Rechercher
Rechercher

Culture - Vient de paraître

Les mots salvateurs de Zahi Wehbé

Paris vient de rendre hommage à l'œuvre poétique de Zahi Wehbé. Invité au Salon d'automne dans la Ville Lumière, après deux récitals de poésie à la Porte Champerret et à l'Espace Farabi, l'auteur de « Hiber wa Melh » (Encre et sel) s'est vu décerner une médaille. Celle de la 108e édition du Salon d'automne, section poésie.

Un poète à la sensibilité d’un écorché vif. (Michel Sayegh)

Ses poèmes ont été récités en français par Issa Makhlouf (qui en a assuré aussi la traduction avec la complicité de Vénus Khoury-Ghata) et Noël Courrier.
Pour la déclamation en langue arabe, Zahi Wehbé a sélectionné un bouquet de ses poèmes qu'il a lus à l'auditoire de sa voix de poète et d'amoureux des mots et des images sonores.
Belle consécration pour un fin lettré, homme de l'information, né en 1964, animateur et présentateur d'émissions télévisées culturelles en langue arabe, mais qui a toujours déclaré et clamé, bien haut, avec passion et véhémence, son appartenance au monde du Parnasse.
Pour que ce bonheur ne reste pas impair, parution simultanément dans les devantures des librairies à Beyrouth de son huitième et dernier recueil de poésies intitulé Kaïfa Najawt... (Comment je me suis sauvé...), Dar al-Arabia lil ouloum nacheroun, 115 pages.
Sans rimes, mais avec beaucoup de raison, de sentiment et d'émotion, Zahi Wehbé évoque son expérience de la guerre. Et le constant effleurement avec la mort dans une traversée humaine guettée par tous les dangers, mais soutenue aussi par des éclairs de bonheur.
Douze poèmes (dont le plus long est celui du titre phare de l'ouvrage) qui parlent en toute franchise et toute liberté du drame et du bonheur de vivre dans un environnement sous l'emprise de la violence. Poésie affranchie de toute prosodie contraignante, sans métrique précise, mais portée par un flot de vocables qui flottent au gré des images et se transforment en une musique singulière, insidieuse, soyeuse,
incantatoire.
Aux résonances multiples entre étoiles qui scintillent, croissant de lune transparent, prière (parfois même procès) à Dieu, solitude des arbres, tendresse pour les êtres, fraternité humaine dans la tourmente, une femme, des enfants, cette poésie aux embranchements divers a des phosphorescences résolument arabes.
Une sensibilité d'écorché vif que celle de Zahi Wehbé qui s'interroge si «le temps est départ ou retour», qui mesure que «chaque fois que la patrie se rétrécit, les passeports s'agrandissent», qui voudrait être «un pont pour les passants du vent et une lune dans la nuit des exilés», qui se garde d'être «une tempête sotte, un tonnerre creux », qui croit ferme que «le lendemain est un oiseau sur la branche» et que sourire est une bénédiction, car «Dieu est avec ceux qui sourient... »
Voilà un poète qui «a des frères qu'il ne connaît pas et qui ont poussé » comme lui sur «les rives de la douleur, qui a des enfants dans la terre occupée avec une lune bleue et un horizon bienveillant ».
Ce poète, qui voudrait être «un parfum au cou d'une femme», a mis, en toute conviction et toute loyauté, en exergue cette phrase d'Ibn Arabi: « Le plus grand imam c'est le cœur. » Le cœur et ses frémissements pour dicter la bonté, le bien, l'équité, la mansuétude et surtout l'amour.
Langue arabe fluide, simple, suave et soyeuse pour un torrent de sentiments qui vont d'une ode à la négritude, aux morts du vol 409 de l'avion éthiopien écrasé en 2010, en passant par une palette d'émotions intenses entre battements et déroute du cœur, et impitoyables affrontements avec la vie. Et fuite des griffes de la mort douce, «souriante comme un amandier», ou violente et sanguinaire sous le coup des colères incoercibles...
Pour conclure, un brin de réflexion peu surprenant de la part de ce poète à la sensibilité débordante dans ses écrits, sur la part de féminité chez l'homme. Revendication en gants de velours pour une identité qui ne refoule plus une part essentielle de soi. Pour l'émergence d'une nouvelle masculinité, loin des schémas traditionnels, voilà quelques aphorismes, quelques phrases (im)pertinentes (et bien audacieuses pour la pudibonderie du monde arabe !), en une prose poétique feutrée mais ferme, pour le prélude à une forme inédite d'harmonie entre les sexes.
Par-delà méditation, constat ou témoignage, Kaifa Najawt est sans nul doute le recueil de poèmes le plus accompli de Zahi Wehbé, car sa voix de chantre de la terre et de rescapé de la guerre est au plus profond et au plus près de lui-même.
Ses poèmes ont été récités en français par Issa Makhlouf (qui en a assuré aussi la traduction avec la complicité de Vénus Khoury-Ghata) et Noël Courrier. Pour la déclamation en langue arabe, Zahi Wehbé a sélectionné un bouquet de ses poèmes qu'il a lus à l'auditoire de sa voix de...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut