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Liban - Coups d’épingle

Vol à destination de Mehrabad

« Bienvenue à l'aéroport international Rafic Hariri. Nous sommes heureux de vous accueillir dans notre ville »... L'enregistrement hospitalier qui résonne toutes les quelques minutes aux oreilles des voyageurs a désormais quelque chose de politiquement incorrect.
À présent que le Hezbollah a pris l'affaire en main, de petites rectifications s'imposent. À titre de suggestion, on pourrait formuler le message comme suit : « Bienvenue à l'aéroport Hassan Nasrallah. Nous sommes heureux de vous accueillir dans notre ville, mais il faut vous prévenir : vous êtes considérés ici comme des espions potentiels. »
Et, bien sûr, pour débiter le message, il faudra être convaincant et renvoyer sans pitié la voix féminine et suave. L'époque est à la virilité.
Les tintinophiles comprendront : à côté de son goût prononcé pour l'opéra et les belles cantatrices, le colonel Sponz, en Bordurie, faisait à peu près la même chose.
Mais notre colonel Sponz à nous est un député à la Chambre, ancien responsable des relations internationales au sein du Hezbollah. Prétextant de l'affaire des faux passeports européens de Dubaï, il invite les autorités et, ce qui est bien plus grave, la population à considérer tout détenteur de documents de voyage étrangers comme un « espion potentiel ».
L'espace de quelques mots, Sponz-Moussaoui ramène le Liban un quart de siècle en arrière : nous sommes au milieu des années quatre-vingt. Le Liban est divisé en plusieurs seigneuries et la guerre fait rage, tantôt entre elles, tantôt à l'intérieur de chacune d'elles. L'une de ces seigneuries est encore souterraine. Dans quelques années, elle s'exposera au grand jour. Pour le moment, on s'y livre à une activité bien précise, l'enlèvement des quelques rares étrangers qui s'aventurent sur le territoire d'opérations. Certains mourront en captivité sans que la conscience du Liban - et surtout celle des kidnappeurs - ne juge nécessaire, des années plus tard, de se purifier de la culpabilité par la justice ou du moins par le pardon. D'autres feront l'objet de trocs en toutes sortes, assortis au moment de la libération de remerciements à la clé à l'intention d'un régime voisin...
« Espions potentiels »... Non, M. Moussaoui, le fait d'être blond ne fait pas de quelqu'un un « espion potentiel ». Et, vous le savez mieux que quiconque, Israël n'a pas eu besoin jusqu'ici d'aller très loin pour enrôler des espions à sa solde au Liban.
Il y a forcément autre chose derrière cette nouvelle bombe du Hezbollah. Quelque chose de bien plus grave qu'une vulgaire chasse à l'espion. Car les propos de Nawwaf Moussaoui éclairent parfaitement désormais la signification de l'évolution guerrière observée ces derniers temps dans le discours du Hezbollah.
Visiblement, l'objectif recherché est double, mais les deux éléments sont interdépendants. Afin de mieux ancrer le Liban à l'axe irano-syrien, une politique clairement mise en évidence par le « sommet » Ahmadinejad-Assad-Nasrallah de Damas, il est impératif d'y instaurer un climat psychologique de guerre, à défaut de pouvoir - pour le moment - déclencher une vraie guerre.
Et du moment que l'axe en question, dont le centre névralgique réside bien davantage à Téhéran qu'à Damas ou à Haret Hreik, doit nécessairement entreprendre une confrontation globale avec l'Occident s'il veut atteindre sa vraie proie (le Golfe et le Proche-Orient), il convient de faire du Liban un glacis pour les Occidentaux.
Le procédé, pernicieux, vise à saper les fondements de la relation plusieurs fois séculaire qui continue de lier - politiquement, économiquement, culturellement et humainement - le pays du Cèdre aux rives occidentales de la Méditerranée et au reste du monde.
L'appel à considérer les détenteurs de passeports étrangers comme étant des « espions potentiels » sert à merveille ces objectifs. Il trouve d'ailleurs son complément dans une autre campagne menée actuellement par le Hezbollah et destinée à empêcher toute participation des Arabes à la table de dialogue libanaise.
C'est simple : pour le Hezbollah, les Arabes n'existent pas. C'est ce qu'Israël essaie de dire depuis plus de soixante ans.
« Bienvenue à l'aéroport international Rafic Hariri. Nous sommes heureux de vous accueillir dans notre ville »... L'enregistrement hospitalier qui résonne toutes les quelques minutes aux oreilles des voyageurs a désormais quelque chose de politiquement incorrect.À présent que le Hezbollah a pris l'affaire en main, de petites...

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