Ces efforts interviennent toutefois à l'heure où le patriarche maronite affirmait dans un entretien accordé à la revue al-Massira que « le Hezbollah sert plus les intérêts de l'Iran que ceux du Liban », déclaration qui n'a pas tardé à faire des remous dans les rangs du camp du 8 Mars. Issam Abou Jamra a ainsi indiqué à L'Orient-Le Jour que les propos de Mgr Sfeir n'étaient « guère surprenants », puisque « ce n'est pas la première fois qu'il va dans ce sens ». « Le but est clair », a-t-il ajouté, précisant que le chef de l'Église maronite « veut que la majorité gouverne, or au Liban le système est parlementaire et multipartite, on ne peut y appliquer le bipartisme. Et de toute façon, la majorité est trop faible aujourd'hui pour gouverner ». Autrement dit, même au lendemain du 7 juin et même après avoir remporté les élections, la majorité est aujourd'hui bien incapable de s'imposer sur le terrain. Allant dans le même sens, des sources proches de Rabieh, citées par la chaîne de télévision NBN, soulignaient que « la mise en place du gouvernement ne peut être possible qu'à l'aune de la même formule adoptée lors de la conférence de Doha, car rien n'a changé depuis ».
Conscient que la situation est en train de se corser, Nabih Berry s'est vu presque contraint de mettre lui aussi la main à la pâte. Il aurait, selon des sources proches de Aïn el-Tiné, proposé une formule impliquant « une totale rotation des portefeuilles », mais celle-ci aurait reçu une fin de non-recevoir de la part de Koraytem car Saad Hariri refuserait de céder les Finances « même au profit du président de la République ». Refus d'ailleurs confirmé par ses proches, qui ont fait savoir que « cette option paraît difficilement réalisable ».
En clair, le camp Hariri serait flexible sur tout sauf sur les Finances, pendant que le camp du 8 Mars, lui, exigerait soit le portefeuille des Télécommunications, soit celui de la Justice. Les tractations actuelles tourneraient donc autour de ces deux maroquins et c'est d'ailleurs cela qui a permis au président Michel Sleiman d'affirmer que « les obstacles ne sont plus qu'administratifs ». Tout aussi - inexplicablement - positif, Nader Hariri a déclaré hier à la chaîne de télévision al-Manar que « les concertations avancent, mais il n'y a toujours pas d'accord pour le moment ».
À trop s'attarder sur des discussions qui n'ont déjà que trop tardé à donner concrètement leurs fruits, les responsables semblent occulter un aspect fondamental du problème, aspect que s'est empressé de rappeler Boutros Harb, lors d'un entretien accordé hier à la chaîne de télévision LBC : « Je crains qu'il n'y ait une volonté d'amender la Constitution de telle sorte qu'aucune décision ne puisse être possible en dehors de l'unanimité de toutes les parties. Quelque chose qui rappellerait le système de l'ONU, et au sein duquel certains pôles bénéficieraient d'un droit de veto. »
À ces craintes, très certainement justifiées, s'ajoutent celles, beaucoup moins théoriques, ayant trait aux brèches sécuritaires qui se manifestent un peu partout sur le territoire. Les tirs de roquettes partis de Houla - et revendiqués hier soir par un groupuscule islamiste qui s'est dit proche d'el-Qaëda - puis hier soir, la banlieue sud de Beyrouth où des accrochages entre des membres du mouvement Amal et d'autres sympathisants du Hezbollah se sont renouvelés, sans oublier Tripoli où l'armée s'est déployée en force pour boucler tout un secteur dans le but de mettre la main sur des islamistes impliqués dans les incidents de Rayak, qui s'étaient soldés par la mort de plusieurs soldats de l'armée libanaise.
À ceux qui en doutent encore, il est grand temps, et avant qu'il ne soit trop tard, de former un gouvernement. Reste toutefois à savoir lequel.