Q - L'Iran est sous le coup de quatre résolutions assorties de sanctions. Le renforcement progressif des sanctions contre ce pays peut-il infléchir son programme nucléaire et sa politique sur cette question ?
R - « Si l'objectif des sanctions est que l'Iran arrête son programme d'enrichissement d'uranium, je ne pense pas que cela va marcher. Pour l'instant, les sanctions qui ont le plus pesé sur l'économie iranienne sont les pressions américaines sur les banques européennes pour qu'elles arrêtent de travailler avec l'Iran. En outre, le coût économique des sanctions ne va pas par lui-même conduire à un arrêt de ce programme nucléaire car elles ne vont pas empêcher l'économie de fonctionner. L'économie iranienne est une économie pétrolière (les exportations de pétrole représentent 80 % des exportations), ce qui lui assure un montant de devises suffisant pour importer les biens nécessaires. Par ailleurs, ces sanctions pèsent sur la classe moyenne iranienne. Elles pèsent en effet surtout sur le secteur privé iranien, qui doit travailler avec des banques de second rang pour financer ses importations ou ses opérations d'exportation, ce qui augmente ses coûts. Donc les sanctions contribuent plutôt à affaiblir la classe moyenne, qui est pourtant l'élément moteur derrière toute la modernisation de la société iranienne depuis 30 ans. »
Q - Quel peut être l'impact du dernier train de sanctions, notamment de celles concernant l'industrie pétrolière et gazière de l'Iran et de celles concernant les armements lourds ?
R - « Vous faites sans doute référence au projet européen d'interdire les nouveaux investissements dans le secteur pétrolier et gazier iranien. Là aussi, je ne crois pas que ces mesures vont changer quoi que ce soit. L'industrie pétrolière et gazière iranienne souffre d'un sous-investissement chronique depuis des années qui l'a empêché de développer de nouvelles capacités de production, notamment en matière gazière. Néanmoins, la National Iranian Oil Company dispose d'assez de capitaux (grâce aux revenus pétroliers) et de savoir-faire pour assurer la maintenance des champs pétrolifères existants. De plus, un certain nombre d'entreprises pétrolières asiatiques (malaysiennes, par exemple) disposent d'un véritable savoir-faire et peuvent prendre la place des entreprises européennes. En résumé, ces sanctions ne changeront rient à court terme, mais peuvent affecter à long terme les capacités de développement de l'industrie pétrolière et gazière iranienne. On ne voit pas pourquoi ces sanctions feront changer d'avis le gouvernement iranien dans les prochains mois. »
Q - Un certain nombre de sanctions sont censées viser les gardiens de la révolution. Dans quelle mesure ces derniers en sont-ils réellement affectés ?
R - « Ces sanctions peuvent les gêner dans la mesure où les dirigeants et les compagnies visés auront du mal à avoir accès au système financier international. Mais là encore, ceux qui croient à l'efficacité de cette arme se trompent totalement. On ne connaît que très imparfaitement le réseau économique et financier des pasdarans. Ces derniers ont donc énormément de moyens pour contourner les sanctions. De plus, il leur suffit de racheter des entreprises qui ne sont pas concernées par les sanctions pour continuer à développer leurs activités dans le secteur économique. Enfin, une grande partie des activités économiques des pasdarans concerne celles de la construction qui sont financées par les recettes budgétaires du gouvernement. Les sanctions n'ont donc aucun effet sur ces activités. En fait, la véritable opposition au développement des activités économiques des pasdarans vient surtout d'Iran où un certain nombre de parlementaires ont remis en cause l'acquisition par les pasdarans de la Iran Telecommunication Company, la plus grosse entreprise iranienne de télécommunications. »
Q - Plus précisément, comment la population iranienne est-elle pénalisée par les sanctions ?
R - « Le fait que les entreprises iraniennes aient maintenant des difficultés pour financer leurs opérations se traduit par une hausse des coûts pour ces entreprises. Par exemple, une compagnie paiera plus cher son crédit car elle doit travailler avec une banque de second rang. Cela se traduira par une légère hausse des prix, qui affectera directement la population, notamment les plus pauvres. Toutefois, cet impact reste marginal. Le principal responsable des tensions inflationnistes en Iran ces dernières années est le gouvernement iranien lui-même, qui a injecté trop de pétrodollars dans l'économie, notamment durant la période 2005-2007.
Par ailleurs, la population iranienne souffre depuis 30 ans de l'impact de l'embargo américain, notamment en matière d'équipement aéronautique. Le gouvernement iranien, qui ne peut pas renouveler sa flotte aérienne du fait de cet embargo, a dû acheter des avions en provenance de Russie. Une politique qui a pu conduire à un certain nombre d'accidents ces dernières années.
