Encore une précision : tout de suite après ses déclarations, des députés de la Rencontre démocratique se sont précipités à Clemenceau, en quête de directives. Et Joumblatt leur a lancé : « Vous faites partie de la Rencontre et non du parti. Vous êtes avec la majorité, vous votez avec elle, vous resterez là où vous êtes car vous êtes des députés de Rencontre et non du parti. » La première englobe 11 parlementaires et le second, cinq.
Selon des loyalistes, Joumblatt s'est démarqué du 14 Mars parce qu'il analyse différemment les donnes actuelles et les développements à venir, sur le triple plan local, régional et international. Ils sont néanmoins persuadés que, pour le fond, il ne lâche pas les principes de la révolution du Cèdre et ne passera pas à l'opposition. Un cadre observe que Joumblatt s'est estimé tenu de prendre ses distances par rapport au 14 Mars à cause de considérations relatives à sa communauté et à la Montagne. Pour ces mêmes raisons, indique ce cadre, Joumblatt ne peut pas rallier le 8 Mars, car on sait avec qui il cohabite principalement dans son domaine réservé. De plus, poursuit-il, nous partageons ses appréhensions sur l'acte d'accusation, sur l'initiative arabe, sur les relations avec la Syrie. Il faut donc amorcer une approche nationale commune de ces problèmes, dans le prolongement des propos récents du chef de l'État.
Pour sa part, Berry, cité par des visiteurs, estime que Joumblatt a précipité une initiative que l'on attendait pour le lendemain du vote de confiance. Le président de la Chambre pense, d'après ces sources, que le coup d'éclat ne va pas modifier l'équation syro-saoudienne dite des 15-10-5. Il en aurait été différemment si Joumblatt avait opéré, il y a deux semaines, quand il était encore question de tiers de blocage, et il aurait sans doute torpillé la formation du gouvernement. Saad Hariri va sans doute pouvoir presser le mouvement, maintenant que l'on sait que l'on reste sur le même partage. Il aurait fallu plus d'efforts, certainement, si l'on avait dû étudier une formule de 12-10-5-3, c'est-à-dire si l'on avait dû faire une part à part, c'est le mot, pour les trois ministres de Joumblatt aux côtés des loyalistes, des opposants et des ministres du président.
Du côté des prosyriens, on affirme qu'en tout cas, rien ne change, puisque l'on va toujours composer un cabinet d'union nationale, sur base d'un partenariat effectif, sans tiers de blocage. Certains cadres opposants confient en privé, dans la ligne que Berry laisse entendre depuis plusieurs mois, que le clivage est en train de s'estomper. La majorité, bien qu'ayant décroché 71 sièges sur 128, se rend compte qu'elle ne peut gouverner seule, et doit donc mettre de l'eau dans son vin, ajoutent ces opposants. Qui rappellent qu'elle a dû se résigner à laisser élire un président de Chambre issu de la minorité. En soulignant que la majorité a dû, de même, accepter de ne pas être représentée au sein de l'Exécutif suivant son volume numérique réel.