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Économie - Liban - Enquête

Festivals : aucune fausse note, mais des finances bien fragiles...

Malgré des résultats corrects ces deux dernières années, grâce à l'engouement du public libanais, la situation financière des festivals demeure très précaire.

Contrairement aux idées recues, les festivals libanais sont souvent déficitaires, et ce en dépit du niveau élevé de participation. Photo d’archives

Mika, Gorillaz, Il Divo, Diana Krall, Caetano Veloso ou même les joyeux drilles des Chicago Blues. Les festivals de l'été 2010 ont réussi à attirer des grosses pointures internationales au Liban. Le budget des plus grands festivals a parfois atteint 3 millions de dollars comme à Beiteddine, avec des cachets versés aux musiciens pouvant aller jusqu'à 500 000 dollars. Un record. « L'année dernière était un très bon cru et l'édition 2010 prend le même chemin », explique le producteur du Festival de Byblos, Nagi Baz. « Nous avons enregistré une augmentation du public d'environ 50 % ces dernières années », soutient May Arida, directrice du Festival de Baalbeck.
Grâce à un public fidèle et toujours à la page mais aussi à un choix d'artistes très varié, l'audience des festivals n'a en effet cessé de s'élargir. « Nous remplissons en moyenne 70 à 80 % de nos 4 200 places, affirme Nora Joumblatt, la directrice du Festival de Beiteddine. » « Cette année, le taux de remplissage a été très inégal, de 50 % pour Caetano Veloso à 100 % pour Gorillaz », précise toutefois Nagi Baz.
La vente des billets, si elle est la principale source de financement, ne suffit pas pour réaliser l'équilibre financier, d'autant plus que les billets d'invitation représentent parfois une part conséquente des places occupées. Les partenaires et les sponsors jouent donc un rôle indispensable. Ils contribuent généralement à hauteur de 15 à 30 % aux recettes des festivals. « Sponsoriser une soirée revient environ entre 10 000 et 15 000 dollars. La participation des sponsors varie toutefois selon les crises financières et politiques », explique Safa Saidi, responsable des finances au sein du Festival de Beiteddine.
Pour garantir un meilleur équilibre financier et développer davantage leurs activités, les festivals devraient ainsi pouvoir compter sur les subventions versées par l'État, mais c'est là que le bât blesse.

« L'État nous prend plus qu'il ne nous donne ! »
« Les subventions sont versées de manière aléatoire et avec du retard », explique Nagi Baz. La loi prévoit que l'État doit verser aux festivals des sommes équivalant à 30 % de leur budget prévisionnel, établi en début d'année. « En fait, nous ne recevons que 20 à 25 % de subventions et leur attribution dépend de décisions politiques ou d'influence. Dans un festival comme Avignon en France, les différentes aides, des collectivités ou du ministère de la Culture, couvrent jusqu'à 60 % des dépenses », explique Safa Saidi. « Nous avons seulement reçu en 2009 les subventions de l'année 2005 », renchérit Zalfa Boueiz, la présidente du Festival de Zouk.
En outre, l'État prélève des taxes qui pénalisent les festivals. « Au final, l'État nous prend plus qu'il ne nous donne ! » s'exclame Nora Joumblatt. Les taxes sont diverses : la TVA de 10 % sur chaque billet, la taxe de 2 % pour la mutuelle des artistes libanais, une taxe de 7,5 % sur les contrats conclus avec les artistes étrangers, la taxe de 3 % pour la branche libanaise de la Sacem - la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique -, les taxes municipales de 5 %, les frais des visas des artistes étrangers (environ 100 dollars pour chaque artiste qui entre sur le territoire libanais), l'impôt sur le revenu du festival... « L'État paie 30 % du coût des festivals et reprend en taxes 42,5 % ! » affirme May Arida.
Résultat, les festivals libanais sont souvent déficitaires, et la situation politique désastreuse des dernières années n'a franchement pas aidé. « Même si nous avons atteint l'équilibre financier ces deux dernières années, nous traînons encore la dette des années précédentes, notamment 2006, où nous avons essuyé 350 000 dollars de pertes sèches », explique Safa Saidi. Sur les cinq dernières années, les pertes ont représenté en moyenne environ 10 % du budget total, et chaque année le festival doit s'endetter auprès des banques, avec des taux d'intérêt de 9 à 10 %. C'est un cercle vicieux très dangereux, poursuit la responsable des finances au Festival de Beiteddine. L'année dernière, le Festival de Byblos a essuyé environ 100 000 dollars de pertes, presque le double pour le Festival de Zouk.
Face à ces difficultés, les festivals sont parfois amenés à augmenter le prix de leurs billets pour pouvoir attirer des artistes de renom. « Cette année, nous avons légèrement augmenté le prix des places les plus chères, car il existe une clientèle entre 80 et 200 dollars », explique Safa Saidi. À Byblos, la quasi-totalité des premiers prix démarrait à 40 dollars. « Nous sommes conscients qu'il existe une réalité économique, et que les Libanais ne peuvent pas payer des places de concert au-delà d'une certaine limite. C'est pourquoi l'État doit impérativement jouer son rôle pour aider les festivals », explique Nagi Baz.
« L'État doit comprendre qu'il ne suffit pas de développer des hôtels, des restaurants ou des plages, mais que les touristes recherchent autre chose. Aider les festivals fait partie d'une politique globale visant à faire du Liban une destination dans la région », renchérit Zalfa Boueiz.
Ce soutien est d'autant plus important que les festivals représentent un vrai coup de pouce pour la ville ou la localité qui les accueille. « Sur la durée du Festival de Byblos, nous créons jusqu'à un millier d'emplois chaque année », assure Nagi Baz. « Nous logeons tous nos artistes dans les hôtels de la région et les festivaliers dînent dans les restaurants des alentours. Ces festivals contribuent ainsi dans une certaine mesure au développement durable », conclut May Arida.
Mika, Gorillaz, Il Divo, Diana Krall, Caetano Veloso ou même les joyeux drilles des Chicago Blues. Les festivals de l'été 2010 ont réussi à attirer des grosses pointures internationales au Liban. Le budget des plus grands festivals a parfois atteint 3 millions de dollars comme à Beiteddine, avec des cachets versés aux musiciens pouvant aller...

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