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Moyen Orient et Monde - Le point

Leur tasse de thé

C'est un homme de 86 ans qui en fait l'observation, avec une perspicacité qui force l'admiration, en ces temps de tous les aveuglements : « Il semblerait difficile à certains jeunes de réaliser à quel point la scène politique de Washington a changé ces trente dernières années. » Son auteur : Jimmy Carter, 39e président des États-Unis (1977-1981), prix Nobel de la paix 2002 et grand défenseur des causes données pour perdues d'avance. Mais que voulez-vous, un idéaliste, ça ne se refait pas.
Il déplore encore, dans son journal sur ses années à la Maison-Blanche, la polarisation de plus en plus marquée des esprits, tous les segments de la société - les pauvres, les petits bourgeois, les riches - qui en veulent à l'État, s'en méfient, s'estiment frustrés et recourent aux vitupérations pour manifester leur colère. On veut croire qu'il ne pensait pas au Tea Party en écrivant ces lignes. Et pourtant...
L'histoire retiendra que tout a commencé un 14 décembre 2008 avec l'intention manifestée par David Paterson, gouverneur de l'État de New York, d'instituer une « taxe sur l'obésité » visant les sodas. Autant parler de péché contre le Saint-Esprit dans un pays où, pour un peu, un mauvais plaisant pourrait proposer de faire figurer sur les billets de banque l'inscription « In cola we trust » sans s'attirer la colère des bien-pensants, pourtant légion. S'attaquer à LA boisson par excellence, cela revenait à donner le signal d'un armageddon en règle, déclenché par tous ceux qui voulaient ignorer l'existence, dès 2002, d'une règlementation similaire dans sept États (les deux Virginie, Washington, Rhode Island, Arkansas, Tennesse, Missouri) sans pour autant que cela fasse des remous, encore moins des bulles.
Il n'empêche, la question a pris une ampleur telle qu'aujourd'hui, le Parti républicain tremble sur ses bases, secoué par cette vaguelette qui s'est bien vite transformée en lame de fond capable, dans six semaines, de renverser le temple. La protestation a tôt fait de prendre pour cible première les caciques de la vénérable formation d'Abraham Lincoln. À la faveur des préliminaires pour la désignation des candidats à la consultation des midterms du 2 novembre prochain, ses représentants ont pris d'assaut sept États : Colorado, Nevada, Kentucky, Floride, Utah, Delaware et Alaska. Les chances sont grandes de les voir, à cette date, envoyer sept des leurs (ce chiffre, toujours...) à Capitol Hill. La véritable raclée subie dans le Delaware par un « ancien » devrait donner à réfléchir à ses pairs. Mike Castle, quarante ans de bons et loyaux services dans la chose publique, donné vainqueur dans tous les sondages avec une marge de 60 pour des voix, a subi la plus lourde défaite de sa carrière des mains d'une débutante, Christine O'Donnell, qui attribue à Thomas Jefferson une phrase, qu'il n'a jamais prononcée, à propos de la tyrannie et de la liberté.
Qu'importe si, dit-on, l'intéressée a joué les sorcières de salon et si elle est convaincue que dans certains laboratoires les souris sont nourries de restes de cerveaux humains. Qu'importe aussi si l'une des figures de proue du mouvement, l'inénarrable Sarah Palin, se targuait hier encore de « voir la Russie de sa fenêtre de Juneau », capitale de cet Alaska dont elle fut gouverneur et de savoir comme pas un chasser le caribou. L'essentiel, n'est-ce pas, est dans les résultats. Or, ces Calamity Janes et leurs pendants masculins sont en train de faire un malheur dans les sondages. En tout cas le malheur des chefs du parti de l'éléphant, bousculés par une charge qui menace de briser pas mal de porcelaine.
Et pas seulement au sein du Grand Old Party où la consigne désormais est de voter non pas pour le plus conservateur mais pour le plus à droite. Les démocrates risquent eux aussi de laisser nombre de plumes lors des prochaines partielles,visés qu'ils sont pour leurs prises de position sur la fiscalité et les soins de santé, des idées « radicales » - un qualificatif infâmant au pays de l'Oncle Sam - « qui feraient de nous les égaux des pires pays européens ». Dans le très libéral Los Angeles Times, Tim Rutten s'offusque : « Imaginez, lance-t-il à l'adresse de ses lecteurs, une Amérique sans Medicare, sans Sécurité sociale, sans les 14e et 17e amendements (sur les droits du citoyen US), ni le contrôle exercé par le pouvoir fédéral sur l'éducation et l'énergie. »
Hélas ! Tout cela, l'Américain moyen ne veut pas l'entendre, préférant prêter l'oreille aux voix des nouvelles sirènes si douces à ses oreilles en cette époque marquée par l'angoisse face aux incertitudes de l'avenir. Dans la vie de la nation américaine (des autres nations aussi), des noms ont émergé à intervalles réguliers pour exploiter les sentiments les plus primaires de leurs concitoyens. Que sont Barry Goldwater, Newt Gingrich, Ross Perrot et tant d'autres devenus ?
C'est un homme de 86 ans qui en fait l'observation, avec une perspicacité qui force l'admiration, en ces temps de tous les aveuglements : « Il semblerait difficile à certains jeunes de réaliser à quel point la scène politique de Washington a changé ces trente dernières années. » Son auteur : Jimmy...

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