Les dernières sanctions prises par les États-Unis semblent aussi avoir des effets directs sur la population iranienne. Suite aux sanctions américaines votées fin juin par le Congrès et le Sénat, BP a refusé de fournir du carburant à des avions d'Iran Air à Dubaï. On peut noter plus généralement que les sanctions américaines qui visent à perturber l'approvisionnement en essence de l'Iran ciblent directement la population iranienne.
Enfin, du fait de ces sanctions, l'organisation qui organise les tests de TOEFL a décidé d'arrêter ses activités.
Encore une fois, ces sanctions sont inefficaces mais visent directement la population iranienne. En fait, l'objectif est clairement d'accroître les tensions politiques internes en Iran. On peut donc dire que ces mesures ne sont absolument pas des "smart sanctions" . Elles sont en outre complètement en contradiction avec les discours d'apaisement d'Obama vis-à-vis de la société iranienne. Enfin, elles sont contre-productives, car elles affaiblissent la classe moyenne iranienne et permettent au gouvernement de jouer sur le nationalisme pour conforter une légitimité en chute libre. Plus l'Iran est isolé du monde extérieur, plus les membres les plus radicaux du régime iranien sont contents car cela va dans le sens de leur politique visant à préserver l'Iran d'une influence occidentale qu'ils jugent néfaste. »
Q - Moscou a récemment dénoncé les sanctions annoncées par l'Union européenne, sanctions plus dures que celles prévues par la résolution 1929. Le 14 juillet 2010, le ministre russe de l'Énergie a annoncé une « feuille de route » qui pourrait permettre à la Russie de fournir à Téhéran des produits pétroliers. Quel est l'impact de cette décision sur la politique de sanctions contre l'Iran ?
R - « Je pense que l'UE joue un jeu dangereux avec l'Iran. L'accord sur le nucléaire entre l'Iran, la Turquie et le Brésil est la preuve qu'il est possible de négocier avec l'Iran. On voit mal pourquoi de nouvelles sanctions devraient rendre plus faciles ces pourparlers. On a l'impression que les Européens et les Américains passent plus de temps à négocier entre eux et avec les Chinois et les Russes pour imposer des sanctions à l'Iran qu'à véritablement négocier avec ce pays sur le dossier du nucléaire. »
R - « Si l'objectif des sanctions est que l'Iran arrête son programme d'enrichissement d'uranium, je ne pense pas que cela va marcher. Pour l'instant, les sanctions qui ont le plus pesé sur l'économie iranienne sont les pressions américaines sur les banques européennes pour qu'elles arrêtent de travailler avec l'Iran. En outre, le coût économique des sanctions ne va pas par lui-même conduire à un arrêt de ce programme nucléaire car elles ne vont pas empêcher l'économie de fonctionner. L'économie iranienne est une économie pétrolière (les exportations de pétrole représentent 80 % des exportations), ce qui lui assure un montant de devises suffisant pour importer les biens nécessaires. Par ailleurs, ces sanctions pèsent sur la classe moyenne iranienne. Elles pèsent en effet surtout sur le secteur privé iranien, qui doit travailler avec des banques de second rang pour financer ses importations ou ses opérations d'exportation, ce qui augmente ses coûts. Donc les sanctions contribuent plutôt à affaiblir la classe moyenne, qui est pourtant l'élément moteur derrière toute la modernisation de la société iranienne depuis 30 ans. »
Q - Quel peut être l'impact du dernier train de sanctions, notamment de celles concernant l'industrie pétrolière et gazière de l'Iran et de celles concernant les armements lourds ?
R - « Vous faites sans doute référence au projet européen d'interdire les nouveaux investissements dans le secteur pétrolier et gazier iranien. Là aussi, je ne crois pas que ces mesures vont changer quoi que ce soit. L'industrie pétrolière et gazière iranienne souffre d'un sous-investissement chronique depuis des années qui l'a empêché de développer de nouvelles capacités de production, notamment en matière gazière. Néanmoins, la National Iranian Oil Company dispose d'assez de capitaux (grâce aux revenus pétroliers) et de savoir-faire pour assurer la maintenance des champs pétrolifères existants. De plus, un certain nombre d'entreprises pétrolières asiatiques (malaysiennes, par exemple) disposent d'un véritable savoir-faire et peuvent prendre la place des entreprises européennes. En résumé, ces sanctions ne changeront rient à court terme, mais peuvent affecter à long terme les capacités de développement de l'industrie pétrolière et gazière iranienne. On ne voit pas pourquoi ces sanctions feront changer d'avis le gouvernement iranien dans les prochains mois. »
Q - Un certain nombre de sanctions sont censées viser les gardiens de la révolution. Dans quelle mesure ces derniers en sont-ils réellement affectés ?
