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Liban

Un tour du Liban dans le bus de Zicco

On ne présente plus Zicco. Aujourd'hui âgé de 44 ans, Moustafa Yammout est une figure emblématique de la scène underground libanaise. Il a gardé le nom de code qu'on lui avait donné à l'époque de la guerre, lorsqu'il valait mieux être discret pour rester en vie. Dans sa grande maison de la rue Spears, à Beyrouth, il offre depuis plusieurs années un toit à des activités culturelles et associatives qui mobilisent de jeunes artistes et des militants de tous bords, dérangeant tous les jours un peu plus l'ordre établi - c'est sa façon de participer à la reconstruction du Liban.
À partir de demain, il va réaliser un vieux rêve : faire rouler sur les routes du pays un grand bus semblable à celui de Aïn el-Remmaneh, dont l'attaque avait marqué le début de la guerre civile en 1975. Mais cette fois, le bus portera un message de paix et d'unification. À son bord : dix jeunes issus de différentes régions libanaises, et ayant participé à des projets de reconstruction et de développement durable dans les dernières années. Accompagnés par un cinéaste, un photographe et des journalistes, ils iront de ville en ville à la rencontre de leurs compatriotes pour discuter et partager leurs expériences... Lesquelles ? Peu importe. Pour expliquer ce concept, Zicco nous a reçus au premier étage de sa célèbre maison jaune et nous a raconté l'histoire d'un projet qui lui tient à cœur.

Q- Utiliser le bus de la guerre pour promouvoir la paix : comment cette idée vous est-elle venue ?
R- « C'est une vieille idée, et j'espère qu'on pourra recommencer chaque année. Mais là, c'est la première fois, donc ça a une importance particulière. Cela fait vingt ans que ça me trotte dans la tête, mais nous n'avions pas les moyens de nous lancer. Aujourd'hui, ça s'est fait grâce au soutien financier de différents organismes. Il s'agissait d'abord du projet « 48 heures dans un village », que nous avions tenté d'organiser il y a une dizaine d'années. Nous voulions tout simplement, mes amis et moi, installer une tente dans un village au hasard et rendre visite aux habitants pour parler de tout et de rien. Ce projet n'a jamais abouti, faute de moyens. Nous reprenons ça, maintenant, de façon plus élaborée et plus créative en utilisant un symbole que je trouve formidable : le bus. Dans notre mémoire collective, il s'agit du bus de la guerre. Mais c'est aussi un endroit où plusieurs personnes se retrouvent ensemble par hasard, comme les habitants d'un pays. Ils ne se connaissent pas, mais passent du temps ensemble et vont tous au même endroit. Il s'agit aujourd'hui pour les Libanais de monter dans le même bus et de construire une nation. »

Q- En quoi le voyage consistera-t-il concrètement ?
R- « Une vingtaine de personnes dans un bus, qui iront de ville en ville pendant deux semaines. La tente est toujours là, sur le toit : ils s'en serviront occasionnellement. Leur objectif est de rencontrer beaucoup de gens qu'ils ne connaissent pas, récolter des renseignements, des histoires, des photos. Tout cela sera offert au public lors d'une exposition, à leur retour à Beyrouth. Il y aura également des artistes à bord, dont le cinéaste Cisca, qui fera un film sur le voyage. On ne sait pas vraiment à quoi tout cela aboutira, cela dépendra du hasard et des rencontres. C'est une vraie promenade. »
Q- Qui sera à bord du bus ?
R- « À part les accompagnateurs (journalistes, techniciens, etc.), il s'agira d'hommes et de femmes âgés de vingt à quarante ans, venus d'un peu partout dans le pays. On n'a exclu personne, mais on n'a pas fait de discrimination positive : on ne s'intéresse pas aux communautés, car chaque Libanais représente tous les Libanais. Et je vous assure que ce n'est pas de la langue de bois. On a laissé faire le hasard. Après tout, dans un bus normal, si toutes les communautés ne sont pas représentées équitablement, ça ne fait pas crever les pneus, que je sache.
Les participants sont des membres actifs de la société civile. Vous trouverez parmi nous, par exemple, des gens qui ont participé à de petits projets de développement comme ceux de la Mission bleue à Saïda. On a réuni tout le monde à travers Tachbik : c'est un réseau de 34 organisations de développement qui partagent leurs moyens et leurs résultats. »

Q- Cette action vous permet-elle d'accomplir votre devoir de mémoire ?
R- « Tout à fait. Il faut apprendre à gérer ses souvenirs, même lorsque ce sont de vieux souvenirs qu'on a envie d'oublier. Nous en avons fait, des bêtises, pendant la guerre. Peut-être que ce n'est pas grave, peut-être que nous ne savions pas. L'important est de ne pas recommencer. Malheureusement, il est très possible que nous recommencions : les événements des dernières années l'ont montré. Nous ne savons pas discuter, nous sautons tout de suite aux extrêmes.
Chaque participant aura sa petite conclusion personnelle à présenter après le voyage, et c'est fort de symbole. Nous voulons défendre le concept de résistance, la résistance personnelle de chacun. Il ne faut pas laisser voler ce concept. Le soldat inconnu n'est pas juste un gars anonyme mort pendant la guerre, c'est surtout un citoyen qui a fait un sacrifice pour la patrie. C'est un symbole du petit effort que chacun peut offrir pour améliorer les choses. Chacun à quelque chose à donner à son pays, un sacrifice quelconque à faire, et c'est ça, la vraie résistance. »
On ne présente plus Zicco. Aujourd'hui âgé de 44 ans, Moustafa Yammout est une figure emblématique de la scène underground libanaise. Il a gardé le nom de code qu'on lui avait donné à l'époque de la guerre, lorsqu'il valait mieux être discret pour rester en vie. Dans sa grande maison de la rue Spears, à Beyrouth, il offre...
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