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Les forces de sécurité irakiennes restent prisonnières des logiques du conflit - Reportage

Les milices anti-Qaëda craignent des représailles après le retrait

Vendredi 13 août, Majid Hassan a eu de la chance. Il n'a été blessé qu'aux pieds par une bombe qui a pulvérisé la façade de sa maison. Mais avec le retrait américain d'Irak, ce chef d'une milice sunnite anti-el-Qaëda est persuadé que le pire est à venir.
C'était le troisième jour du ramadan, toute la famille  de Majid Hassan faisait la sieste après avoir assisté à la prière dans une mosquée de Samarra, à 110 km au nord de Bagdad. « Un homme a sauté le mur d'enceinte et posé une bombe avant de s'enfuir. J'ai eu les pieds brûlés », raconte cet agriculteur de 52 ans, dont la tribu Boubaz s'est retournée contre el-Qaëda lorsque ce réseau extrémiste a tué son chef Hikmat Moumtaz en 2006. Majid Hassan appartient aux « Fils de l'Irak », des milices initialement appelées « Sahwa » (réveil en arabe) et composées d'anciens insurgés qui ont rallié la lutte contre el-Qaëda à partir de septembre 2006, à l'instigation des chefs tribaux.
Mais avec le retrait américain, ces miliciens se sentent désormais vulnérables. Encore jeudi, six d'entre eux ont été tués et deux blessés quand des insurgés d'el-Qaëda les ont attaqués durant leur sommeil au nord-est de Bagdad. « Les terroristes nous considèrent comme "les fils des Américains" et ont juré de nous tuer tous après le départ des Américains », explique-t-il.
En avril 2009, Washington, qui les finançait, a transféré la responsabilité de ces 118 000 miliciens au gouvernement irakien qui s'était engagé à en intégrer 20 % dans ses forces de sécurité et le reste dans l'administration. Aujourd'hui, 52 000 de ces miliciens sont toujours sur le terrain dans neuf des 18 provinces irakiennes, selon Zouheïr al-Chalabi, un haut responsable irakien chargé du dossier des milices. « Le ministère de la Défense nous a demandé de retarder leur intégration dans la fonction publique car il a besoin d'eux sur le terrain », a-t-il affirmé à l'AFP. Sur les 4 800 miliciens que comptait Samarra avant avril 2009, il n'en reste que la moitié : 750 ont rejoint les forces de sécurité, 16 ont été tués et quelque 1 750 exercent un autre métier.
 « Depuis le transfert au gouvernement irakien, nous manquons de soutien et les salaires tombent irrégulièrement. Nous devons même acheter nos armes et équipement », peste Majid Abbas, chef de la milice à Samarra, ville qui abrite le mausolée chiite al-Askari détruit en 2006 et 2007 par deux attentats ayant déclenché une guerre confessionnelle. Or, selon lui, les cellules d'el-Qaëda ont récemment intensifié leurs opérations dans la province de Salaheddine. « Nous ne pourrons pas les annihiler si les Américains partent, prédit-il. Et à cause de la désinvolture du gouvernement, nous sommes une cible pour les terroristes. Pas un jour ne passe sans qu'il y ait une attaque contre nous. »
Celles-ci prennent la forme d'assassinats, de bombes, d'attaques à main armée contre des points de contrôle, voire d'attentats-suicide comme celui qui a fait 48 morts le 18 juillet près d'une base militaire à l'ouest de Bagdad, où des miliciens étaient venus toucher leur paie.
Mais pour M. Chalabi, les craintes des miliciens ne sont pas fondées car les violences étaient plus nombreuses il y a deux ans. « La guerre contre el-Qaëda est une guerre de renseignements, et nombre de ses dirigeants ont été arrêtés grâce aux tuyaux fournis par les milices », a estimé M. Chalabi. En avril, le Premier ministre Nouri al-Maliki a annoncé son intention de placer les milices au centre des efforts de renseignements contre les insurgés.

Nafia ABDEL JABBAR/AFP
C'était le troisième jour du ramadan, toute la famille  de Majid Hassan faisait la sieste après avoir assisté à la prière dans une mosquée de Samarra, à 110 km au nord de Bagdad. « Un homme a sauté le mur d'enceinte et posé une bombe avant de s'enfuir. J'ai eu les pieds brûlés », raconte cet agriculteur de 52 ans, dont la tribu Boubaz s'est retournée contre el-Qaëda lorsque ce réseau extrémiste a tué son chef Hikmat Moumtaz en 2006. Majid Hassan appartient aux « Fils de l'Irak », des milices initialement appelées « Sahwa » (réveil en arabe) et composées d'anciens insurgés qui ont rallié la lutte contre el-Qaëda...