Le fantôme de Sa Majesté

Halloween, qu'on célèbre après-demain, est au départ une fête celte (irlandais, bretons, écossais sont des celtes) et s'appelle Samhain. Autrefois, l'année finissait le 31 octobre. Et la nuit du 31 au premier, les esprits des morts de l'année partaient dans l'autre monde. Ça ne les tentait pas trop, et cette nuit-là, ils revenaient pour essayer de s'installer dans les corps des vivants.
Bien sûr, les vivants n'étaient pas d'accord. Alors, ils éteignaient les lumières et le feu dans leurs maisons pour qu'elles ne soient pas accueillantes et ils se promenaient dans les rues en costumes effrayants, faisaient du bruit et des dégâts pour faire peur aux esprits. Ils allumaient des feux de joie pour aider les morts dans leur voyage, les honorer et aussi les écarter. Puis les catholiques ont décidé de fêter leurs morts le 1er novembre (la Toussaint), et la fête est devenue All Hollow's Eve (la veille de tous les saints), ce qui est devenu ensuite Halloween... Et, en cette occasion, que diriez-vous d'une histoire à dormir debout ?
Décapitée sous l'accusation d'adultère par un bourreau venu spécialement de France, le 19 mai 1536, Anne Boleyn, exécutée mille jours après avoir épousé Henri VIII, est la deuxième des six épouses et la première victime du roi qui inspira la sinistre légende de Barbe-Bleue. Après l'exécution, sa dépouille est enterrée à la hâte dans la chapelle Saint-Pierre à la tour de Londres, où elle était prisonnière. Dès lors et pendant des siècles (sa dernière apparition remonterait à 1933), son spectre apparaît à intervalles réguliers : parfois conduisant une procession dans la chapelle Saint-Pierre, ou seul dans d'autres endroits de la vieille forteresse. Une des plus impressionnantes manifestations du « fantôme » se produit toutefois durant l'hiver 1864. Une nuit, une sentinelle est retrouvée inconsciente. Accusé de s'être endormi à son poste, l'homme comparaît devant un tribunal militaire : il raconte que vers l'aube, il a vu sortir du brouillard une silhouette blanche, avec un bonnet qui la surmontait sans tête en dessous et qui se dirigeait vers lui. Après avoir fait les sommations d'usage, le soldat s'est approché de la forme, mais lorsque la baïonnette de son fusil a traversé celle-ci, un éclair s'est propagé le long du canon et lui-même s'est retouvé assommé par le choc. Tout cela ressemblerait à une excuse bien trouvée si deux autres soldats ainsi qu'un officier n'avaient affirmé, après la déposition de l'accusé, avoir eux aussi aperçu le spectre par une fenêtre. Lorsqu'il s'avéra que la forme, dans les quatre cas, a été vue juste sous l'ouverture de la pièce dans laquelle Anne Boleyn avait passé sa dernière nuit avant son exécution, le tribunal choisit de relaxer la sentinelle...
Le long passé de prison d'État de la tour, et la qualité de nombre de ses détenus et des victimes exécutées entre ses murs font du bâtiment un véritable terrain de prédilection pour les fantômes. Ainsi, ceux de Margaret, comtesse de Salisbury, exécutée en 1541, de saint Thomas Becket, assassiné en pleine messe dans la cathédrale de Canterbury en 1170, ou celui du grand explorateur sir Walter Raleigh, décapité par Jacques Ier en 1618, ou encore celui du jeune prince Édouard V et de son frère le duc d'York, tués par leur oncle Richard III en 1438, se promèneraient quelquefois dans les couloirs sous les yeux horrifiés des gardes, seuls humains vivants à fréquenter les lieux pendant la nuit...
Nuit blanche garantie !