Rechercher
Rechercher

Lifestyle - Loisirs

Les « folles nuits » de Bagdad de retour à la faveur de l’accalmie

Une vingtaine de night-clubs ont éclos dans la capitale irakienne, proposant pour la plupart des danses provocantes, de la musique lascive et de l'alcool à profusion.

Dally, une Irakienne de 19 ans, brave à la fois des clients délurés et la réprobation sociale en montant chaque soir sur la scène d'un cabaret de Bagdad pour exécuter une danse du ventre en tenue légère.
Mais les ennuis que cela peut lui valoir, dans un pays où nombre de femmes portent de longs voiles noirs qui ne laissent entrevoir que leur visage, sont peu de chose face aux risques encourus au plus fort de la violence interconfessionnelle.
Enfreindre les normes sociales revenait alors à signer son arrêt de mort. Mais cette violence, déchaînée à la faveur de l'invasion américaine de 2003, a régressé sensiblement et une certaine vie nocturne fait timidement sa réapparition dans la capitale irakienne.
Celle-ci était réputée dans les années 1970 et 1980 comme une des places les plus permissives du Moyen-Orient. Mais, après la chute du régime de Saddam Hussein, des partis islamistes ont fleuri et fait régner leur ordre moral sur des pans entiers du pays.
À la pointe du fusil, des miliciens intégristes forçaient les femmes à s'habiller décemment, à savoir couleur muraille, et interdisaient aux jeunes couples non mariés de se fréquenter. Les boîtes de nuit de Bagdad avaient dû fermer et les Bagdadis ne s'aventuraient plus dehors après le coucher du soleil.

Faune hétéroclite
Depuis que la violence a décliné, à partir de la mi-2007, la capitale a retrouvé un soupçon de vibrionnante vie nocturne. Une vingtaine de night-clubs y ont éclos, qui proposent pour la plupart des danses provocantes, de la musique lascive et de l'alcool à profusion.
« Cela prouve que la démocratie existe en Irak. C'est sain que les gens sous pression expriment leur sentiments refoulés », professe Dally.
Certes, une fraction infime de la population du pays, à très grande majorité musulmane, fréquente les établissements de nuit. Mais le Violet Corner, un de ces « lieux de perdition », est très fréquenté : les serveurs ont du mal à se frayer un chemin entre les tables surpeuplées et les filles qui dansent sur la piste.
Les folles nuits de Bagdad ont changé au moins sur un point par rapport au passé : elles sont plus onéreuses en raison de la nouvelle prévalence du dollar. Le tarif d'entrée dans un club peut coûter jusqu'à 50 dollars.
Tous ces établissements sont hantés par une population cosmopolite : hommes vêtus de la traditionnelle dichdacha (djellaba), hommes d'affaires en complet-veston ou jeunes gens en jeans et tee-shirts moulants.
Au milieu de cette faune hétéroclite, des videurs aux carrures impressionnantes veillent au bon déroulement des soirées, bien que cette sécurité reste discrète à l'aune des critères en vigueur en Irak.

« Je crains Dieu »
Sirotant une bière au Violet Corner, Ahmad al-Aradji, 28 ans, se dit convaincu que cette mixité nocturne contribue à abattre les barrières religieuses et ethniques.
Suzan, autre jeune fille de 19 ans qui exerce ses talents au Meramar, un night-club du centre de la capitale, souligne pour sa part que cette activité nocturne est pourvoyeuse d'emplois précieux dans un pays où le taux de chômage atteint 45 %.
Dally, quant à elle, a quitté l'école prématurément et a entamé sa carrière de danseuse du ventre il y a deux ans. Elle gagne aujourd'hui 1000 dollars par mois, une fortune pour une jeune
Irakienne.
Mais, explique-t-elle, elle devait faire vivre sa famille après la mort de son père. « Ma situation de famille m'a contrainte à prendre ce boulot. Je crains Dieu, mais il fallait que je danse pour avoir un travail. »
Sa prestation terminée, Dally revêt une grande robe lui enveloppant tout le corps et se coiffe d'un voile noir pour rentrer chez elle, sachant qu'il faut encore regarder par-dessus son épaule le soir en ville.
Quels que soient les progrès réalisés en matière de sécurité, Bagdad reste une ville dangereuse, où les kamikazes continuent à tuer les civils par dizaines. Ses habitants craignent qu'avec le retrait des forces américaines des agglomérations, effectif depuis la fin juin, les violences ne reprennent de plus belle.
Les partis religieux continuent à régner sur la scène politique nationale et l'avenir du pays reste des plus incertains, à six mois d'élections législatives nationales cruciales.

 

(Khalid AL-ANSARI/Reuters)

Dally, une Irakienne de 19 ans, brave à la fois des clients délurés et la réprobation sociale en montant chaque soir sur la scène d'un cabaret de Bagdad pour exécuter une danse du ventre en tenue légère.Mais les ennuis que cela peut lui valoir, dans un pays où nombre de femmes portent de longs voiles noirs qui ne laissent...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut