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Moyen Orient et Monde - Interview

L’ancien garde du corps de Ben Laden témoigne

« Dans l'ombre de Ben Laden, révélations de son garde du corps repenti » : le nouvel opus de Georges Malbrunot, grand reporter au « Figaro », vient de sortir en France aux éditions Michel Lafon.

C'est en mai 2009, pendant un reportage au Yémen pour Le Figaro, que Georges Malbrunot rencontre, pour la première fois, Nasser el-Bahri, alias Abou-Jandal, ancien garde du corps d'Oussama Ben Laden. « Quand l'article est paru, Michel Lafon m'a contacté pour me proposer d'écrire un livre à ce sujet, explique Malbrunot à L'Orient-Le Jour. Je l'ai alors rencontré à nouveau pendant deux semaines en août et en octobre 2009. »
Dans ce témoignage inédit, l'homme chargé de protéger Oussama Ben Laden de 1996 à 2000 raconte son expérience auprès du chef et fondateur du réseau terroriste d'el-Qaëda. Saoudien d'origine yéménite, comme Ben Laden, Nasser el-Bahri a côtoyé le noyau central du groupe terroriste, et à ce titre, son témoignage fut capital après les attentats du 11 septembre 2001, alors qu'il avait quitté le réseau.
Malbrunot révèle qu'après les attentats de Nairobi et Dar es-Salaam, début août 1998, el-Bahri a reçu pour mission de tuer Ben Laden pour ne pas tomber aux mains des Américains. Cette « relation de confiance » prit fin en août 2000, au lendemain d'une mission ratée d'Abou-Jandal, consistant à étudier la possibilité de relocaliser el-Qaëda en Somalie en cas de rupture avec les talibans.
« Ben Laden lui ayant reproché d'avoir failli à sa mission et de n'avoir pas été discret, Abou-Jandal décide de quitter el-Qaëda », raconte Malbrunot. Sur le chemin du retour, il s'arrête à Karachi et il est hébergé dans la maison de Khaled Cheikh Mohammad, le cerveau des attentats du 11 septembre. « Il y voit Mohammad Atta et les autres exécutants du 11 septembre jouer avec la "Play station"? aux avions s'écrasant sur des immeubles. » À la question de savoir si Abou-Jandal était au courant des préparatifs des attentats du 11 septembre, Malbrunot répond : « Non, Abou-Jandal ne s'est pas douté de ce qui se préparait. C'est après les attentats qu'il s'est remémoré cette image. »

Et que s'est-il passé après qu'il eut quitté el-Qaëda ?
Il est rentré au Yémen en septembre 2000. Trois semaines après, Ben Laden lui envoie son beau-frère pour le récupérer. Cinq jours plus tard, il y eut l'attentat contre le USS Cole. Le beau-frère repart en Afghanistan, et les Yéménites traquent Abou-Jandal. Il se réfugie dans sa tribu pendant quatre mois, mais la pression est telle qu'il cherche à retourner en Afghanistan. À l'aéroport, il se fait attraper par les autorités yéménites et il est mis en prison.

Il était donc en prison lors des attentats contre le World Trade Center ?
Oui, il avait vaguement entendu parler d'un attentat aux États-Unis. Le 15 septembre 2001, il est interrogé par le FBI car c'était l'un des rares à savoir beaucoup de choses sur el-Qaëda. L'interrogateur du FBI lui présente des photos et Abou-Jandal reconnaît Mohammad Atta et fait le lien avec Ben Laden. Il a livré beaucoup d'informations d'une importance capitale. Ali Soufan (agent spécial du FBI, d'origine libanaise, ayant interrogé Abou-Jandal et contribué à l'arrestation de membres d'el-Qaëda) l'a dit et le chef de la CIA a reconnu qu'il était beaucoup plus important que n'importe lequel de ceux qui étaient incarcérés à Guantanamo, parce qu'il avait eu un accès direct à Ben Laden.

