Nous sommes en septembre 1978, à Londres. Un dissident bulgare, l'écrivain Georgi Markov, est sur le chemin de la BBC, où il anime l'émission radiophonique Free Europe, diffusée à l'Ouest, de l'autre côté du rideau de fer. Cette émission de « propagande » anticommuniste a un certain succès et cela déplaît beaucoup au KGB et à ses frères espions bulgares. Alors qu'il attend le bus, un inconnu le bouscule et lui enfonce « malencontreusement » le bout de son parapluie dans le mollet. Chacun repart, Georgi Markov prend son autobus... mais un peu plus tard, il sera pris d'un mal étrange... Il mourra quelques jours plus tard et l'on découvrira que l'extrémité du parapluie était en fait un pistolet et avait projeté sous la peau du malheureux une minuscule capsule de deux millimètres de diamètre contenant un poison violent : la ricine ! C'est le plus rocambolesque épisode d'empoisonnement de l'histoire des services secrets connu sous le nom du « coup du parapluie bulgare »...
Mais s'il y a un personnage historique indissociable du parapluie c'est bien le roi Louis-Philippe, fils aîné de Philippe Égalité, duc d'Orléans, il fut contraint en 1793 à l'exil. Vingt ans de vie à l'étranger, entre les États-Unis, la Suisse, la Suède et l'Italie, où il a épousé la fille du roi de Naples, en ont fait un homme pragmatique. De retour en France, en 1814, il s'emploie à rassembler les débris de l'immense fortune des Orléans et il vit en bon père de famille, envoie ses enfants au collège Henry IV. En 1834, après les Trois Glorieuses, émeutes qui ont contraint Charles X à l'exil, les députés libéraux, soucieux des réformes, mais craignant le retour de la République, font appel à lui. En abandonnant l'hermine, les fleurs de lys et l'or, le nouveau roi porte pantalon et chapeau, et va volontiers à pied, parapluie à la main. Substitut du sceptre, ce parapluie apparaît comme le symbole du roi citoyen. Mais la monarchie s'enlise, la crise économique entretient l'agitation sociale, le roi déçoit. La presse et les caricaturistes se déchaînent contre lui, le dévalorisent et le ridiculisent, le dépeignant d'avare, déloyal et lâche ; et son parapluie devient alors un indice de médiocrité. Attaqué de toutes parts, sans soutien populaire, en butte à de multiples tentatives pour le renverser, voire attenter à sa vie, il répond par la répression et se fige dans le refus des réformes. Le 22 février 1848, il est contraint à la fuite. Louis-Philippe finira ses jours en Angleterre, toujours avec son parapluie...
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