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Lifestyle - Aventure

Flirt glacial avec la mort

Trois amputés gravissent le plus haut volcan du monde.
Ils en sont revenus bouleversés, éreintés mais vivants. Un compagnon d'infortune argentin, rencontré en janvier sur le plus haut volcan du monde, le Cerro del Pissis (6 882 m) dans les Andes argentines, y est resté. Il avait deux jambes. Il s'appelait Juan. Franck, Éric et Frank n'en ont que trois... jambes, à eux trois !
« Bout de vie » est leur association, leur croisade pour « redonner espoir à celles et ceux qui souffrent du même handicap (amputation) et démontrer qu'ils sont des hommes et des femmes comme les autres ». Ils ont tutoyé la mort, le moignon à vif fiché dans la prothèse glacée, de la neige jusqu'à la taille, ahanant sur les pentes de ce sommet andin où ni lamas ni vigognes ne s'aventurent. « Troisième semaine de janvier. C'est l'été austral. Mais, sur les pentes du Pissis, on s'est fait cueillir par ce qu'on appelle « l'hiver bolivien », une brusque dégringolade de la température et de fortes précipitations de neige », raconte Frank Bruno, 43 ans, créateur de « Bout de vie » en 2003.
Frank, le Corse, a perdu sa jambe en 1983 sur le porte-avions Foch en mission de guerre au large du Liban. Éric Lecomte, 45 ans, le Vosgien, ancien tailleur de pierre, a perdu la sienne écrasée par un bloc de granite. Franck Festor, 37 ans, le Lorrain, s'est résolu à l'amputation après un accident de la route.

La rencontre
Les trois compères sont accompagnés par Marianne Chapuisat, une alpiniste suisse, guide de haute montagne et himalayiste. À 4 400 mètres, ils croisent une plaque commémorative en hommage à un alpiniste d'une vingtaine d'années récemment disparu à cet endroit. Un peu plus haut, deux silhouettes se matérialisent dans la tourmente. Ce sont deux randonneurs argentins, Juan Carlos Dillon, avocat de Buenos Aires, 69 ans, et Martin Panosso, la quarantaine. C'est leur troisième tentative d'ascension du plus haut volcan du monde. On bivouaque ensemble.
Deuxième camp de base, 5 700 mètres, raréfaction de l'oxygène, terrain volcanique cassant enfoui sous le matelas de neige que la chaussure fixée à la prothèse appréhende mal. Chutes à répétition, poumons en feu, environnement anxiogène. « Je n'en pouvais plus », raconte Franck Festor, qui pourtant montra son endurance en 2007 en participant avec une Américaine paraplégique à la transat à la rame en double entre les Canaries et Antigua. « Monter encore, c'était possible, mais la descente, non, pas dans ces conditions. » Son moignon est en sang. Éric estime, lui aussi, qu'il a rempli son contrat sur une jambe : « 5 700 m, c'est presque mille de plus que le mont Blanc... On peut le faire... C'est notre message à tous les amputés. »

Le dernier regard
Reste Frank Bruno, figure du monde du handicap qui ne compte plus les performances sur terre et en mer, à pied, à ski, à la rame, du Groenland à la Géorgie du Sud, des fonds marins de l'île de beauté à la banquise du pôle Nord. Précédant les Argentins, le 21 janvier 2009, il monte encore, mais s'arrête à 6 445 m. « Une petite cloche tintait dans ma tête... Tu vas trop loin, cette fois, tu n'en reviendras pas », se remémore-t-il. « La réussite, c'est de revenir vivant », se persuade-t-il. Dans sa descente vers le camp n° 2, il croise Juan et Martin.
Juan et Martin sont arrivés au sommet. À la descente, Martin est parti en avant, en éclaireur. Mais Juan Carlos Dillon n'est jamais arrivé.
Ils en sont revenus bouleversés, éreintés mais vivants. Un compagnon d'infortune argentin, rencontré en janvier sur le plus haut volcan du monde, le Cerro del Pissis (6 882 m) dans les Andes argentines, y est resté. Il avait deux jambes. Il s'appelait Juan. Franck, Éric et Frank n'en ont que trois... jambes, à eux...

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