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Actualités - REPORTAGE

Sécurité L’aéroport de Beyrouth à l’école française

George ACHI À l’aéroport Rafic-Hariri, la France aide à la formation des services de sûreté et de contrôle. Un programme « d’échange » dont profitent directement les autorités libanaises. Gérer la sécurité d’un aéroport n’est pas une tâche aisée. Entre la circulation des avions et des voyageurs, le contrôle des migrations, la fouille des bagages et la prévention des risques liés au terrorisme, aux conditions naturelles et aux erreurs humaines, les dérapages sont faciles – et à l’aéroport Rafic-Hariri, ces dérapages peuvent avoir des conséquences d’autant plus graves que Beyrouth se trouve être une plate-forme de transit entre le Moyen-Orient et l’Europe. Il s’agit donc pour les autorités libanaises de montrer une efficacité sans faille dans le maintien de l’ordre au sein de cet aéroport pour permettre des liaisons sûres avec les grandes villes internationales. Il y a quelques années, des compagnies aériennes comme Air France ou British Airways ont exprimé des réserves quant à la qualité du service de sécurité offert à leurs avions et à leurs équipages par la capitale libanaise. « Rien de bien grave, explique aujourd’hui un pilote anglais. Mais je dois avouer que la façon dont les contrôles étaient effectués à l’aéroport de Beyrouth était un peu surprenante après la fin des conflits, dans un pays où les risques terroristes sont connus. On s’attendait à plus de rigueur pour pouvoir assurer notre sécurité et celle des passagers. » Ces doutes se sont transformés en un appel à une meilleure gestion par l’aéroport de l’ensemble des risques encourus – une tâche difficile à accomplir par des forces de l’ordre qui ont encore du mal à se reconstituer après des années de guerre et d’instabilité militaire. Offre de soutien de la France Sans complexes, l’armée libanaise a accepté la main tendue par la France, dont le ministère des Affaires étrangères propose des programmes de formation et de soutien technique aux pays amis qui en manifestent le besoin : il s’agit, entre autres, d’une aide personnalisée dans le domaine de la sécurité intérieure. Ingérence française ? « Loin de là, répond Marc Pasotti, responsable du programme de soutien en “sécurité intérieure” à l’ambassade de France, à Beyrouth. Nous répondons à des besoins et à des demandes ; nous n’imposons jamais notre aide. Par ailleurs, il s’agit surtout de formations. Nous ne participons pas aux procédures : nous faisons simplement profiter nos collègues libanais de notre expérience, et c’est eux qui mènent l’action sur le terrain. » Le programme de sécurité aéroportuaire illustre bien cet esprit de soutien : il est précisément organisé autour d’un centre de formation, qui occupe des locaux réaménagés pour l’occasion à l’entrée de l’aéroport. Ce centre n’est pas encore opérationnel, mais il devrait bientôt pouvoir assurer la formation des « personnels appartenant aux grandes directions qui concourent à la sûreté de l’aviation civile » – il s’agit notamment d’initier les agents de sécurité à un meilleur contrôle des documents ou à de méthodes modernes d’inspection des bagages. Trois ans de rodage Pour l’instant, le centre en est encore à former ses formateurs. Ceux-ci, au nombre de seize, sont issus des Forces de sécurité intérieure, de l’armée, de la Sûreté générale, de la douane et de l’aviation civile. Ils ont été sélectionnés par un jury et vont suivre un stage intensif de trois mois au terme duquel ils se verront délivrer un certificat par l’École nationale de l’aviation civile à Toulouse, partenaire du projet Le commandant Didier Constant, responsable français du projet, a été nommé pour trois ans, le temps de mettre le programme sur les rails. Il passera ensuite le relais au général Joseph Ishac, le directeur du centre, issu, lui, de l’armée libanaise. « Nous voulons que cette période de formation se déroule le mieux possible, explique le commandant Constant. Le but n’est pas d’asséner aux formateurs des connaissances qu’ils redistribueront systématiquement à leurs élèves ; nous voulons plutôt leur donner des capacités théoriques et pédagogiques qui leur permettront, sur le terrain, d’évaluer les besoins du personnel et de mettre en place des enseignements adéquats. » Les futurs formateurs reconnaissent sans hésiter l’intérêt d’une telle logique. « On a enfin l’occasion de travailler de manière professionnelle, explique l’un d’entre eux, le lieutenant Rabih Nasrallah. En général, quand on arrive à nos postes à l’aéroport, on apprend tout sur le tas. Avec ce centre, on va pouvoir passer au niveau supérieur. » Des cours théoriques et pratiques seront dispensés dans les locaux du centre et au sein même du terminal. Par ailleurs, des projets complémentaires permettront de parfaire le développement de l’aéroport : vont ainsi être créées une unité canine pour la détection d’explosifs et de stupéfiants, une unité de déminage d’engins explosifs et une unité de sauvetage maritime modernisée – cette dernière s’avère indispensable au vu des pistes de décollage et d’atterrissage, qui se jettent pratiquement dans la mer. Quel intérêt pour la France ? Outre la mission de sécurité aéroportuaire, soixante-neuf « actions de coopération » ont été menées en 2008. L’ambassade a ainsi recensé une cinquantaine d’experts français présents au Liban, près de cent cinquante Libanais invités en France dans le cadre de stages ou de séminaires, et un total de presque six cents personnes ayant bénéficié d’une formation. Quel est donc l’intérêt de la France en retour ? « Il s’agit de collaboration et d’échange, reprend Marc Pasotti, à l’ambassade. Nous y gagnons autant que les Libanais ! » Une déclaration un peu surprenante lorsqu’on constate l’ampleur des moyens humains et techniques fournis par le ministère des Affaires étrangères français : il est évident que la France donne plus qu’elle ne reçoit directement dans le cadre de ces programmes. Ceux-ci s’inscrivent en fait dans un réseau international de très grande ampleur, le Service de coopération technique internationale de police (SCTIP), créé au début des années 1960 pour apporter l’assistance des cadres de la police française aux États d’Afrique fraîchement décolonisés. Aujourd’hui présent dans une centaine de pays, le SCTIP permet à la France de gérer ses intérêts en créant des liens plus ou moins étroits avec les autorités locales. « Les Libanais formés chez nous, explique M. Pasotti, vont rentrer dans leur pays avec un carnet d’adresses bien rempli. Ils auront un éventail de collègues auxquels ils pourront téléphoner, qu’ils pourront accueillir au Liban, etc. L’intérêt, c’est l’échange sur les procédures et les législations. Nos relations avec les différents pays deviennent ainsi plus harmonieuses. » Côté libanais, on ne cache pas sa satisfaction : les bénéfices sont énormes en termes de développement de la sécurité intérieure. Un haut responsable de l’armée, sous couvert d’anonymat, confie que « la France fait très bien son travail » et ajoute : « Nous ne sommes pas dupes. Il s’agit pour eux de maintenir leur influence au Liban face à celle des autres pays européens et des Américains. Mais ils le font très honnêtement en proposant des services de qualité, sans jamais rien imposer. Les experts sont à l’écoute de nos besoins, auxquels ils répondent efficacement et sans jamais mettre le nez dans notre travail sur le terrain. Je pense donc que la meilleure réponse de notre part est la reconnaissance. »
George ACHI

À l’aéroport Rafic-Hariri, la France aide à la formation des services de sûreté et de contrôle. Un programme « d’échange » dont profitent directement les autorités libanaises.
Gérer la sécurité d’un aéroport n’est pas une tâche aisée. Entre la circulation des avions et des voyageurs, le contrôle des migrations, la fouille des bagages et la...