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Moyen Orient et Monde - Le point

Club fermé

La nation la plus démocratique du Moyen-Orient : c'est ainsi que l'Iran veut se présenter aux yeux d'un monde qui a toutes les raisons d'en douter. Et pourtant. Prenons le cas de la présidentielle prévue demain vendredi. Officiellement, le guide suprême n'a pas de poulain, ainsi qu'il l'a fait savoir à plus d'une reprise depuis l'ouverture de la campagne. C'est tout juste si, l'autre jour, il s'est contenté d'exhorter ses concitoyens à donner leurs voix à un candidat « antioccidental qui vient du peuple et qui ne cherche pas à faire partie de l'aristocratie ». Tout le monde a compris qu'il parlait de Mahmoud Ahmadinejad, un homme qui avait promis, le jour de son élection, il y a cinq ans, de « donner l'argent du pétrole à ceux qui n'en ont jamais profité ». Toutefois, certains rappelleront, histoire de démontrer que l'on est (presque) en utopie, les propos de Mohsen Rezaï mettant en garde récemment contre la course vers les abysses, ce qui paraît plutôt étrange dans la bouche d'un ancien dirigeant des gardiens de la révolution, considéré en outre comme l'un des piliers du régime.
Outre ce dernier et le chef de l'État sortant, deux grosses pointures sont en course : Mir-Hossein Moussavi, rescapé d'une traversée du désert qui aura duré vingt ans, et l'hodjatoleslam Mehdi Mahdavi-Karroubi, à deux reprises président du Majlis avant d'intégrer le groupe de membres du Conseil de discernement, sorte de courroie de transmission entre le Parlement et le Conseil des gardiens. Cet organisme, à la faveur d'un rigoureux screening, avait jugé inéligibles 475 candidats dont 42 femmes. C'est dire que l'on se retrouve entre gens de bonne compagnie, même si vifs sont les débats et nombreux les coups bas, surtout à l'approche de l'échéance. Il faut le comprendre : en dépit des rares lézardes qui apparaissent par moments, le régime forme un bloc monolithique au sein duquel la tâche de chacun paraît bien définie, ce qui n'ôte rien à l'intensité du combat en cours. Les rivalités sont telles que l'ayatollah Ali Akbar Hachémi Rafsandjani déplorait hier le silence de la plus haute autorité de l'État, Ali Khamenei, lui demandant, geste sans précédent, d'intervenir pour assurer une élection « propre ».
Propre ? L'organisation Reporters sans frontières situe l'Iran dans le peloton de queue des nations respectant la liberté d'expression. Dans les cercles occidentaux, on en est encore à discuter si oui ou non des instructions de vote ont été données aux pasdaran, aux bassidji (milices islamiques), aux fonctionnaires, aux instituteurs. La petite histoire retiendra qu'en 1997, le candidat Ahmad Khatami avait été empêché par un gouverneur de province de tenir un rallye sous le fallacieux prétexte que cela pourrait provoquer des embouteillages. Et cette semaine, la télévision d'État a refusé à Rafsandjani le droit de répondre aux attaques d'Ahmadinejad, mais celui-ci s'est exprimé hier soir sur ce qu'il a qualifié de manipulations opérées par ses adversaires.
Tout cela, pourrait-on alléguer, relève du folklore électoral. Les deux grands thèmes restent l'économie et le programme nucléaire. Sur le premier sujet, la gestion du président sortant est jugée catastrophique. Alors que le budget officiel dépend à 85 pour cent des revenus pétroliers, la production n'a cessé de baisser au rythme de 500 000 barils par an. Plus grave, les raffineries fonctionnent au ralenti, obligeant l'État à importer jusqu'à la moitié des besoins du pays ; il y a deux ans, un rationnement avait même été imposé, provoquant une vague de mécontentement et même un début d'émeute. À une époque récente, quand les prix flirtaient avec les 150 dollars, le flot d'argent engendré avait servi à financer des programmes qui avaient eu pour effet d'augmenter de 20 pour cent le pouvoir d'achat des plus démunis, sous l'effet d'un relèvement des pensions de retraite et de la distribution de bons d'achat. Il y avait soudain plus d'argent, dit-on aujourd'hui, mais aussi, corollaire logique, flambée des prix, avec un taux d'inflation annuel de 30 pour cent. Depuis, le chiffre a été ramené à 18 pour cent, mais le chômage, situé officiellement sous la barre des 10 pour cent, représente en réalité trois fois plus, surtout dans les rangs des jeunes, principaux adversaires du régime.
Les préparatifs en vue de la fabrication de la bombe, eux, vont bon train et, répète-t-on souvent à l'Occident, plus rien ne pourrait les arrêter. Aussi, tabler sur l'élection d'un « modéré », qui y renoncerait, reviendrait à faire un pari perdant car en théorie, il incombe au guide suprême de prendre la décision définitive. Mais son arbitrage pourrait être contesté, éventualité peu probable, par le clan des religieux d'un rang supérieur. Rien d'étonnant d'ailleurs que l'on soit passé à la vitesse supérieure sous le mandat de l'actuel président.
Enfin, en trente ans, la réélection du chef de l'État pour un second et dernier mandat n'a jamais posé problème. Certes, une surprise pourrait sortir des urnes au soir du 12 juin - ou plutôt des jours qui suivent, car il convient de tenir compte de l'éloignement de certaines provinces. La démocratie, c'est cela aussi...
La nation la plus démocratique du Moyen-Orient : c'est ainsi que l'Iran veut se présenter aux yeux d'un monde qui a toutes les raisons d'en douter. Et pourtant. Prenons le cas de la présidentielle prévue demain vendredi. Officiellement, le guide suprême n'a pas de poulain, ainsi qu'il l'a fait savoir à plus d'une reprise depuis l'ouverture...

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