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Lifestyle - Hotte d’or

Le tango du suicide

Je me suis réveillée en pleine nuit avec un sale goût dans la bouche, tellement sale et le visage inondé. De larmes, je suppose - et ce plouc de Houssam qui ronflait, évidemment, comme un bienheureux. J'étouffais : toutes ces catastrophes, ces tragédies et ces horreurs, ma nièce Clara qui m'annonce entre le Drambuie et le Comté qu'ils pensent déménager en Argentine pour une vague histoire de salaire quatre fois supérieur et me priver de Gabriella ma lune rousse, ma dernière robe Alexis Mabille qui me boudine, ma vie en gros qui se barre en ovaires, j'étouffais littéralement, j'ai décidé, comme toujours, de prendre le contrôle de tout, je m'étais toujours promis de ne jamais être spectatrice du cours de mon existence. J'ai décidé donc de me suicider. Oui, mais comment ?!!! Assise sur la cuvette de mes toilettes Richardson Cogolin sur laquelle j'ai fait incruster un trombinoscope de la tronche rêvée de tous les acteurs mâles d'Ocean 11, une ultraslim Vogue qui me brûlait les doigts, je réfléchissais. Suicide au binôme Xanax-VSOP ? C'est long, je ne suis pas très fan de cognac et cela, il faut le dire, fait un peu desperate pouffiasse sur Whisteria Lane. Suicide au gaz ? Bof : je risque de faire exploser mon sublime loft décoré pendant huit mois d'affilée à la sueur de son front par Danielle I., et mes copines Esther et Rachel trouveraient cela disgracieux et extrêmement désobligeant. Suicide par grande bouffe, comme Ugo Tognazzi, Philippe Noiret, Michel Piccoli et mon amour Marcello Mastroianni ? Je me vois mal enfiler pendant 48 heures une queue de langoustine/un marshmallow à la framboise, une queue de langoustine/un marshmallow à la framboise, une queue de langoustine/un marshmallow à la framboise jusqu'à ce que délivrance s'ensuive ; non, cela est infaisable. Suicide au revolver ? Il me faudra deux mois de leçons particulières pour savoir ne serait-ce que le tenir dans le bon sens, et puis, comme le faisait si bien remarquer mon ami Olivier Py, cela risque de faire tache sur mon divin Ispahan. J'ai rallumé une autre ultraslim. Et si je me défenestrais ? Ce ne seraient que quelques microsecondes à peine d'horreur absolue mais hop, je me retrouverai illico sur les
genoux de Belzébuth, sachant que saint Pierre, même dans son incommensurable bonté, me refuserait les clés du paradis... Oui, mais non ! Ma légendaire perfection physique en serait fortement altérée - et l'entreprise Botox® m'intenterait un procès posthume : il ne faut pas le répéter, mais j'ai signé pour dix ans d'essais... Les idées se bousculaient : la ciguë ? Mais où en trouver - et je ne suis pas socratienne, mais spinoziste... Aller m'enfermer pendant une heure dans l'atelier de Dolce & Gabbana ? C'est tellement laid que je mourrai d'écœurement en moins de 42 minutes, mais ils me chasseraient bien avant : ils penseraient que c'est
Christian Lacroix qui m'a envoyé en espionne... Écouter Ziyad Makhoul pérorer pendant des heures sur la beauté et le talent de Fanny Ardant ? C'est pas mal : je crèverai littéralement d'ennui, mais il y a des risques collatéraux, je pourrais le gifler et claquer la porte. Je séchais. Plus d'idées. Il faut pourtant absolument que j'accomplisse cet acte ultime d'élégance, que je me suicide. J'ai quitté la délicieuse pénombre de mes jolis sanitaires et pris la direction de ma cave à champagne pour déboucher une Veuve Clicquot Grande Dame lorsque l'évidence s'est jetée sur moi comme la misère sur le peuple. Quelle sotte je suis. Je vais remplir mon jacuzzi à ras bord de ce liquide olympien et je m'y immergerai sans masque, ni palmes, ni tuba jusqu'à ce que les bulles, ces bulles plus précieuses que tout l'oxygène du monde se mettent à danser un affolant et frénétique tango dans mes petits poumons d'amour. Je suis un génie, la Marie Curie protoglamour du troisième millénaires, l'Anaïs Nin des grands départs, l'Ondine ultime, la noyée de Gainsbourg, miam-miam.

 

margueritek@live.com

Je me suis réveillée en pleine nuit avec un sale goût dans la bouche, tellement sale et le visage inondé. De larmes, je suppose - et ce plouc de Houssam qui ronflait, évidemment, comme un bienheureux. J'étouffais : toutes ces catastrophes, ces tragédies et ces horreurs, ma nièce Clara qui m'annonce entre le Drambuie et le Comté qu'ils...

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