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Culture - Festival d’Abou Dhabi

L’Orchestre symphonique de Londres entre danses et rhapsodie

Menu et moment «musical» grandioses pour l'avant-dernier soir du festival d'Abou Dhabi à l'auditorium du Palais des Émirats avec la rampe de l'avant-scène croulant sous un long collier de verdure piqué de roses multicolores.

Le maestro Kristian Jarvi saluant le public. (DR)

L'Orchestre symphonique de Londres, sous la baguette de maestro Kristian Jarvi ,cheveux longs et jaquette redingote en alpaga noir, offre la richesse sonore de partitions aux battements, rythmes, timbres et cadences les plus hardis. Partitions modernes aux parfums antithétiques, magnifiant New York et contant des nostalgies du pays de Tolstoï.
Se relayent danses symphoniques et une rhapsodie où flûte et clavier ont des correspondances plus que dévorantes. Le tout est enrobé de notes expressément et profondément bleues. Bleu klein, bleu indigo, bleu lavande, bleu pervenche, bleu atlantique, bleu jazz, bleu balalaïka, bleu lac Baïkal, bleu mont Oural ou monts chauves... Étourdissante palette de couleurs entre Bernstein, Gershwin et Rachmaninov.
Ouverture en accents hachés et tonalités drues mais lumineuses et chaloupées avec Les danses symphoniques, tirées de la célèbre comédie musicale West Side Story de Leonard Bernstein. Souffle énergisant et tonique de ces danses en sémillantes sarabandes de notes sensuelles et syncopées pour des amours tumultueuses et contrariées. Pour deux clans new-yorkais reproduisant l'esprit de conflit entre Capulet et Montaigu, voilà des amants de Vérone post-modernes hantant des pages colorées, vibrantes, d'une décapante originalité. Entre mambo, cha-cha et rumble, ces pages n'ont pas fini de séduire et faire rêver les auditoires du monde. Avec sifflet, claquements de doigts et percussions d'une voluptueuse stridence.
Pour prendre le relais, la magnifique Rhapsodie en bleu de George Gershwin. Avec en soliste au clavier, Wayne Marshall. Interprétation fûtée et magistrale où technicité au-dessus de tout éloge et sentiment personnalisé fusionnent à merveille. Surtout pour ces passages blues et jazzy.
Esprit de jazz, rythme haletant, fantaisie, liberté, influence «debussynienne» et mélodies populaires du pays de l'Oncle Sam habitent cette partition aux véhémences qui interpellent sans recours.
Le clavier, omniprésent dans cette narration vouée à une quête éperdue du bonheur, a des interventions péremptoires et inattendues, des staccato mordants de même que des déchaînements torrentiels d'une vélocité à couper le souffle. Et ici le tempo est pris sans ménagement, parfois à train d'enfer. Et bien entendu c'est le paradis! La clarinette qui serpente en catimini entre les lignes a, elle, une entrée remarquée et garde une présence furtive mais d'une tendresse abyssale...
Changement de ton avec l'œuvre-testament (la dernière qu'il ait écrite) de Serguei Rachmaninov. Écrites d'abord pour deux pianos, ces Danses symphoniques op 45, articulées entre matin, midi et crépuscule, retracent et dévoilent l'austérité et les angoisses d'un compositeur perçu comme un moine-soldat. Pourtant sa musique est un constant volcan en éruption. Un volcan aux jets d'un lyrisme incandescent avec des accalmies pour d'incroyables plages de nostalgie et de rêverie.
Âme russe par excellence est cet opus dense et fantastique comme une chevauchée à la fois mélancolique et démentielle. Opus conçu initialement pour le ballet et teinté de couleurs sombres, estompées, révoltées, violentes. Avec des timbres invoquant, avec quelque désespoir, éternité, aquilon et tempêtes.
Méditation douloureuse d'un des derniers romantiques, avec des accents grinçants pour une œuvre appellée par le compositeur «la dernière étincelle». Du feu certes, mais avec un arrière-fond cruel et lugubre où la musique, puissante et insidieuse, martelée ou tout en murmure, se faufile comme une nappe phréatique, aux coins d'ombre les plus éloignés et les moins révélés de l'imagination. Même avec cette valse triste où semble se profiler une lointaine image ravelienne.
Un tonnerre d'applaudissements salue cette prestation sans faille où l'Orchestre symphonique de Londres, sous la dynamique et efficace direction de Kristjan Jarvi, atteint un point culminant. Point d'exaltante rupture où la musique, suprême élévation, est définitivement une sublime coupure avec la réalité.
En bis, comme pour revenir sur terre, devant une salle électrisée et guère prête à céder un dernier «encore», retour à la joie contagieuse de Bernstein avec ce survitaminé mambo où chevilles et doigts de la main frétillent par un automatique enchantement.
L'Orchestre symphonique de Londres, sous la baguette de maestro Kristian Jarvi ,cheveux longs et jaquette redingote en alpaga noir, offre la richesse sonore de partitions aux battements, rythmes, timbres et cadences les plus hardis. Partitions modernes aux parfums antithétiques, magnifiant New York et contant des nostalgies du pays de Tolstoï.Se relayent danses symphoniques...

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