 

Qu'est-il devenu ensuite ?
Abou-Jandal a amorcé sa repentance en prison. Il s'est fâché avec Ben Laden, s'est marié, a eu une fille, est sorti de prison en 2002 et depuis, il vit à Sanaa de petits boulots, comme chauffeur de taxi. Il veut ouvrir un centre de réhabilitation des anciens jihadistes pour y apporter son témoignage. En 2003, beaucoup de jeunes Yéménites ont été le voir pour aller se battre en Irak, il les a découragés. Il est dans une autre démarche maintenant.

Est-ce la première fois que l'ancien garde du corps de Ben Laden se laisse interviewer ?
En 2006, il avait donné cinq grandes interviews au correspondant au Yémen d'al-Qods al-Arabi. En 2007 et 2008, il a été contacté par les TV américaine et canadienne, il a refusé de parler. Et là, il a accepté. À la connaissance des spécialistes d'el-Qaëda, c'est le premier témoignage circonstancié de l'intérieur d'el-Qaëda. Il parle des attentats que Ben Laden a refusé d'endosser, contre les tours à Dubaï, contre les ambassades occidentales à Sanaa... Il raconte que la planification d'opérations terroristes obéit à certaines règles. Ce qu'il donne aussi d'intéressant, c'est l'arsenal des armes d'el-Qaëda à l'époque, beaucoup d'armes prises aux Soviétiques, et aussi des missiles antichars Milan français que la France avait livrés secrètement à Massoud...

Quelles ont été les réactions en France à ce livre ?
Les autorités françaises ont refusé un visa d'entrée à Nasser el-Bahri pour la promotion du livre. Elles appliquent le principe de précaution.

El-Qaëda est-elle affaiblie aujourd'hui ?
Nasser el-Bahri pense qu'à partir du moment où Ben Laden prête serment au mollah Omar, chef des talibans, en 1998, il se place sous la coupe de ces derniers. Il révèle que cela s'est fait secrètement en 1997 et officiellement en 1998. Cela a d'ailleurs suscité des critiques à l'intérieur d'el-Qaëda, y compris de la part d'Abou-Jandal, qui a estimé qu'en passant sous la coupe du mollah Omar, el-Qaëda était réduite à la dépendance et devait se soumettre à leurs desiderata. Ben Laden savait que cette prestation de serment entraînerait un affaiblissement d'el-Qaëda au profit des talibans, ce qui se traduirait par un essaimage du réseau. Les gens qui venaient se former avaient pour mission de rentrer chez eux et de créer des cellules. Le noyau central d'el-Qaëda est donc affaibli, et même n'existe plus. Le groupe s'est « filialisé », sans plus aucune centralisation des décisions. Alors qu'au départ, il devait y avoir centralisation de la décision et décentralisation de l'exécution, comme ce fut le cas pour les attentats du 9/11.

Le livre fourmille de détails, comme, par exemple, l'information selon laquelle Ben Laden n'a pas pu voir les attentats du 11 septembre en direct, la liaison satellite n'ayant pu avoir lieu. D'autres détails ?
Oui, le livre parle aussi des femmes et des enfants de Ben Laden. Il montre un homme sans grand charisme, qui parle peu, mais très ouvert sur ses proches, très accessible, qui fuit la critique, n'y répond pas, mais l'accepte.

Et quid de Ben Laden aujourd'hui ?
El-Bahri pense qu'il est vivant, sinon le contraire se saurait. 

C'est en mai 2009, pendant un reportage au Yémen pour Le Figaro, que Georges Malbrunot rencontre, pour la première fois, Nasser el-Bahri, alias Abou-Jandal, ancien garde du corps d'Oussama Ben Laden. « Quand l'article est paru, Michel Lafon m'a contacté pour me proposer d'écrire un livre à ce sujet, explique Malbrunot à L'Orient-Le...

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