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Culture - Exposition

L’art, écrit, à la manière des Iraniens

Huit artistes iraniens sont représentés à la galerie Janine Rubeiz par des œuvres qui témoignent de l'art moderne, contemporain et émergeant dans leur pays. Les techniques et les styles varient. Un seul point commun : l'utilisation de la calligraphie.

«Ces artistes iraniens innovateurs ont rafraîchi les riches traditions visuelles de la culture persane d'une pertinence contemporaine», déclare d'emblée la curatrice de l'exposition, Simindokht Dehghani. Ayant grandi aux États-Unis et au Koweït, la jeune femme dit avoir foulé la terre de ses ancêtres après le 11-Septembre, pour mieux connaître la culture de ses aïeuls, mais aussi pour en devenir l'ambassadrice. « Actuellement, les deux mots d'ordre de la scène artistique iranienne sont l'échange et l'ouverture », dit-elle. Grâce à l'art, l'Iran s'ouvre au monde et tente d'apprivoiser la
modernité.
La calligraphie était une source majeure d'inspiration pour une génération antérieure d'artistes iraniens qui, après avoir effectué leurs études à l'étranger, ont cherché une inspiration indigène nouvelle dans les arts populaires, l'artisanat et les simples rituels de la vie de tous les jours. Ce groupe de jeunes artistes innovateurs conduit par le sculpteur Parviz Tanavoli a tiré son nom, l'École « Saqqakhaneh », des fontaines ordinaires du voisinage qui font aussi fonction de lieux saints. Ces sites couverts de grilles et exhaussant souvent une ornementation calligraphique élaborée suggéraient un nouveau vocabulaire de formes. « Ce mouvement est apparu comme une réaction à l'art occidental et comme résultat d'une bataille continue entre la tradition et le modernisme en Iran », précise la curatrice. Les deux sculptures de taille moyenne de Tanavoli exposées à la galerie Janine Rubeiz représentent le mot « hich » en lettres persanes. « Ce mot fascine l'artiste. Sa forme ressemble à un être humain aux aguets. Le « hich », qui signifie « rien » en persan, devient ici quelque chose.
« Sadegh Tabrizi fait partie d'une minorité d'artistes contemporains iraniens qui ont contribué en grande partie à la création et à la dissection de l'art moderne en Iran », indique la curatrice. Dans la toile exposée ici, il lance un clin d'œil aux miniatures persanes en reproduisant les inscriptions sous forme de Nasta'liq brisé pour remplir l'espace négatif de la toile.
Son innovation : transformer les lettres en formes abstraites et en créer des compositions libres.
Avec sa palette vibrante de couleurs qu'il appose sur un fond monochrome, Shariar Ahmadi explore des territoires émotionnels et psychologiques inspirés de la pensée du légendaire poète mystique el-Roumi.
Le rouge est indubitablement la couleur qui inspire et torture Azadeh Razaghdoust. Cette ancienne étudiante en médecine reproduit infiniment des tâches rougeâtres (virant parfois vers le rose fuchsia) sur de grands espaces blancs. Cette série, intitulée Les Fleurs du Mal, est inspirée des poèmes éponymes du Baudelaire ainsi que de l'œuvre de William Blake Oh Rose Thou art sick.
Blessures, organes féminins, anatomie du cœur sont autant d'images qui viennent à l'esprit du spectateur fasciné par cette grande auréole couleur carmin intitulée Oh Holy Virgin !
Représentant emblématique du graphisme iranien, titulaire du prix Prince Klaus, Reza Abedini s'intéresse à la composition de l'écriture et de la typographie. Ses compositions, ses « motifs » forment un langage composé de multiples codes : amalgames d'écritures rappelant les modes de composition des poèmes classiques perses, gamme colorée réduite à des couleurs sourdes et subtiles ; blocs de textes, silhouettes, héritages remaniés de manuscrits anciens.
Reza Abedini ne se considère en aucun cas comme calligraphe. Il travaille notamment sur l'affichage, le poster, mais aussi la photographie, le logo, dans l'illustration, le design (des livres entre autres), et l'édition.
« Who's my generation ? ». Cette interrogation est au centre de la quête artistique et identitaire de Houra Yaghoubi qui s'intéresse plus particulièrement au rôle historique de la femme dans la société iranienne. Sa série de photographies représentant des femmes en tchador superposées de têtes découvertes est basée sur un poème de Ferdousi.
Shideh Tami, poète et peintre autodidacte, est, elle, du genre nombriliste, égocentrique. À Beyrouth, elle expose un livre d'artiste où on retrouve, au fil des pages, son autoportrait décliné sous toutes les couleurs. Sur ce visage émacié défilent des lignes et des lignes de poésie persane.
Barbad Golshiri présente là une affiche d'une grande pertinence. L'artiste, anti-establishement, a reçu un prix. Pour exprimer son refus de cette reconnaissance, il s'est représenté tenant le trophée, ce dernier attaché à un préservatif et enroulé autour d'un rouleau de papier toilette sur lequel on peut lire : « C'est moi qui gagne quoique j'aie fait tout mon possible pour perdre »...
Artiste, critique d'art et traducteur, Golshiri, né en 1982, a étudié la peinture à l'École d'art et d'architecture, à l'Université Azad, à Téhéran. Ses premières expérimentations plastiques ont été faites à l'aide de journaux et de photos. Ses vidéos, photographies, performances et installations expriment un désir de changement dans une société où les libertés individuelles sont entravées. Inspiré tant par le passé mouvementé de son pays que par l'histoire de l'art, l'artiste fuit les stéréotypes occidentaux et l'exotisme.
Voilà donc un échantillonnage assez rafraîchissant qui apporte aussi aux visiteurs de la profondeur, du contraste et de l'intérêt. Ces œuvres, accessibles et attirantes, constituent certainement pour nous une introduction à l'Iran
contemporain.

* Jusqu'au 18 juin. À la galerie Janine Rubeiz, Raouché, imm. Majdalani (Bank Audi). Tél. 01/868290.
«Ces artistes iraniens innovateurs ont rafraîchi les riches traditions visuelles de la culture persane d'une pertinence contemporaine», déclare d'emblée la curatrice de l'exposition, Simindokht Dehghani. Ayant grandi aux États-Unis et au Koweït, la jeune femme dit avoir foulé la terre de ses ancêtres après le 11-Septembre,...

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