier roman d'un jeune inconnu « né en 1947 ». En réalité, l'écrivain est né le 30 juillet 1945.
Pourquoi cette supercherie? Pour prendre ses distances avec la guerre ? En hommage à son frère Rudy, né en 1947, et mort en 1957...
Il ne s'explique pas mais lève le voile en 2005, dans son roman autobiographique Un pedigree : « Je suis né en 1945 d'un juif et d'une Flamande qui s'étaient connus sous
l'Occupation. »
Voilà son creuset familial : un père juif séfarade, Albert Modiano, qui vit du marché noir pendant la guerre, est arrêté et relâché, peut-être grâce à un ami haut placé de la Gestapo française... Une mère, Louisa Colpijn, ou Luisa Colpeyn, starlette flamande arrivée à Paris en juin 1942.
« Ce qui est passionnant, c'est comment il vaporise tous les éléments de sa vie dans son œuvre », poursuit le journaliste, passionné depuis l'adolescence par cet auteur d'une trentaine de romans dont Rue des boutiques obscures, Goncourt 1978.
« Ce qui frappe le plus chez Modiano, c'est sa connaissance absolue de tout ce qui se passait rue Lauriston (siège de la Gestapo française). C'est le point névralgique de son œuvre, il en parle même dans les livres qui n'ont rien à voir avec l'Occupation », relève Denis Cosnard.
« Comme lui, j'ai écumé bibliothèques et archives. Dans celles de la préfecture de police, j'ai ainsi trouvé des informations sur Eddy Pagnon, exécuté le 27 décembre 1944 », explique l'auteur. On retrouve ce personnage dans Remise de peine, Fleurs de ruine et De si braves garçons.
En revanche, rien sur son père, qui a vite quitté sa famille pour vivre en Suisse et est mort dans des circonstances troubles.
Comme le Petit Poucet, Modiano a laissé beaucoup de petits cailloux blancs dans son œuvre avec des noms, adresses et numéros de téléphone réels.
Ainsi, quand il publie en 2001 La Petite Bijou, sur une enfance ravagée, une femme s'exclame en voyant le roman en vitrine : « Mais c'est le surnom de ma mère ! » C'est aussi sa vie. Le romancier rencontre Bijou et lors de la 2e édition, adresses et noms sont
modifiés.
Pourquoi ne pas avoir contacté Modiano pour ce livre ? « Je l'avais envisagé mais son éditeur m'en a dissuadé. A posteriori, c'est mieux. Il ne se serait jamais autant livré. »
Patrick Modiano a aussi écrit des scénarios, dont celui de Lacombe Lucien, et des chansons.
Quand il était jeune, c'était aussi un grand farceur qui faisait des canulars téléphoniques. Difficile à imaginer...

(Dans la peau de Patrick Modiano - Denis Cosnard - Fayard - 280 p. - 19 euros)
Pour se glisser Dans la peau de Patrick Modiano (Fayard), le journaliste Denis Cosnard a mené une enquête minutieuse afin de démêler réalité et fiction entre les lignes d'un auteur complexe qui s'est construit une famille de papier, nourrie de ses obsessions.L'image de Modiano relève du mythe : un grand écrivain, incapable d'aligner trois mots en public, aspiré par les années noires de...

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