L'initiative de l'administration Obama retient évidemment l'attention du monde entier, tant la plaque tournante du Moyen-Orient en conditionne les destinées. Mais même les plus optimistes pensent qu'il faudra beaucoup de temps pour commencer à progresser, et sans doute plusieurs longues années pour aboutir, tant les conditions de départ sont difficiles.
C'est bien pourquoi des dirigeants européens s'activent, selon des sources diplomatiques, pour donner un coup de pouce à la paix à travers un redémarrage prochain du volet, bien plus facile, syro-israélien. Également à Washington, comme le souhaite la Syrie elle-même malgré la tiédeur de ses rapports avec les Américains, car ils sont les seuls à pouvoir faire fléchir les Israéliens, en se faisant seconder par la France, qui a mis Jean-Claude Cousseran sur le coup. Avec possible réintroduction de l'ex-intermédiaire turc, maintenant brouillé avec Israël, mais qui veut quand même aider le processus de paix et dont l'expérience peut être utile.
Ce tableau et les perspectives qu'il présente instillent dans la situation régionale des changements larvés à caractère plutôt heurté. Dans le sillage de l'Iran, des parties libanaises critiquent violemment la reprise d'un processus de paix qu'elles qualifient, pour leur part, de capitulation arabe face à l'État hébreu. Il s'agit, on l'aura deviné, du Hezbollah, mais également du CPL. Tandis qu'au sein de la minorité, les prosyriens purs et durs, sans liens accusés avec Téhéran, se tiennent à carreau. Ils s'abstiennent de tout commentaire, de toute réaction, en attendant de voir ce que Damas compte faire.
Pour le Hezbollah comme pour le mouvement radical palestinien Hamas, « c'est seulement par la résistance armée que l'on peut arracher à l'ennemi sioniste les droits et les territoires arabes qu'il a spoliés, car il ne connaît que le langage de la force ». L'on entend ainsi le chef du bloc parlementaire du Hezbollah, Mohammad Raad, affirmer en substance que « les négociations sont un scandale que nul tintamarre de voix ne peut occulter. De même, nul ne peut se saisir de la position des Libanais et prétendre les représenter en développant une approbation aberrante de la reprise des pourparlers directs. » Il ajoute que « les protestations orchestrées autour de l'incident de Bourj Abi Haïdar ne vont pas pouvoir couvrir ces pourparlers et en détourner l'attention ». Cela en allusion à peine voilée au président du Conseil, Saad Hariri, bête noire actuelle du Hezbollah et qui accueille favorablement, quant à lui, la reprise du processus de paix.
Un point : le Hamas ne se déchaîne pas trop contre les négociations. Il doit se sentir certain qu'elles vont fatalement dans le mur, étant donné l'intransigeance de Benjamin Netanyahu. Khaled Mechaal, son chef politique, ne souhaite pas d'autre part indisposer Damas, où il est installé et qui est en attente positive par rapport aux négociations.
Les loyalistes du cru rebondissent d'ailleurs volontiers sur ce thème commode : comment le 8 Mars pourrait-il préserver sa cohésion une fois que les Syriens auraient repris langue avec les Israéliens ?