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Liban

Oui à la diversité culturelle

Tout individu est confronté à sa propre différence culturelle dès son enfance.
Nous avons tous fait ce qu’Amin Maalouf appelle notre « examen d’identité » en mettant en relief nos similitudes et nos différences dès notre plus jeune âge : origine familiale et géographique, environnement social et culturel, religion, éducation, idéologies, langues pratiquées, mœurs…
Chacun de nous a identifié sa « différence culturelle » avec arrogance, indifférence ou honte. Puis, influencé par ses voyages, ses lectures, son voisinage,   chacun de nous a opté pour le repli, le refus de l’autre, ou l’ouverture et la tolérance.
En tant que Libanais, nous sommes tous les jours témoins de cette diversité culturelle qui est une des spécificités de notre pays.
Aujourd’hui, après la chute des grands courants idéologiques, entre communisme et arabisme, nous nous retrouvons face à des courants religieux et des revendications d’identités communautaires. Comment protéger les intérêts culturels de chacun, ces appartenances qui touchent chaque recoin de notre vie quotidienne, sans qu’un groupe ne veuille imposer sa vision ? Ainsi, en ne cherchant ni à convertir ni à se convertir, il nous reste à trouver le moyen de militer pour le maintien puis le développement de cette diversité culturelle en mettant en exergue la richesse des différences, en apprenant à bien connaître l’autre, à dialoguer, respecter ces différences et surtout garantir la réciprocité de ce respect. En revanche, alimenter les divisions culturelles ne peut être que source de conflits. Dans un pays où l’on sursaute encore lorsqu’une porte claque, la peur de l’autre devient paranoïa et la méfiance prend le pas sur le dialogue. Si la culture se présente comme un rapport de forces, un défi, nous aboutirons à la confrontation.  Si,  en revanche, nous rechercherons cohabitation et harmonie, nous pourrons envisager un État-nation où la diversité fera partie d’un nouveau pacte national. C’est dans ce sens que j’ai préféré occulter le mot résistance.
À titre d’exemple, il y a quelques jours, la presse relevait l’absence d’alcool dans certains restaurants de la capitale et de Saïda ; autour du même sujet, un matraquage de mails dénonçait la décision d’une chaine de grande surface à capitaux arabes (ex-Monoprix) d’avoir relégué la vente spiritueux dans un lieu isolé du magasin… Des constatations qui ont très vite tourné aux slogans électoraux pour nourrir la menace d’un changement culturel. D’autres sujets sensibles sont souvent pointés du doigt, comme la tenue vestimentaire des femmes qui oscille du port du voile à celui de la minijupe, ou la possibilité d’imposer la fermeture les vendredis à la place des dimanches. Cela n’est que la partie visible de l’iceberg car les différences fondamentales se situent dans le statut personnel qui diffère totalement d’une communauté à l’autre, et plus spécifiquement en ce qui concerne les droits de la femme. On se souvient aussi de la proposition du président Hraoui d’instaurer le mariage civil facultatif qui a suscité une opposition farouche de la part des religieux.
Côté mœurs, même constatation : au succès de la nouvelle revue intellectuelle Jassad dans laquelle l’écrivain Joumana Haddad traite des problèmes sexuels, s’opposent les relations étroites d’une tranche de la population libanaise avec les mollah iraniens ou l’islamisme provenant d’Arabie. Les concepts moraux font le grand écart… Sans oublier le rôle de la censure qui s’applique aux films, livres ou pièces de théâtre au gré de l’appartenance politique ou communautaire du censeur ou du ministre concerné.
Le journaliste Georges Naccache, dans son célèbre éditorial de 1947 « deux négations ne font pas une nation », décrivait un Liban qui ne voulait « ni Occident ni arabisation… Ce qu’une moitié des Libanais ne veut pas, on le voit très bien, écrivait-il. Ce que ne veut pas l’autre moitié, on le voit également très bien. Mais ce que les deux moitiés veulent en commun, c’est ce qu’on ne veut pas ».
Ces propos qui s’appliquent tout autant à la politique qu’à la culture sont toujours, soixante ans plus tard, d’une brûlante actualité. Et le doigt accusateur désigne inévitablement nos dirigeants. Aujourd’hui, nous leur redemandons d’être suffisamment éclairés pour aller à la recherche de ces dénominateurs communs tout en revalorisant la diversité.
Témoin de notre histoire et acteur de la mondialisation, Carlos Ghosn, PDG de  Nissan et Renault, expliquait lors d’une conférence au « Women’s Forum » de Deauville que la diversité était essentielle  pour la réussite d’une entreprise. Diversité à tous les niveaux : race, sexe, origine social et géographique, éducation, culture, âge. Des diversités qu’il fallait retrouver du sommet au bas de la pyramide. Il a précisé qu’étant d’origine libanaise il connaissait bien toutes les nuances du sujet, et son pays, malgré ses remous, était un exemple de diversité et n’existait qu’à travers ses diversités.
Au Liban, si la diversité culturelle fait donc partie de notre patrimoine, il ne suffit plus de la constater mais d’agir pour la promouvoir et la développer. Elle prend sa source dans l’héritage culturel, mais regarde aussi vers l’avenir, le progrès, le développement durable. Cette promotion passe par les mots et par l’image. En tant que militants dans la presse, nous nous considérons acteurs de cette communication.
Protéger cette diversité et encourager l’exercice des droits culturels est une prise de conscience universelle relativement récente. C’est ce qu’on fait à l’Unesco en lui consacrant une convention spécifique que la communauté européenne a ratifiée en 2006. Et pour que ces mesures soient appliquées, il faut choisir ses élus en fonction de leur regard sur cette diversité. Leur devoir sera de lutter pour relever le niveau de vie et le niveau d’éducation des citoyens dans les régions défavorisées afin d’empêcher l’endoctrinement partisan qui pratique le lavage de cerveau et qui incite à la haine, donc au conflit. Les élus devront aussi favoriser l’émergence d’un secteur culturel dynamique et renforcer les liens entre culture et développement. Les industries culturelles (le livre, la télévision, le cinéma, les arts…), moteur essentiel de cette diversité, ont besoin de législation et de soutien financier pour prendre leur élan. Les partenariats et les coopérations locales et régionales servent aussi de tremplin. C’est ainsi que le visage politique et économique du pays redéfinira le visage culturel et son orientation.
Jusqu’au jour, nous avons encore la chance de fonctionner démocratiquement, et les urnes sont le premier lieu où s’exprime cette démocratie. Dépassons nos règlements de comptes personnels, nos calculs de boutiquier et nos réactions émotives, lisons entre les lignes les discours politiques et choisissons en fonction de nos idéologies et notre concept de vie ceux qui auront la difficile tâche et la volonté réelle de concilier pluralité identitaire et culturelle avec existence d’une nation, où le citoyen restera libre.
Tout individu est confronté à sa propre différence culturelle dès son enfance.Nous avons tous fait ce qu’Amin Maalouf appelle notre « examen d’identité » en mettant en relief nos similitudes et nos différences dès notre plus jeune âge : origine familiale et géographique, environnement social et culturel,...

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