Installé devant une impressionnante sculpture, œuvre de sa sœur Mireille Honeïn, il explique, rappelle et se souvient, oublie et fait oublier le temps, embarquant ses interlocuteurs, inconsolables déçus d'un changement avorté, dans un positivisme nécessaire. « Je n'aime pas les notions d'optimisme ou de pessimisme. Rien ne sert d'être abattu... Je n'ai pas le droit de vouloir représenter les citoyens et leurs besoins et d'être déçu, précise-t-il. Mon devoir et mon ambition sont de croire que nous pouvons changer les choses, même dans des conjonctures aussi difficiles que celles que nous traversons aujourd'hui. »
On le croyait timide, un peu frileux, car trop tolérant, trop fair-play. Il est simplement posé, mesuré, prudent. « Je ne crois pas à la guerre, mais à une révolution civilisée et pacifiste. » Un vrai « gentleman » qui déteste, par-dessus tout, les réactions impulsives et « la panique ». Au fil d'une conversation franche et intéressante qui aura duré trois heures, comme une promenade avec guide dans les dédalles des événements récents, il laisse entrevoir son côté passionné à froid. Faux calme qui surprend, au détour d'une analyse méticuleuse, en parlant de « la rage au ventre » du politicien, volontiers comparée à celle d'un boxeur sur le ring. « En politique, il faut avoir cette même révolte intérieure. »
Itinéraire d'un enfant de la politique
Son ring à lui aura été le Parlement, « là où tout se passe, tout se fait et se décide ». Un poste et une responsabilité qu'il a eu « le bonheur et la fierté » d'assumer de 2000 à 2005, avec des lois proposées, approuvées pour certaines, et une réflexion profonde et nécessaire. « Être dans la politique représente un engagement total. Le plus difficile pour moi est d'emprunter un chemin avec des personnes qui y croient et de ne pas pouvoir les mener à destination. C'est pourquoi je crois aux choses qui se construisent lentement et qui attendent la conjoncture idéale. Le capital confiance est une valeur ajoutée à ne pas gaspiller. Un projet non abouti ne sert à rien qu'à le brûler... »
L'ancien député, qui le reste intrinsèquement dans sa tête, a retrouvé son métier d'avocat depuis les décevantes dernières élections. « J'avais envie de redonner du temps au privé. Le privé ressource, surtout s'il peut servir le public. Et pas le contraire, souligne-t-il, comme cela se fait souvent... » Son temps, il tient, dit-il, à l'accorder entièrement à chacune de ses deux missions distinctes.
Les cheveux poivre et sel, le discours vrai, Salah Édouard Honein ressemble de plus en plus à son père. Le front dégagé, le sourire sincère, la distance amicale, les convictions, l'intégrité et une ambition politique saine. « J'ai vécu dans une maison qui grouillait d'idées, de Libanais qui exprimaient leurs besoins, leurs rêves et leurs problèmes. Je me suis réveillé dans cet environnement. J'ai appris spontanément à les écouter et à en faire ma priorité. Cette responsabilité est devenue, très tôt, partie intégrante de ma personnalité. Sans se rendre compte, on devient un jour prêt à l'assumer et répondre à l'attente des autres. »
Et lorsqu'on lui demande de dresser le portrait idéal d'un président idéal, dans un monde bien évidemment idéal, il répond : « Qu'on puisse le regarder droit dans les yeux sans qu'il n'y ait rien à dire sur ses actions passées. Qu'il possède une vision claire, de la volonté, du courage, de la droiture pour pouvoir contribuer à être un bâtisseur de société. »
Un ange passe...