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Actualités - OPINION

Septicémie

Depuis la visite du général Aoun à Téhéran, ensuite en Syrie, je me pose plein de questions. Je cherche, je réfléchis, je médite, mais je n’arrive pas à comprendre. Je voudrais écrire, mais j’hésite ; m’est-il permis à moi, « parce que » sunnite (comme il m’est répugnant de me labelliser de tel, mais mon nom ci-dessous me trahira), de critiquer un leader chrétien ? Mais en fait, ce ne sont pas des critiques que j’exprime, mais des réflexions et des questions adressées à un leader que je considérais être intrinsèquement libanais avant d être d’abord chrétien. 1/ Je ne comprends pas comment le général Aoun, durant un dîner organisé par la communauté assyrienne en Iran le 15 octobre 2008, peut établir un parallèle entre le Liban et l’Iran, et dire : « L’Iran comme le Liban est un pays tolérant, refuge de tous les persécutés. » M. Aoun a-t-il à ce point oublié le sens et l’essence de la tolérance? C’est à se demander s’il connaît l’histoire de ce pays qu’il a visité pour affirmer chose pareille. Entre autres, est-ce afin de réveiller la fibre confessionnelle qu’il utilise des mots comme « persécutés » ? Ce rôle qu’on vous a assigné, mon général, ne vous va pas ; je vous préférais de loin quand vous prôniez la laïcité, mais je pense que des gens qui pensent ainsi sont, pour vous , « dépassés » car hors du contexte de votre très nouvelle image de chef des chrétiens d’Orient, image assignée par ceux que vous qualifiez depuis d’alliés, chapeautés par des régimes totalitaires (NB : il est inutile d assurer que je n’ai absolument rien contre les gens de confession alaouite ou chiite, mais ce que je relève ici, c’est évidemment cette nouvelle stratégie des minorités comme bouée, etc.) 2/ Je ne comprends pas comment on peut trouver qu’il y va du bien des chrétiens du Liban d’être ralliés à des régimes pareils ? Quel sordide amalgame ! Ce sont deux entités contraires, qui provoqueront un rejet mutuel car il est impossible de fondre les chrétiens du Liban, qui ont toujours été à l’avant-garde de la bataille pour les libertés, dans des régimes autocratiques et rigides. Une septicémie pour le Liban 3/ Quant à M. Ibrahim Kanaan, qui avait répondu à tous ceux qui critiquaient la visite du général en Iran : « Au moins, il est conséquent avec lui-même et il n’opère pas des revirements incompréhensibles », je peux vous assurer et certifier que ce jour-là, je n’ai pas pu comprendre ni le « revirement », ni le « conséquent », ni M. Kanaan ! (alors que j’avais ressenti ces propos ainsi que les autres comme une contorsion démesurée et dantesque). 4/ Mon général, vous avez parlé de tolérance en Iran. Je ne me rappelle pas d’un Européen, d’un Américain, ou même d’un Asiatique ou d’un Africain fuyant son pays pour se réfugier en Iran. Par contre, beaucoup d’Iraniens, de Syriens et même « un » Libanais ont bien quitté ou fui contre leur volonté leur pays pour se réfugier dans des pays comme la France ou les USA. Vous qui avez été donc persécuté et chassé par vos ennemis, vous auriez dû vous rendre en Iran, général, pour votre séjour forcé hors de votre pays ; la France de la liberté-égalité-fraternité ne vous a pas inspiré, c’est dommage ! Mais la République islamique d’Iran, si... Mon général, dans une interview à « L’Orient-Le Jour » du 19 novembre, juste avant votre visite à Damas, vous avez répondu à une question concernant la période des bombardements syriens sur le palais de Baabda par ces propos: « …Le vrai courage est de la dépasser pour arriver à la paix et à l’assainissement, et la purification des consciences libanaises et syriennes pour les délivrer des erreurs et des taches qui les alourdissent. Notre objectif est de libérer nos mémoires des conséquences de ces actes pour parvenir à construire… » Autant certains peuvent trouver ces paroles héroïques, autant cette même phrase aurait eu une portée nationale absolue si l’hôte à qui vous rendriez visite avait été Samir Geagea d’abord, ensuite Joumblatt, Hariri, Berry, Nasrallah. Et cela aurait donné ceci : «Le vrai courage est de dépasser la période de la guerre civile pour arriver à la paix, et à l’assainissement et la purification des consciences libanaises toutes confessions ou tous partis politiques confondus pour les délivrer des erreurs et des taches qui les alourdissent. Notre objectif est de libérer nos mémoires des conséquences de ces actes pour parvenir à construire notre cher pays le Liban. » Mon général, entamez aussi, et en priorité, la réconciliation avec ceux que vous considériez (et toujours ?) vos ennemis libanais. Vous y gagnerez beaucoup. En espérant qu’un jour, nous les peuples de cette région, au Liban comme ailleurs, pourrons vraiment connaître la tolérance et la justice car cela impliquera que nous avons atteint ce à quoi nous aspirons tous : la liberté. Mais qu’il est long encore, ce chemin. Diala EL-YAFI
Depuis la visite du général Aoun à Téhéran, ensuite en Syrie, je me pose plein de questions.
Je cherche, je réfléchis, je médite, mais je n’arrive pas à comprendre. Je voudrais écrire, mais j’hésite ; m’est-il permis à moi, « parce que » sunnite (comme il m’est répugnant de me labelliser de tel, mais mon nom ci-dessous me trahira), de critiquer un leader...