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Liban - Hors piste

Contre le report des municipales

Personne ou presque ne semble avoir intérêt à ce que les prochaines municipales se tiennent, conformément à la loi, au printemps 2010.
La tenue de ce scrutin à la date prévue devrait en effet plonger le pays dans une ambiance électorale qui mettrait inopinément un terme au calme ambiant que la plupart des parties politiques semblent s'échiner à vouloir entretenir et pérenniser à moyen terme. Ceci constituerait un défi de taille pour Saad Hariri, car la trêve actuelle est indispensable à son succès au poste de Premier ministre et au bon fonctionnement de son gouvernement.
Dans cette hypothèse, le président du Conseil aura probablement du mal à juguler l'exacerbation des tensions confessionnelles qui vont habituellement de pair avec chaque échéance électorale. Il ne lui sera également guère aisé de dissuader certains de ses alliés, voire même certains ténors de son propre courant, de ressusciter le discours dirigé contre l'armement du Hezbollah et l'influence syrienne au Liban, pour attirer l'électeur, mobiliser massivement leurs partisans et ressouder les rangs de leurs bases populaires respectives.
Un retour à la joute verbale ne ferait également pas l'affaire du Hezbollah, qui a tout intérêt à pacifier la scène interne pour se consacrer à sa bataille contre Israël, mais également pour détendre les relations entre les communautés sunnite et chiite dont la détérioration nuit gravement à l'image de force de libération nationale que le parti revendique ainsi qu'à son aura dans le monde arabe. D'ailleurs, la bataille des municipales est susceptible de piéger le parti dans un enchevêtrement de considérations familiales, claniques, tribales, régionales et locales qu'il cherche habituellement à éviter, pour se maintenir au-dessus des calculs obtus et tenter de jouer un rôle transversal au sein de la communauté chiite, au-delà de tous les clivages qui scindent cette dernière comme toute autre collectivité libanaise.
À propos de clivages chiites internes, la tenue des municipales ne sert également pas les intérêts tentaculaires de l'omniprésident de la Chambre, Nabih Berry. La popularité du mouvement Amal a en effet fondu comme neige au soleil au cours des dernières années, notamment du fait de la crise politico-confessionnelle qui a ébranlé le pays depuis 2005. Mais même en 2004, le mouvement n'a réussi à maintenir quelques municipalités dans le Sud sous sa coupe que grâce à la magnanimité de son allié et non moins rival intime qu'est le Hezbollah et au vote dispersé de certains électeurs chrétiens du Sud, qui tentent autant que possible de limiter l'emprise de la formation khomeyniste sur leur région.
De leur côté, les chrétiens de la majorité, à l'exception des Forces libanaises, n'ont également pas intérêt à ce que les élections municipales se tiennent à la date prévue et verraient d'un œil favorable leur report. Ces parties, Michel Murr en tête, risquent en effet de perdre de nombreuses municipalités qu'elles avaient remportées en 2004 au profit du Courant patriotique libre qui, depuis, s'est imposé comme principale force chrétienne du pays.
Il semble donc que d'un point de vue politicien, la tenue des municipales au printemps prochain profite uniquement aux seuls CPL et FL, qui n'ont pas pu mener librement cette bataille électorale à l'époque de l'occupation syrienne. Ce scrutin sera l'occasion pour les deux formations de renforcer leurs positions respectives sur le terrain, de gagner en influence et de mesurer leur popularité dans les urnes.
Il demeure que les échéances électorales ne doivent pas être tributaires du bon vouloir des principaux acteurs du pays et de leurs calculs politiciens et doivent être honorés dans les délais, conformément à la loi et à la Constitution, qui constituent le fondement du système libanais. D'autant que les municipales, dont la tenue a été fort aléatoire au cours des dernières décennies, ne sont nullement des élections de deuxième classe que l'on peut ajourner ou tenir selon les circonstances. Les municipalités sont en effet la première interface de contact entre les citoyens et les institutions étatiques et le premier échelon de la représentation populaire. Elles brassent des sommes colossales provenant de l'impôt payé par le contribuable et jouent un rôle primordial dans la vie des citoyens, la gestion de leur quotidien, l'aménagement de leurs localités de résidence et le traitement de leurs démarches administratives.
Au lieu de songer à paralyser, à affaiblir la vie municipale en ajournant les élections, les dirigeants devraient plutôt plancher sur le moyen de dynamiser les municipalités et d'améliorer leur efficacité en leur conférant davantage de prérogatives en matière d'urbanisme, d'aménagement du territoire, de gestion des ressources, de culture, de protection de l'environnement, de vie associative, d'éducation et de sports ; en leur déléguant plus de compétences à travers une concrétisation de la décentralisation administrative ; en augmentant leurs budgets et en leur versant leurs dus dans les délais ; en renforçant la représentativité des conseils municipaux à travers une réforme de la loi électorale qui permettrait l'élection de leur président au suffrage direct, l'introduction d'une part de proportionnelle dans ce mode de scrutin, la mise en place d'un quota féminin, le vote des électeurs dans leur lieu de résidence et non pas dans leur localité d'origine où la plupart d'entre eux ne résident plus. Et surtout, en n'utilisant plus les municipalités comme levier de pouvoir, comme armes dans la bataille des législatives et comme vache à traire servant à abreuver de deniers publics la clientèle politique des uns et des autres.
Mais là, il serait peut-être plus réaliste de demander la lune...
Personne ou presque ne semble avoir intérêt à ce que les prochaines municipales se tiennent, conformément à la loi, au printemps 2010.La tenue de ce scrutin à la date prévue devrait en effet plonger le pays dans une ambiance électorale qui mettrait inopinément un terme au calme ambiant que la plupart des parties politiques semblent...
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