Vive le haut débit au pays du bas débit…

Il y a presque deux mois, nous annoncions dans les colonnes de notre journal que l'ADSL couvrait désormais plusieurs villages du Metn, dont Broummana et Baabdate, après avoir reçu un communiqué de presse faisant état de l'extension du réseau de l'Internet haut débit à cette région. Tout ravi d'avoir enfin la possibilité d'installer ce service rare à mon domicile (rare ? Pas vraiment, puisqu'il existe depuis de nombreuses années dans plusieurs pays du monde et à des prix largement inférieurs !), je me précipite de contacter un des principaux fournisseurs d'accès Internet du pays (mais aussi un des rares de ce « cartel » qui contrôle le marché local) pour me renseigner sur les conditions d'abonnement. Un responsable m'informe alors qu'une demande devra être présentée (formulaire + copie de la carte d'identité + dernière facture de téléphone +...+...+...) avant qu'une équipe ne vienne installer dans mon appartement l'infrastructure nécessaire à mon branchement sur le réseau. Ce n'est que deux semaines après le dépôt de tous les documents requis que les techniciens débarquent... Ils mettent en place les équipements, me font signer une tonne de documents, réclament la somme de 134 dollars, et, cerise sur le gâteau, me préviennent qu'il faudra attendre deux à trois semaines avant que le service ne soit disponible ! Fort étonné, j'essaie de comprendre le pourquoi du comment de ce délai injustifié, mais en vain... Que faire sinon prendre mon mal en patience ? Alors, je décide d'attendre... d'attendre... jusqu'à perdre toute ma patience ; au bout de cinq semaines, je n'avais en effet toujours pas accès à l'ADSL à partir de chez moi. J'appelle de nouveau la société, lui demande des explications, la menace de rompre le contrat et de réclamer mon argent... Aucune réaction ! Une employée du service clientèle me répond, sur un air on ne peut plus apathique, qu'il faudrait que je patiente encore au moins deux semaines si je tenais à profiter des multiples avantages de l'Internet haut débit (du vrai chantage !). Motif : mon dossier, comme tant d'autres, traîne encore au sein de la société Ogero, par laquelle sont apparemment canalisées toutes les demandes présentées auprès des fournisseurs privés. « Dis donc ! J'aurais pu alors m'abonner directement via Ogero ! Ça aurait été plus rapide ! » La femme au téléphone s'abstient de me répondre, préférant ne pas dévoiler des secrets d'État ou de nuire à l'image de la compagnie pour laquelle elle travaille. Je devine alors tout de suite que les dossiers des clients des sociétés privées sont traités après ceux des abonnés de la compagnie détenue par l'État. Sur une note de résignation et d'impuissance, je clos la discussion et raccroche, en espérant que cette guerre économique entre le secteur public et les sociétés privées, dont le consommateur est le premier à payer les conséquences, prendra fin de sitôt, au profit de l'intérêt général (oh, quel mot ! Existe-t-il dans le dictionnaire ?)... Sauf que cette guerre semble se poursuivre, puisqu'à cette date, les représentants de la compagnie, dont j'éviterais de citer le nom dans ces colonnes, ne m'ont toujours pas donné signe de vie...
Voici une histoire qui mérite sans doute d'être partagée avec nos lecteurs pour illustrer le degré d'efficacité, de transparence et de progrès au Liban, même si, comparativement à d'autres histoires, elle risque de paraître banale. Car en effet, dans un pays où les rationnements de l'électricité perdurent depuis au moins deux décennies, sans qu'aucune ébauche de solution ne soit sérieusement examinée, que les projets de budget des trois dernières années n'ont toujours pas été approuvés à l'heure où le déficit continue de se creuser et où les administrations publiques rivalisent d'improductivité, rien de tout cela ne semble surprenant...