L'artiste Frank Gassner, un Viennois âgé de 37 ans, a voulu rendre une partie de l'espace urbain aux citoyens : « Ce qui m'intéressait, c'était de faire quelque chose dans l'espace public qui serve à tout le monde, sans visée commerciale. Ça n'existe presque plus », explique-t-il dans un entretien à l'AFP.
Sous la neige, Anna, une infirmière âgée de 59 ans qui fuit les bibliothèques, leurs cotisations et leurs délais de retour, inspecte les étagères du Brunnenmarkt à la recherche d'ouvrages médicaux. « Je viens à chaque fois que je vais au supermarché, je lis énormément », raconte-t-elle. Stefan, étudiant âgé de 24 ans, jette lui aussi régulièrement un coup d'œil à chaque fois qu'il passe au Brunnenmarkt : « Je ne cherche rien de particulier, je me laisse surprendre », s'amuse-t-il, en se rappelant du jour où il a trouvé un manuel d'utilisation pour un logiciel des années 1990.
Chaque armoire a son design particulier, adapté à son emplacement : située à un coin de rue, l'armoire de Neubau ressemble à une bibliothèque aux portes vitrées, qui penche comme pour attirer le piéton curieux. Au Brunnenmarkt, trois caissons tenus à des hauteurs différentes par des pieds métalliques occupent une petite place, près de bancs pratiques en été pour feuilleter les ouvrages. L'idée « parle à toutes les couches de la population, du jeune issu de l'immigration à la retraitée qui habite le quartier depuis des décennies », explique Irene Prieler, une architecte qui a contribué au design de l'armoire du Brunnenmarkt et s'occupe régulièrement de son entretien.
Frank Gassner a financé le projet de sa poche, préférant l'action aux longues négociations nécessaires à l'obtention de subventions ; il s'est étonné de voir que certains utilisateurs triaient et rangeaient spontanément les livres : « Les gens sont plus raisonnables qu'on ne le croit », plaisante-t-il. Et de fait, malgré les craintes de vandalisme, les deux armoires ont été épargnées par les dégradations : un seul graffiti en dix mois, un bilan qui montre le respect que suscite l'initiative. « Il n'y a de vandalisme que quand un objet ne convient pas ou ne fonctionne pas », affirme Irene Prieler.
Les armoires à livres semblent en effet bien convenir aux Viennois, car les ouvrages qu'elles contiennent se renouvellent en quasi-totalité d'une semaine à l'autre, selon Frank Gassner, la notoriété du projet dépassant désormais le cadre de la capitale autrichienne.
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