Cinq mille donateurs sont tombés sous le charme des « Trois Grâces » de Cranach

Cinq mille donateurs, de 8 à 96 ans, sont tombés sous le charme du tableau Les Trois Grâces de Lucas Cranach, permettant au Louvre de réunir en un mois la somme de 1 million d'euros qui lui manquait pour acquérir ce chef-d'œuvre de la Renaissance allemande.
« Je suis immédiatement tombée amoureuse de ce tableau, dès que je l'ai vu reproduit dans un journal », explique à l'AFP Liliane Rabec qui a donné 150 euros. « Il fallait que cette petite merveille reste en France », ajoute cette retraitée, invitée à participer à la présentation de la fin de la campagne de dons auprès du public lancée le 13 novembre par le musée.
« C'est un magnifique cadeau de Noël » pour le Louvre, a estimé Henri Loyrette, le président-directeur du musée. « Non seulement ce tableau va rejoindre nos collections, mais nous avons reçu de plus une manifestation de fidélité et d'attachement du public au musée », a-t-il déclaré.
Les Trois Grâces, petite huile sur bois réalisée en 1531 par Lucas Cranach, présente trois gracieuses jeunes femmes nues sur un fond noir.
Ce bijou appartient à une personne privée qui a proposé en 2009 au Louvre de lui vendre le tableau pour 4 millions d'euros.
Au fil des mois, le Louvre était parvenu à rassembler les trois quarts de la somme, en prenant sur ses crédits d'acquisition et grâce à deux entreprises mécènes dont le groupe d'audit et de conseil Mazars. Mais la date limite pour acheter ce « trésor national », fixée au 31 janvier, approchait, et il manquait toujours un million d'euros.
Le mécénat d'entreprise calant, et la société des Amis du Louvre ayant déjà dépensé son budget 2010 pour d'autres acquisitions, le musée s'est tourné cet automne directement vers le public.
En 1988, le Louvre avait déjà fait appel à une souscription publique afin de pouvoir acquérir Saint Thomas à la pique du peintre lorrain Georges de La Tour. Mais c'était avant l'avènement d'Internet, et elle n'avait pas eu cette ampleur.
Pour le Cranach, un site web (http ://www.troisgraces.fr) sur le thème « Tous mécènes » a été créé spécialement. Une campagne de publicité dans la presse a été lancée.
Et les dons ont afflué. En 35 jours, l'affaire était bouclée. « C'est une heureuse surprise. Nous ne pensions pas que cela serait aussi rapide », a déclaré Henri Loyrette.
« Les donateurs sont de tous âges : de huit à 96 ans », a-t-il dit. Les sommes vont de 1 euro à 40 000 euros. La moyenne des dons s'élève à 150 euros. Un quart tourne autour de 50 euros. Une dizaine de petites et moyennes entreprises et quelques fondations françaises ou étrangères ont également participé.
La moitié des dons ont été faits en ligne, l'autre moitié de façon plus traditionnelle par chèque.
Juliette Collin, qui travaille dans une société de transport, a donné 200 euros. « Le tableau est magnifique », ajoute cette femme blonde qui n'avait encore jamais donné pour une œuvre d'art. « Je suis prête à recommencer », dit-elle.
Un quart des dons sont dédiés, par exemple, à une personne disparue, à un nouveau-né, à un amour. Ils célèbrent parfois l'obtention d'un diplôme ou constituent un cadeau de Noël.
La collecte est désormais arrêtée, mais les donateurs ne sont pas oubliés. Le tableau, actuellement dans les réserves du Louvre, sera présenté du 2 mars au 4 avril, dans une salle particulière du musée. Tous les noms des donateurs y seront inscrits pendant cette durée.
Chaque donateur recevra une reproduction de l'œuvre, qui servira de laissez-passer pour venir la voir. Une visite privée sera organisée pour les donateurs au-delà de 200 euros.
Les sommes versées sont déductibles à hauteur de 66 % de l'impôt sur le revenu.