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Moyen Orient et Monde - Le point

Bombes à retardement

Mordehaï Vanunu purge depuis dimanche une peine de prison - encore une - de trois mois. Presque au même moment (l'actualité a de ces clins d'œil...), Washington enfourchait de nouveau son blanc destrier pour partir en guerre contre ces Iraniens, décidément infréquentables avec leur prétention à acquérir la technologie nucléaire à des fins pacifiques, prétendent-ils, mais comment les croire ? Cette question semble être le nouvel objet de la croisade US contre les armes de destruction massive, ce monstre du Loch Ness, hier indétectable dans le désert mésopotamien, mais qui commencerait à pointer du nez à Bouchehr, Natanz, Arak, Tabas ou Karaj.
Ici, un procès d'intention doublé d'une injonction, « Prouvez que vous êtes innocents » ; là, un homme contre lequel la justice s'acharne, coupable à ses yeux d'avoir révélé en 1986 au journal anglais The Sunday Times, documents à l'appui dont des photographies prises à l'intérieur des sites, le secret le moins bien gardé de la planète. Kidnappé en Italie par les James Bond de son pays, drogué et rapatrié dans le plus grand secret, l'homme sera jugé à huis clos et incarcéré dix-huit ans durant. Libéré en 2004, il recommencera, notoire récidiviste, à goûter aux joies des prisons israéliennes à plusieurs reprises, la dernière fois ce week-end pour avoir conversé, dans un hôtel de Jérusalem, avec sa compagne norvégienne alors que les conditions de sa libération lui interdisaient, dans ce paradis de la démocratie, tout contact avec des étrangers. Au moment de son arrestation, il aura cette apostrophe : « Honte à vous, Israël, stupide Shin Beth et espions du Mossad qui me renvoyez en prison après vingt-quatre années pour seul motif que j'ai proclamé la vérité ! »
Point d'orgue de cette drôle de partition en forme de cacophonie, il y a le démenti opposé par l'État hébreu aux révélations du Guardian de Londres sur la curieuse transaction, qui faillit aboutir en 1975, portant sur la fourniture contre espèces sonnantes et trébuchantes, à une Afrique du Sud encore à l'ère de l'apartheid, de matériel militaire hautement sophistiqué. Présent à la réunion du 31 mars de cette année, le chef d'état-major de Pretoria, le lieutenant-général R. F. Armstrong, devait élaborer un mémo détaillant les avantages d'une telle transaction à condition que les huit missiles Jéricho en question soient dotés de têtes nucléaires.L'affaire demeura sans suite pour un différend sur le coût de l'opération. Il n'empêche, la collaboration entre les deux pays avait encore de beaux jours devant elle puisqu'il y eut par la suite la fourniture d'uranium sud-africain pour alimenter les centrales de Dimona, dans le désert du Néguev. Le pot-aux-roses a été découvert par un universitaire américain, Sasha Polakow-Suransky, dans le cadre de ses recherches sur un livre paru cette semaine sous le titre The Unspoken Alliance. Comme on pouvait s'y attendre, le bureau de Shimon Pérès, ministre de la Défense de l'époque, aujourd'hui chef de l'État et aussi, ne pas l'oublier, Prix Nobel de... la paix, a formellement démenti ces informations « erronées et sans fondement ». Désormais, les estimations sur l'arsenal israélien varient entre 60 et 200 « bombinettes » sans pour autant que le principal intéressé s'avise de confirmer ou de démentir la nouvelle, préférant maintenir un flou qui lui a fort bien réussi jusqu'à présent. Tout comme nul ne songe à lui reprocher de ne pas avoir signé, d'ailleurs imité en cela par l'Inde et le Pakistan, le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires conclu le 1er juillet 1968. Comme quoi ce qui est bon pour les puissances grandes ou moins grandes ne l'est pas nécessairement pour Tel-Aviv. Mais passons.
Autre ironie du sort : des documents saisis par les « étudiants » iraniens lors de l'assaut et de l'occupation de l'ambassade américaine, après la révolution khomeyniste de février 1979, il apparaît que le régime du chah s'était adressé lui aussi au même fournisseur pour se doter de l'arme suprême. Retour à la République islamique donc : ayant remis à l'Agence internationale de l'énergie atomique la lettre officialisant ce que l'on appelle depuis l' « accord de Téhéran », conclu avec le Brésil sous l'égide de la Turquie, le régime de Ali Khamenei menace maintenant d'y renoncer si de nouvelles sanctions venaient à le frapper. Voilà un nouveau casse-tête pour les cinq Grands, rejoints par l'Allemagne, qui se préparent à passer à la vitesse supérieure pour étrangler un peu plus l'insolent qui prétend jouer dans leur cour.
Écoutons Benjamin Nentanyahu, interrogé il y a peu par George Stephanopoulos dans le programme de télévision Good Morning America : « Les Iraniens pourraient fournir à des terroristes un bateau chargé d'une bombe A qui s'en viendrait menacer Manhattan, un port européen et même Israël. » Impayable Bibi.
Mordehaï Vanunu purge depuis dimanche une peine de prison - encore une - de trois mois. Presque au même moment (l'actualité a de ces clins d'œil...), Washington enfourchait de nouveau son blanc destrier pour partir en guerre contre ces Iraniens, décidément infréquentables avec leur prétention à acquérir la technologie...

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