R - « Ces sanctions peuvent les gêner dans la mesure où les dirigeants et les compagnies visés auront du mal à avoir accès au système financier international. Mais là encore, ceux qui croient à l'efficacité de cette arme se trompent totalement. On ne connaît que très imparfaitement le réseau économique et financier des pasdarans. Ces derniers ont donc énormément de moyens pour contourner les sanctions. De plus, il leur suffit de racheter des entreprises qui ne sont pas concernées par les sanctions pour continuer à développer leurs activités dans le secteur économique. Enfin, une grande partie des activités économiques des pasdarans concerne celles de la construction qui sont financées par les recettes budgétaires du gouvernement. Les sanctions n'ont donc aucun effet sur ces activités. En fait, la véritable opposition au développement des activités économiques des pasdarans vient surtout d'Iran où un certain nombre de parlementaires ont remis en cause l'acquisition par les pasdarans de la Iran Telecommunication Company, la plus grosse entreprise iranienne de télécommunications. »
Q - Plus précisément, comment la population iranienne est-elle pénalisée par les sanctions ?
R - « Le fait que les entreprises iraniennes aient maintenant des difficultés pour financer leurs opérations se traduit par une hausse des coûts pour ces entreprises. Par exemple, une compagnie paiera plus cher son crédit car elle doit travailler avec une banque de second rang. Cela se traduira par une légère hausse des prix, qui affectera directement la population, notamment les plus pauvres. Toutefois, cet impact reste marginal. Le principal responsable des tensions inflationnistes en Iran ces dernières années est le gouvernement iranien lui-même, qui a injecté trop de pétrodollars dans l'économie, notamment durant la période 2005-2007.
Par ailleurs, la population iranienne souffre depuis 30 ans de l'impact de l'embargo américain, notamment en matière d'équipement aéronautique. Le gouvernement iranien, qui ne peut pas renouveler sa flotte aérienne du fait de cet embargo, a dû acheter des avions en provenance de Russie. Une politique qui a pu conduire à un certain nombre d'accidents ces dernières années.
Les dernières sanctions prises par les États-Unis semblent aussi avoir des effets directs sur la population iranienne. Suite aux sanctions américaines votées fin juin par le Congrès et le Sénat, BP a refusé de fournir du carburant à des avions d'Iran Air à Dubaï. On peut noter plus généralement que les sanctions américaines qui visent à perturber l'approvisionnement en essence de l'Iran ciblent directement la population iranienne.
Enfin, du fait de ces sanctions, l'organisation qui organise les tests de TOEFL a décidé d'arrêter ses activités.
Encore une fois, ces sanctions sont inefficaces mais visent directement la population iranienne. En fait, l'objectif est clairement d'accroître les tensions politiques internes en Iran. On peut donc dire que ces mesures ne sont absolument pas des "smart sanctions" . Elles sont en outre complètement en contradiction avec les discours d'apaisement d'Obama vis-à-vis de la société iranienne. Enfin, elles sont contre-productives, car elles affaiblissent la classe moyenne iranienne et permettent au gouvernement de jouer sur le nationalisme pour conforter une légitimité en chute libre. Plus l'Iran est isolé du monde extérieur, plus les membres les plus radicaux du régime iranien sont contents car cela va dans le sens de leur politique visant à préserver l'Iran d'une influence occidentale qu'ils jugent néfaste. »
Q - Moscou a récemment dénoncé les sanctions annoncées par l'Union européenne, sanctions plus dures que celles prévues par la résolution 1929. Le 14 juillet 2010, le ministre russe de l'Énergie a annoncé une « feuille de route » qui pourrait permettre à la Russie de fournir à Téhéran des produits pétroliers. Quel est l'impact de cette décision sur la politique de sanctions contre l'Iran ?
R - « Je pense que l'UE joue un jeu dangereux avec l'Iran. L'accord sur le nucléaire entre l'Iran, la Turquie et le Brésil est la preuve qu'il est possible de négocier avec l'Iran. On voit mal pourquoi de nouvelles sanctions devraient rendre plus faciles ces pourparlers. On a l'impression que les Européens et les Américains passent plus de temps à négocier entre eux et avec les Chinois et les Russes pour imposer des sanctions à l'Iran qu'à véritablement négocier avec ce pays sur le dossier du nucléaire. »
Q - L'Iran est sous le coup de quatre résolutions assorties de sanctions. Le renforcement progressif des sanctions contre ce pays peut-il infléchir son programme nucléaire et sa politique sur cette question ?R - « Si l'objectif des sanctions est que l'Iran arrête son programme d'enrichissement d'uranium, je ne pense pas que cela va marcher. Pour l'instant,...
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