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Liban - Analyse

Dé-construction

Hassan Nasrallah ne déçoit jamais. Le discours qu'il a prononcé vendredi dernier est un brillant exemple de son talent polyvalent : celui de l'orateur, bien sûr, mais aussi et surtout celui du parfait dialecticien.
D'un bout à l'autre, le texte est un absolu chef-d'œuvre de construction logique. Il y a longtemps, en effet, que le secrétaire général du Hezbollah est passé maître dans l'art d'enchaîner les idées, de confronter les thèses et les antithèses et d'induire de quasi-infaillibles synthèses.
La conséquence de cette puissante dialectique est qu'il est très difficile pour quiconque d'espérer pouvoir argumenter avec cet homme en attrapant ses phrases au vol, en suivant le cours rectiligne de sa pensée.
Mais autant ce cours est chez lui générateur de ce qui peut apparaître comme de simples évidences, autant son point de départ revêt, pour le moins, un caractère subjectif et franchement discutable.
Hassan Nasrallah ne craint pas la contradiction. Il ne la voit même pas ou ne veut pas la voir. Une fois sur sa lancée, il bâtit un édifice imposant, que rien ne vient fissurer. Mais c'est dans les fondements de cet édifice que se cache toujours l'énorme faille. Ne dérogeant pas à la coutume, son discours de vendredi est truffé d'exemples illustrant ce trait caractéristique.
Il en est ainsi de son approche des événements du 7 mai 2008. Sa vision consistant à renverser l'ordre des choses et à dire qu'en fin de compte, cette journée devrait être perçue positivement - et même célébrée comme un jour « glorieux » - puisqu'elle a permis de déclencher le processus de stabilisation dans le pays, ne manque certainement pas d'audace, ni de pertinence.
Nul ne peut contester, en effet, que l'année relativement sereine qui s'est écoulée depuis cette date est la conséquence directe de la modification du rapport de forces obtenue à la faveur de l'invasion de Beyrouth par le Hezbollah. Allons plus loin et disons, en dépit de la monstrueuse disproportion, que personne ne saurait désapprouver Hassan Nasrallah lorsqu'il affirme que le 7 mai est une conséquence du 5 mai, c'est-à-dire de la décision du gouvernement de l'époque de déclarer hors la loi le réseau de télécommunications du parti de Dieu. Et on ne peut que le croire quand il dit que ce réseau est un poumon vital pour la « résistance ».
De plus, rien n'empêche, intellectuellement, de suivre encore le chef du Hezbollah dans son argument selon lequel ce gouvernement-là, dont la légitimité était fortement niée par une grande partie des Libanais, n'aurait pas dû prendre une décision aussi majeure.
Tout se tient donc, même si l'audace de l'auteur de ce raisonnement va jusqu'à renouveler en quelque sorte l'insulte faite le 7 mai à une grande fraction de la population. Dans l'esprit de Hassan Nasrallah et de tous ceux qui pensent comme lui, l'insulte du 7 mai vaut celle du 5.
Mais cette formidable construction s'effondre d'un coup dès lors que l'on envisage le problème non plus sous l'angle du clivage sunnite-chiite ou 14 Mars-8 Mars, mais sous celui de la légitime quête de l'État libanais pour recouvrer les attributs de sa souveraineté.
Que le gouvernement soit contesté, que la majorité au pouvoir soit peu sympathique aux yeux de nombre de ses concitoyens, qu'elle soit « vendue à l'Amérique » ou à n'importe quel autre « Satan », que les ministres soient corrompus jusqu'à la moelle, tout cela ne change rien à cette simple vérité : l'État libanais reste, contrairement à tous les États de la planète, spolié des attributs élémentaires de sa souveraineté. Et on lui refuse le droit de les réclamer.
En fait, Hassan Nasrallah, ainsi d'ailleurs que l'opposition dans toutes ses couleurs, du jaune au vert en passant par l'orange, ont recours à un procédé éculé qui consiste à jeter le discrédit sur la pièce qui se joue rien qu'en cherchant à en discréditer les acteurs.
Le 7 mai 2008, ce ne sont pas les chiites qui auraient défait les sunnites, et c'est encore moins le 8 Mars qui aurait battu le 14 Mars. Ce jour-là, une organisation semi-clandestine, susceptible d'être classée hors la loi dans n'importe quel État du monde, du moins dans sa structure paramilitaire et paraétatique, a une fois de plus infligé un terrible camouflet à l'État libanais.
Dans le discours de Hassan Nasrallah, il y a profusion d'exemples de cette inlassable guerre que mène le Hezbollah contre la renaissance de l'État libanais. L'identification au « projet sioniste » de l'aspiration des Libanais à un État souverain, libre et indépendant n'est pas le moindre.
Et que dire des évidentes contradictions à propos du système politique ? D'un côté, le chef du Hezbollah se pose en champion de l'État unitaire et menace d'excommunication - et peut-être davantage encore - toute personne qui aurait à l'esprit de promouvoir une quelconque formule fédérale. De l'autre, il poursuit son combat pour l'instauration du tiers de blocage, qui dissimule la forme la plus primitive du fédéralisme, consistant à donner le pouvoir - tout le pouvoir - même pas à des communautés, mais à des chefs de tribu.
Il affirme que le 14 Mars a malicieusement inventé la formule des trois tiers pour l'attribuer à l'opposition et la discréditer auprès de l'opinion chrétienne, alors qu'en réalité, c'est lui-même qui a introduit cette formule dans les mœurs dès le moment où il a considéré qu'un gouvernement est illégitime lorsque les ministres d'une communauté démissionnent en masse.
« Depuis la création du Hezbollah, nous soutenons la mise en place d'un État unique et c'est pour cela que, tout au long des années écoulées, nous n'avons exercé aucun pouvoir dans les zones dites d'influence. » Si Hassan Nasrallah le dit, ce doit donc être vrai !
Last but not least, la justice. Hassan Nasrallah cède, à l'instar de nombreux Libanais, à la tentation trop facile de s'en prendre au corps judiciaire, accusé de manquer de vertu. Mais ce que l'on peut, à la limite, pardonner à un citoyen plus ou moins inoffensif, on ne saurait le permettre à celui dont le parti contribue, plus que tous les autres réunis, à empêcher une normalisation de l'État.
Car avant de parler de séparation des pouvoirs, il faudrait tout de même savoir où se trouvent ces pouvoirs.
Hassan Nasrallah ne déçoit jamais. Le discours qu'il a prononcé vendredi dernier est un brillant exemple de son talent polyvalent : celui de l'orateur, bien sûr, mais aussi et surtout celui du parfait dialecticien.D'un bout à l'autre, le texte est un absolu chef-d'œuvre de construction logique. Il y a longtemps, en effet, que le secrétaire général du Hezbollah est passé maître dans l'art d'enchaîner les idées, de confronter les thèses et les antithèses et d'induire de quasi-infaillibles synthèses.La conséquence de cette puissante dialectique est qu'il est très difficile pour quiconque d'espérer pouvoir argumenter avec cet homme en attrapant ses phrases au vol, en suivant le cours rectiligne de sa...
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